La municipalité de Hochfelden (Bas-Rhin) veut démolir une petite maison alsacienne pour réaliser un parking. Mais depuis des mois, l'ASMA (Association de sauvegarde de la maison alsacienne) tente de trouver d'autres solutions, soutenue notamment par Stéphane Bern.
C'est une maisonnette toute modeste, sise au 6, place de la Libération, à Hochfelden. Sans grand panache, elle n'a pas d'ornements particuliers. Mais sa simplicité même constitue un témoignage du patrimoine bâti de Hochfelden.
En effet, son histoire est déjà ancienne. Car la petite maison remonte au minimum au début du 19e siècle, voire à une ou deux décennies avant la Révolution française.
Pourtant, depuis début 2021, elle est en sursis. Elle fait l'objet d'un bras de fer entre la municipalité, qui veut la démolir pour en faire un parking à proximité des commerces. Et l'ASMA (l'Association de sauvegarde de la maison alsacienne), qui tente le tout pour le tout afin de la sauver (voir sa localisation sur la carte ci-dessous).
Un parking de 20 places doit la remplacer
En début d'année, le conseil municipal d'Hochfelden a voté le projet de création de vingt emplacements de stationnement, avec des bornes d'entrée et de sortie et une barrière. Et, pour ce faire, la démolition d'un petit ensemble immobilier comprenant la maison à colombages ainsi qu'une maisonnette plus récente.
Alertée par ce projet dès la fin du mois de mars dernier, l'Asma a visité les lieux avec le maître d'œuvre mandaté par la commune, et s'est engagée à chercher une solution alternative. Assez rapidement, elle a proposé un nouveau plan d'aménagement du parking, réduit de trois ou quatre places, mais qui permettrait de conserver la maison à colombages et sa petite cour.
Par ailleurs, l'association a même trouvé un acquéreur. Mais dans un courrier daté du 19 octobre dernier, la commune a décliné cette offre de rachat, en expliquant que "dans l'éventualité de ne démolir qu'une partie du corps de ferme, il ne serait plus possible d'installer une barrière, condition nécessaire à une bonne utilisation du parking."
L'ASMA a trouvé un acquéreur
Une réponse totalement incompréhensible pour l'Asma : "Ce qui est le plus scandaleux, c'est qu'un jeune couple est prêt à acheter la maison" s'étrangle Denis Elbel, vice-président de l'association. "Donc à payer 50.000 euros pour l'acquérir, la restaurer et la réhabiliter à ses frais."
Pour contrebalancer son refus, la municipalité propose de "céder à titre gracieux les colombages et les éléments de charpente, afin de construire la maison sur un autre terrain." Proposition que l'Asma juge "non pertinente".
Dans un courrier du 13 novembre dernier, l'association avance pour cela des arguments économiques, en rappelant que le "démontage d'une maison à colombages est un chantier plus onéreux qu'une démolition."
Mais, surtout, elle reprend les arguments avancés par l'architecte des bâtiments de France (ABF), Sandu Hangan, dès juillet 1919. Dans son avis, ce dernier estimait en effet que "la création d'une dent creuse dans le tissu bâti porterait gravement atteinte à la qualité et cohérence du secteur."
L'ABF qualifiait par ailleurs de "grave erreur" et de "perte urbanistique et patrimoniale irréparable pour la commune" la démolition de "cet ensemble de constructions traditionnelles en maçonnerie et colombage." Tout en précisant que, vu que "cet immeuble n'est pas situé dans le champ de visibilité d'un monument historique (…) l'accord de l'architecte des Bâtiments de France n'est pas obligatoire" pour sa démolition.
Frédéric Bierry et Stéphane Bern, des soutiens de poids
Pour sauver la modeste maisonnette, l'ASMA a trouvé des soutiens de poids. En premier lieu, le président de la CEA (Collectivité européenne d'Alsace), Frédéric Bierry, qui a écrit à deux reprises à la municipalité de Hochfelden.
Dans son dernier courrier, du 19 novembre dernier, il "invite" le maire de la commune à "reconsidérer le projet dans sa globalité" et l'assure du soutien de la CEA pour trouver une solution satisfaisante pour tous les protagonistes. "Mes services se tiennent à la disposition de vos équipes pour réfléchir avec elles à toutes les options possibles, et vous proposer un accompagnement correspondant" écrit-il encore.
Egalement alerté par l'ASMA, l'animateur Stéphane Bern a envoyé une missive au conseil municipal de Hochfelden, dans laquelle il fait "part de (son) indignation et de (sa) colère" face à cette "décision de démolir cette maison alsacienne". Décision "d'autant plus regrettable" selon lui, que son maintien ne remettrait "aucunement en question" le projet du parking. Et permettrait à un jeune couple de la transformer "en bâti écologique de référence du 21e siècle."
La lettre de Stéphane Bern, partagée par l'ASMA sur sa page Facebook.
Des habitants partagés, mais qui hésitent à donner leur avis
Dans la commune, le projet de démolition a ses partisans. Des habitants qui estiment que cette maison "peut très bien être détruite", car elle n'est "pas forcément très remarquable".
Mais de nombreux Hochfeldois ne sont pas d'accord. "C'est dommage, c'est quand même un patrimoine à préserver, des maisons qui ont déjà du vécu" a expliqué un habitant à France 3 Alsace.
Et un autre de renchérir : "C'est le patrimoine et l'argent public qu'on envoie en l'air pour démolir une bâtisse qu'on pourrait rénover." Mais beaucoup de personnes, partageant cet avis, ont refusé de s'exprimer à visage découvert.
Contacté par nos soins, le maire d'Hochfelden, de son côté, n'a pas souhaité apporter de commentaire à ce sujet.
L'ASMA se bat régulièrement pour des dossiers de ce genre. En avril dernier, elle avait réussi à sauver une maison à Brumath. Mais en 2020, une autre avait été démolie à Geudertheim. Et selon l'association, plus de 300 maisons à colombages seraient détruites chaque année en Alsace.