Après quatre ans de pause, dont deux pour cause de covid, la troupe de Schirrhein, Les 2 Haches, remonte sur les planches. Elle propose une soirée avec sketches et chansons, qui se veut un hommage au Bàràbli, le cabaret strasbourgeois d'après-guerre de Germain Muller.
Le nom de la troupe, Les 2 Haches, rappelle que Schirrhein, commune forestière, compte de nombreux bûcherons. A l'origine, elle a été créée pour monter des pièces racontant l'histoire du village.
Mais un jour, les sujets historiques étaient épuisés, "donc on s'est dit qu'on pourrait tenter de faire du cabaret" raconte Frédérique Studer, co-auteur des textes. Ce qui fut fait depuis 2015.
Une quarantaine d'acteurs dont certains viennent de loin
Cette revue 2022 est la troisième. "On aurait dû jouer en 2020, mais on a dû repousser à deux reprises. Donc cette année, on a décidé de s'y mettre" raconte encore Frédérique Studer.
Et tant pis si l'un ou l'autre acteur fera faux bond au dernier moment, parce que testé positif au covid. "Si quelqu'un manque, un autre prendra le rôle." Cette fois, la troupe compte bien "arriver au bout de l'ensemble des représentations."
Les acteurs, une petite quarantaine, ne sont pas tous de la commune. Certains viennent même de loin. Parmi eux, Nicole Geschwind, qui n'hésite pas à faire "trois quarts d'heure de route. On est une bonne équipe, donc les kilomètres ne comptent pas."
Et son comparse Francis Dolt l'assure : "Tous les acteurs aiment venir. En coulisses, il y a une super ambiance." Pour eux, l'objectif est simple : "Faire plaisir aux gens. Les faire rire, à nouveau. Et nous faire plaisir à nous aussi. Railler, titiller, faire rire et pleurer."
Actualité, amour et vie quotidienne, tout y passe
Les joyeux drilles s'attaquent à tous les sujets : les gilets jaunes et le réchauffement climatique, la guerre des vaccins comme le non-respect du confinement. Ou encore le tri sélectif – où l'on apprend qu'il faut même recycler les étiquettes de bouteilles. Et la retraite à points, chantée sur l'air d'Edith Piaf "Non, rien de rien".
Durant le spectacle, sketches et chansons alternent. Dont certaines sont des reprises, traduites en alsacien, comme le fameux Il en faut peu pour être heureux du dessin animé Le livre de la jungle.
Il y a aussi quelques monologues, où les belles-mères en prennent pour leur grade, les tartes aux quetsches sont portées aux nues, et les femmes enceintes expriment leur ras-le-bol. Et une reprise, en version dialectale, de La drague de Guy Bedos.
La politique à tous les échelons
La politique nationale et le réchauffement climatique se déclinent en bouée et maillots de bain. Au niveau du Grand Est, l'Alsace, couvre-chef surmonté d'une cigogne, tente de rabattre le caquet à la Champagne-Ardenne, en acceptant provisoirement la Lorraine comme alliée.
Et à l'échelle locale, un conseil municipal haut en couleurs veut créer un musée de la Fleischwurscht (saucisse de viande). Tandis que son maire risque de finir empoisonné, depuis qu'il suscite la guerre des trônes.
"Mais en scène, on ne dit pas tout" avoue Lola, l'une des comédiennes. "En coulisses, on en dit bien plus."
Un spectacle bilingue, malgré tout
Depuis des années, la commune de Schirrhein fait beaucoup d'efforts pour maintenir la pratique du dialecte. Pourtant, le cabaret est bilingue.
"On est à fond pour l'alsacien, mais nous devons reconnaître que nous n'avons plus un public capable de suivre un spectacle intégralement en dialecte" explique Frédérique Studer. "Pour attirer également les plus jeunes, nous le mélangeons au français, afin que tous puissent suivre à peu près."
Hommage à Germain Muller
Deux parapluies multicolores encadrent la scène. Un hommage évident au cabaret strasbourgeois d'après-guerre, le Barabli, créé par Germain Muller. Un sketch écrit par ce dernier, "S'Bänkele" (Le petit banc) ainsi que deux chansons sont d'ailleurs intégrés au spectacle.
Et c'est le chant emblématique du Barabli qui résonne avant le tomber de rideau :
"Mìr sìn schin's d'Letschte, ja d'Àllerletschte, vun dene Lätze wo noch so bàbble, wie de Schnàwwel 'ne gewàchse n'isch. Noch uns ìsch fèrti mìt dem Tràffàri, un no wurd èndli im gànze Frànkri, ge-parlez-vous numme frànzeesch."
(Nous sommes les derniers, les tout derniers de ces tordus qui parlent encore comme le bec leur a poussé. Après nous, c'en sera fini de ce cirque, et enfin dans toute la France on parlera seulement français.)
La revue "Mir hàn àlli de selb Fàhne" "Ils sont fous ces Alsacos" est encore donnée mercredi 6, jeudi 7, vendredi 8 et samedi 9 avril à 20h15 au centre socio-culturel de Schirrhein.