Le succès du dictionnaire des mots bizarres permet à son jeune auteur, un étudiant strasbourgeois, d'offrir des livres à plusieurs écoles primaires

En septembre 2021, un étudiant strasbourgeois publiait un dictionnaire des mots bizarres, et pensait en vendre quelques dizaines d'exemplaires. Mais depuis, ses bénéfices sont tels qu'il a pu offrir des livres à plusieurs écoles élémentaires. Et il peaufine déjà une nouvelle édition.

En octobre dernier, nous vous avions présenté "Kjokk – le dictionnaire des bizarreries de la langue française" : un ouvrage né de la curiosité, et de la ténacité, de Mickaël Schauli, un jeune étudiant en sciences de l'éducation, originaire de Wolschheim (Bas-Rhin).

A partir d'un jeu en ligne, Bombparty, le jeune homme de 19 ans s'était découvert une passion pour les mots étranges, incongrus ou désuets. Son déclic : apprendre que le terme Kjökkenmödding (qui désigne des déchets culinaires des populations préhistoriques européennes) est bien référencé dans le dictionnaire.

Rapidement, il a lancé le projet de regrouper ces mots les plus extravagants, et pourtant officiels, dans un dictionnaire spécifique. En mars 2021, il avait récolté 28 pré-commandes, et, modeste, prévoyait de faire imprimer tout au plus quelques dizaines d'exemplaires supplémentaires.

Or, près de 700 exemplaires sont déjà écoulés. Et dès le printemps, les bénéfices engrangés dépassaient de très loin toutes ses espérances. Mais il n'avait nullement l'intention d'empocher ces gains imprévus. Pour lui qui, d'ici trois ans, se destine au métier de professeur des écoles, cet argent devait servir à soutenir quelques projets éducatifs.

Il a donc contacté le groupement scolaire le plus proche de chez lui. Les enseignants ont pu lui commander des livres et des cartes de géographie, et avant les vacances, il est venu les distribuer dans les classes, et répondre aux nombreuses questions des élèves. 

Tout le bénéfice pour des écoles

Mickaël Schauli est encore étonné, pour ne pas dire émerveillé, de cette réussite inattendue. "Je ne m'attendais pas à ce que ça aille aussi loin, il y a bien plus que je n'imaginais" confie-t-il. Car il se souvient de ses états d'âme de l'an passé : "Au départ, je me suis dit : Qui suis-je pour écrire un dictionnaire, alors que je n'ai aucune connaissance en la matière ?"

Dès le départ, il avait donc décidé que s'il parvenait à mener son projet à terme, sans y perdre de plumes, il ne garderait rien : "Je me suis dit : s'il y a un bénéfice, aussi infime soit-il, autant que ce soit donné à des écoles et qu'elles en profitent jusqu'au bout."

Donc, lorsqu'en mars-avril dernier, il a vu qu'il avait déjà récolté près de 2.500 euros, il n'a pas hésité. Il a contacté le groupement scolaire le plus proche de chez lui, le réseau rural d'éducation "Autour du Sternenberg" qui regroupe les enfants des communes de Furchhausen, Friedolsheim, Littenheim, Lupstein, Saessolsheim, Waldolwisheim et Westhouse-Marmoutier.

Voici une dizaine d'années, lui-même était encore élève dans ce secteur. Il connaissait donc "plusieurs de ces écoles" et même "certains professeurs". Lors d'une réunion, il a pu expliquer son projet aux enseignants concernés, et les inviter à faire leur petite liste au père Noël.

Les souhaits étaient "très variés : généralement des livres en série, un par élève. Livres de lecture, documentaires, dictionnaires..." Une classe a préféré des cartes de géographie. Le jeune étudiant s'est occupé des achats, "170 livres au total, et 5 cartes" puis les a "ramenés dans les écoles, pour passer un moment avec les élèves."

De belles rencontres avec les élèves

A chaque fois, ce temps de rencontre "était super" pour l'auteur de "Kjokk". "Les enfants avaient plein de questions : Combien il y a de définitions ? Et comment on écrit une définition ?" détaille-t-il.

Des questions particulièrement pertinentes pour lui. Car tout en s'inspirant bien évidemment de dictionnaires préexistants, il avait dû rédiger lui-même chaque définition, avec ses propres phrases, pour éviter tout plagiat.

"C'était très intéressant d'expliquer ça à des élèves de primaire" sourit-il. "Même peu d'adultes s'intéressent à la manière dont on fait un dictionnaire. Un dictionnaire représente toujours une forme de savoir absolu, et on ne pense pas que derrière, il y a de l'humain, et un très long travail. Donc, pouvoir sensibiliser des jeunes à ça, c'est extraordinaire." 

Le soutien du ministère de la Culture

Par ailleurs, Mickaël Schauli a même eu le soutien du ministère de la Culture. A Strasbourg, "par hasard", il a croisé la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak. "J'ai pu échanger avec elle, et elle m'a félicité pour mon livre" se réjouit-il.

Et peu de temps auparavant, le jeune étudiant avait été reçu à Paris par le délégué général à la langue française et aux langues de France, Paul de Sinety. Un "succès vraiment inespéré" qui lui "fait très plaisir. C'est un soutien moral, et une belle visibilité" estime-t-il. "Si j'ai besoin de telle ou telle compétence, ils pourront me mettre en relation avec les bonnes personnes."

Une nouvelle édition pour l'automne

Après les 600 heures de travail que son "Kjokk" lui avait demandées, Mickaël Schauli avait confié en octobre 2021 à France 3 Alsace ne pas se sentir prêt à rédiger un tome deux. Mais entretemps, fort des encouragements du ministère et de son entourage, il a changé d'avis. Pas pour une suite, mais pour une réédition largement enrichie.

Initialement, ce "Kjokk" version 2 était prévu "pour avant Noël". Mais grâce à l'expérience acquise, le travail avance plus vite que prévu, et il devrait déjà paraître au courant de l'automne. "700 nouvelles définitions" viendront s'ajouter aux 2.000 de la première version, soit "60 à 70 pages de plus."

En outre, "les anciennes définitions ont été revues et corrigées, pour celles où il restait de petites erreurs." Et le jeune auteur promet "de nouveaux petits articles à la fin, avec des mots pas officiellement dans les dictionnaires, comme des noms de communes, ou des mots désignant des phobies." En résumé, "pas que du plus" mais "aussi du mieux."

Des projets pour la suite

Et ensuite ? Maintenant qu'il est vraiment devenu accroc à ses mots pas comme les autres, Mickaël Schauli envisage même de remettre régulièrement son dictionnaire sur le métier. Du moins tant que son emploi du temps lui en laissera le loisir.

"Le projet serait de revoir chaque année les définitions qui existent, et d'en ajouter de nouvelles, pour en faire un ouvrage de plus en plus complet au fil des ans" explique-t-il. Histoire d'obtenir, en bout de course, un dictionnaire "presque exhaustif, avec tous les mots qu'on ne connaît pas."  

Ses premiers contacts, si enrichissants, avec des classes de primaire lui ont encore donné une autre idée. "J'ai imaginé que peut-être, un jour, je pourrais faire un projet sur l'année, où des élèves participeraient à l'édition d'un dictionnaire ou d'un livre. Ça leur montrerait d'autant mieux le processus de fabrication."

"Ce n'est qu'une idée" tient-il à préciser. "Mais j'y pense fortement." Et vu la manière dont sa première idée, a priori saugrenue, s'est concrétisée en à peine une année, on imagine sans peine que celle-ci a également toutes les chances d'aboutir un jour.

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