Le 11 novembre est le jour de commémoration de l'Armistice et du souvenir des morts pour la France de la Première guerre mondiale. Mais certains sont tombés dans l'oubli et le déshonneur. Le Colmarien Frédéric-Henri Wolff est le seul officier supérieur français à avoir été fusillé pour l'exemple lors de la bataille de Lorraine.
Été 1914. La bataille de Lorraine fait rage en ce début de guerre et l'armée française subit la puissance allemande. Ce sera le cas encore ce 25 août lorsque le bataillon emmené par le commandant Frédéric-Henri Wolff, formé de quatre compagnies, se lance à l'assaut du village d'Einvaux (Meurthe-et-Moselle). Les soldats allemands sont retranchés dans une briquetterie et tirent sans relâche.
L'historien Eric Viot, qui travaille à la rédaction d'un ouvrage sur le commandant Wolff, raconte la suite : "Wolff aurait pris, c'est un fait avéré, un mouchoir blanc, pour l'agiter au bout d'un fusil et faire croire à l'ennemi qu'il allait se rendre. Son objectif était de faire réagir les Allemands, retranchés et bien protégés dans l'usine, pour qu'ils sortent... Mais il est aussi accusé d'avoir crié "sauve qui peut" et engendré un mouvement de panique..."
Le commandant Wolff devient alors le bouc-émissaire de l'état-major, qui, plutôt que de reconnaître des erreurs de stratégie sur le front lorrain, veut un nom pour l'exemple. L'homme, né à Colmar en 1869, fils de militaire, s'est formé dans l'armée coloniale, du Sénégal au Tonkin. On dit de lui qu'il est plutôt un technicien qu'un soldat, spécialisé dans la télégraphie.
Conseil de guerre bâclé
À 45 ans, tout juste arrivé sur le front, sa première bataille sera donc sa dernière. Trahi par ses propres hommes et considéré comme l'unique responsable d'une panique générale qui mène à la retraite des troupes, il sera traduit devant un conseil de guerre, qui le condamne à mort. Il est fusillé "pour capitulation en rase campagne et provocation à la fuite en présence de l'ennemi".
"Wolff n'a eu aucune chance de s'en sortir, le procès est allé vite, précise Eric Viot. Les hommes sont au courant qu'on a mis un nom sur une défaillance, qui est alors plutôt générale..."
Depuis le début de la guerre, l'armée française subit un certain nombre de défaillances, mais c'est son nom qui ressort, et c'est le conseil de guerre...
Eric Viot, auteur d'un livre à paraître sur le commandant Wolff
Frédéric-Henri Wolff est considéré comme le deuxième fusillé français de la guerre, et le seul officier supérieur à avoir subi ce sort, alors qu'il est admis que plusieurs d'entre eux ont ordonné le retrait de leurs hommes. "Nul ne peut nier que, quelque part, ils ont été les victimes de la guerre et qu'ils sont morts pour leur pays autant que les autres, écrit l'historien Patrick-Charles Renaud dans la nouvelle revue lorraine. S'il est admis qu'un officier doit donner l'exemple, il est aussi comptable de la vie de ses hommes."
Vers une réhabilitation ?
Le débat sur la réhabilitation de ces fusillés pour l'exemple reste ouvert, alors que dès 1933, une première demande avait été déposée en faveur du commandant Wolff sans suite. Si sa dépouille, d'abord enterrée dans un verger, est perdue, une réhabilitation de son nom lui permettrait au moins de retrouver celui de ses camarades sur les monuments aux morts.