Rund Um. La région de Saverne compte une bonne dizaine de chapelles en pleine nature. Beaucoup sont entretenues par des bénévoles, des travailleurs de l'ombre très investis pour que ces lieux puissent rester ouverts et accueillants.
Certaines sont toutes petites, d'autres ont la taille d'une petite église. Parfois bien visibles sur un promontoire, parfois cachées, en pleine forêt. Les unes, accessibles en voiture, les autres uniquement par des chemins pédestres.
Lorsqu'il les découvre, le promeneur qui pousse la porte y trouve un peu de fraîcheur, un lieu agréable, propre, parfois joliment décoré, où il peut faire halte et se ressourcer. Le plus souvent, il reçoit tout cela comme un dû, une évidence, sans se poser de questions.
Mais pour que cela soit possible, beaucoup de ces chapelles ont leurs travailleurs de l'ombre. Des bénévoles, constitués en association, qui viennent régulièrement, parfois quotidiennement, entretenir les abords, nettoyer et garder le site attrayant au fil du temps.
On vous emmène dans quatre de ces chapelles, rencontrer ces "petites mains", et comprendre leurs motivations.
Les Amis de la chapelle Sainte-Barbe
Construite sur un socle rocheux à 330 mètres d'altitude, sur le ban d'Ottersthal, la chapelle Sainte-Barbe est visible depuis l'autoroute vers Saverne. Elle n'est accessible qu'à pied, par un chemin forestier.
Elle est attestée depuis le milieu du 16e siècle, où des écrits parlent d'un ermite, "der Bruder bei der Sant Barbara Kapell" (le frère près de la chapelle Sainte-Barbe). Depuis, elle a fait l'objet de plusieurs restaurations.
En 1978, une petite fille cardiaque a pu être sauvée grâce à une opération réalisée un 4 décembre (jour dédié à Sainte Barbe) après avoir été transportée dans une ambulance portant la mention "hôpital Sainte-Barbe". Sa grand-mère, qui venait régulièrement à la chapelle, y a vu un signe.
"Elle s'est dit : on va créer une association pour refaire la chapelle" raconte Albert Lorber, l'un des membres fondateurs. Car à l'époque, le lieu était largement dégradé. "C'était une ruine, il n'y avait plus de bancs, plus de vitraux, et le sol était vermoulu."
L'association a réussi à rassembler les fonds nécessaires - l'équivalent de 120.000 euros -, un artiste a réalisé de nouveaux vitraux, et Albert Lorber rappelle que "durant trois ans, 2.000 heures de bénévolat ont été nécessaires pour tout rénover, depuis le toit, les tuiles, la cloche, jusqu'au sol."
Depuis, des membres de l'association montent très régulièrement, pour que "leur" chapelle reste belle. Toutes les deux semaines, ils viennent nettoyer les abords, ratisser, desherber et couper la végétation trop envahissante.
Une autre bénévole, Monique Hemmer, s'occupe de la décoration. "Je la change selon les saisons" précise-t-elle. "En juin je mets des roses. En automne, des fruits et des bouquets de feuilles. Et pour la période de Noël, comme je collectionne les crèches, j'ai le plaisir d'en installer une ici."
Pour la période estivale, elle a choisi de jolis bouquets champêtres. "Ce ne sont pas de vraies fleurs" sourit-elle. "Mais j'en recherche toujours qui aient l'air le plus naturelles possible."
Elle a dû se résoudre aux bouquets synthétiques parce que "les vraies fleurs et plantes attirent les petits animaux." Elle raconte : "Un jour j'avais mis des épis de blé, et quand je suis revenue, il n'y avait plus rien, tout avait été grignoté."
Pour les visiteurs humains également, la chapelle reste toujours ouverte. Seul l'autel est protégé par une grille, mais il n'y a jamais eu de dégradation ni de vol. "Au départ, j'avais quelques craintes, particulièrement pour la crèche" confie la bénévole. "Mais depuis, j'ai confiance. Et ça marche."
Question motivation, la réponse est simple : "Pour moi, c'est une vraie détente. Si j'ai des problèmes, lorsque je monte par la forêt, tout est si beau que, soudain, mes soucis s'envolent. Et la seule préoccupation qui me reste, c'est comment décorer la chapelle pour qu'elle plaise aux visiteurs."
Les Amis du mont Saint-Michel
A quelques kilomètres de là, dominant la commune de Saint-Jean-Saverne, le mont Saint-Michel culmine à 438 mètres. Les premières traces humaines sur le site remontent à quelques siècles avant notre ère. On raconte aussi que le plateau rocheux circulaire, au bout du promontoire, aurait servi de piste d'envol aux sorcières qui voulaient se rendre au Bastberg, près de Bouxwiller.
Au Moyen-Age, la grotte en contrebas a également hébergé un ermite. Une première chapelle aurait existé dès le 14e siècle. L'actuelle, assez vaste, date de 1593. Elle est entretenue par les Amis du mont Saint-Michel, une association affiliée au Club vosgien qui tient un chalet-buvette à quelques pas de là.
La chapelle est ouverte tous les jours en juillet-août, et un bénévole du club vosgien en assure l'ouverte et la fermeture. Hors saison, de mi-mars à fin octobre, elle est seulement ouverte les dimanches. Mais chaque semaine, des bénévoles viennent l'entretenir.
"C'est la chapelle du mont Saint-Michel qui attire les touristes" estime Camille Oswald, président honoraire de l'association des Amis. "S'il n'y avait pas la chapelle, notre chalet ne marcherait pas." Raison pour laquelle, avec son plumeau équipé d'un long manche télescopique, il n'hésite pas à traquer les toiles d'araignées jusque sur le crucifix fixé à plusieurs mètres de hauteur.
Du côté du choeur, Marie-Anne Kuhn, armée d'un balai, s'attaque au moindre grain de poussière sur les dalles. "Je viens chaque dimanche pour nettoyer et épousseter" explique-t-elle, radieuse. "Pour que les gens qui arrivent trouvent la chapelle propre."
Il y a quelques années, elle ramenait aussi des fleurs de son jardin; "et pour la messe du 1er mai, j'ai acheté des hortensias" confie-t-elle. "C'est vraiment une joie. Toute la semaine, je me réjouis de remonter le dimanche. C'est un plaisir de balayer. Parfois, les gens posent des questions, et on peut discuter. C'est mieux que de s'ennuyer chez soi."
En avouant ses 83 printemps, elle part d'un grand éclat de rire. "Je fais ça depuis 50 ans, même un peu plus. Et j'aimerais bien encore continuer un peu... malgré mon âge."
Les Amis de la chapelle du Haut-Barr
Le majestueux château du Haut-Barr, au-dessus de Saverne, comprend également une chapelle. L'association, créée en 1983, a permis de la restaurer, et veille sur elle chaque jour.
La petite bâtisse remonte à 900 ans, du moins en partie. "Des écrits de 1123 attestent qu'elle appartenait à l'évêché de Strasbourg" explique Jean-Claude Kremer, trésorier de l'association. Mais le choeur, effondré au 14e siècle suite à un tremblement de terre, a été reconstruit. "C'est pourquoi il est de style gothique."
Ce lieu intime invite à la méditation, et la plupart des gens venus visiter le château y font un tour. C'est pourquoi la quinzaine de membres actifs de l'association s'organisent pour assurer son entretien quotidien.
"Ça doit être fait. Chaque matin, toute l'année, qu'il pleuve, neige ou vente, quelqu'un vient pour la nettoyer" assure Jean-Claude Kremer. - "Beaucoup de gens passent chaque jour, il y a donc toujours quelque chose à faire, mettre de l'ordre ou remplacer les bougies" ajoute Geneviève Baehrel, la présidente, armée d'un plumeau pour lutter contre "les toiles d'araignées, particulièrement nombreuses en été."
En période de Noël, ils installent également une crèche, et là aussi, ce lieu ouvert quotidiennement de 8h à 20h n'a jamais subi de dégradations. "Mais il est vrai que le gérant du restaurant, juste à côté, jette un oeil, et nous prévient s'il décèle le moindre problème" précise la présidente.
Mais qu'est-ce qui motive donc un tel engagement ? "Je suis pratiquante" explique simplement Geneviève Baehrel. "Je le fais pour que des cérémonies puissent continuer à être célébrées dans cette chapelle." - "C'est vrai, on ne peut pas compter ses heures" reconnaît Jean-Claude Kremer. "Mais mes parents se sont mariés ici. Je suis donc entré dans l'association, et m'occupe des petits travaux."
En contrebas, les bénévoles ont également restauré la conciergerie, un bâtiment discret à l'entrée du site, "qui était une ruine." Ils disposent désormais d'une salle confortable pour leurs réunions. "C'est agréable l'été, et en hiver il y a un bon kàcheloffe" sourit le trésorier. Et l'étage leur offre suffisamment de place pour stocker tout leur matériel.
Les Amis de la grotte Saint-Vit
Sur la montagne vis-à-vis de celle du Haut-Barr, un grand et beau jardin de rocaille attend les visiteurs. Et en contrebas, une grotte abrite une vaste chapelle. Jusqu'à la Révolution, un second lieu de culte se dressait au-dessus, sur le plateau, mais il est aujourd'hui ruiné et il n'en reste qu'un pan de mur.
Depuis 1946, l'association des Amis de la grotte Saint-Vit entretient le site. Dans la chapelle, toujours ouverte, les bénévoles viennent remettre des bougies et des cartes postales. Chaque week-end, de mars à mi-décembre, le long escalier en plein air doit être balayé, pour enlever les feuilles mortes et les brindilles amoncelées par le vent.
Au printemps et à l'automne, ils organisent des journées de travail pour un nettoyage de fond. Et par temps chaud et sec, une demi-douzaine de bénévoles se relaient pour venir arroser le jardin tous les deux jours. Un grand réservoir d'eau et une pompe électrique leur facilitent un peu la tâche, mais cela ne leur évite pas, à certains endroits, de nombreux allers-retours avec des arrosoirs.
Parmi ces fidèles, André Hatzenberger vient au moins deux fois par semaine, parfois plus. "C'est sûr, il faut être un peu motivé" reconnaît-il. "C'est une façon de faire quelque chose pour les autres. Et les gens sont contents, ils nous remercient..."
Mais il voit encore un autre sens à son travail : "Il faut aussi penser à nos prédécesseurs" estime-t-il. "Le gros boulot, c'est eux qui l'ont fait, quand ils ont installé les pierres de rocaille, et cherché la terre en forêt. Si on est là, c'est aussi pour leur faire honneur. Je trouve que c'est un devoir de continuer, et ne pas laisser tomber."
Car tous ces bénévoles sont, chacun à sa manière, un maillon d'une longue chaîne. Qui, à y bien réfléchir, remonte encore bien plus loin que la création de leurs associations respectives. Si toutes ces chapelles sont encore là aujourd'hui, c'est bien parce que, de tout temps, des femmes et des hommes en ont pris soin. Humbles, discrets, et indispensables.