Que reste-t-il du "Kritterwisch", cette vieille tradition alsacienne du bouquet protecteur de l'Assomption ?

Encore pratiquée dans des villages en Allemagne et en Autriche, la tradition du Kritterwisch est tombée dans l'oubli en Alsace. Ce bouquet censé protéger son propriétaire de divers malheurs lors de la fête de l'Assomption reste seulement présent dans les souvenirs des plus anciens.

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L'Alsace est une terre où les traditions issues du culte catholique reste assez prégnantes. Cela n'empêche pas certaines d'entre elles de tomber dans l'oubli, comme celle du Kritterwisch. Qui connaît encore ce bouquet composé d'au moins 7 variétés différentes de fleurs et d'herbes sauvages, que l'on fait bénir à l'Assomption pour se prémunir contre les maladies et le mauvais sort ? 

"C'est vrai que c'est très rare et que peu d'Alsaciens en connaissent même l'existence aujourd'hui, confirme Simone Morgenthaler, journaliste et animatrice alsacienne, auteure d'un article sur le sujet publié sur son site en 2021. Je pense que depuis les années 60, la tradition s'est vraiment perdue."

Armand Kronenberger a aujourd'hui 83 ans. Cela fait des décennies qu'il va "simplement à la messe" dans son village ou dans le village d'à côté le jour de l'Assomption. Mais jusqu'à ses 17 ans, il s'agissait d'un jour bien plus haut en couleurs, selon ses souvenirs. "J'allais pendant une heure au moins au bord des routes, près de Benfeld, pour cueillir des fleurs sauvages. Il y avait des espèces bien spécifiques que l'on devait trouver, certaines étaient particulièrement difficiles à trouver mais avec le temps je connaissais les coins." Dans ces balades jardinières, il n'était pas rare de croiser un autre cueilleur. "À l'époque on voyait toujours des gens marcher le long des routes en Alsace, c'était pour préparer les bouquets de l'Assomption." 

Des fleurs pour "protéger" le foyer toute l'année

Selon la tradition, le bouquet doit être composé de 7, 9, 12, 14, 24, 72 ou 99 espèces. Cela va du millepertuis à la reine des près, en passant par l'absinthe. "Mais cette règle des chiffres n'est pas toujours respectée, ma grand-mère par exemple mettait simplement ce qu'elle trouvait", assure Simone Morgenthaler. 

Ces bouquets devaient ensuite être bénis lors de la messe de l'Assomption. Armand Kronenberg raconte avec nostalgie ces offices. "Je regrette ce temps, c'était la messe la plus fleurie de l'année. J'étais loin d'être le seul à faire ces bouquets, tout le village s'y mettait, l'église était pleine de fleurs de tous les côtés." Mais l'usage des fleurs ne s'arrêtait pas là, au contraire. La famille revenait alors avec le bouquet, le mettait à sécher, puis le disposait quelque part dans la maison. "Je me souviens très bien que ma grand-mère l'accrochait dans la chambre au-dessus du miroir. Puis de temps en temps elle utilisait un petit morceau pour faire une tisane."

Car le coeur de cette tradition se situe là, dans la protection de la famille et de la maison. La croyance était que ces fleurs bénies avaient le pouvoir préserver des maladies et du mauvais sort. "Chaque fleur devait nous protéger d'une maladie différente. Ma mère en mettait dans le thé jusqu'à ce que le bouquet soit complètement flétri dans le courant de l'année." Les fleurs recherchées sont d'ailleurs la plupart du temps des herbes aromatiques ou réputées médicinales. 

Pour les familles d'agriculteurs comme celle de Simone Morgenthaler, le bouquet protecteur pouvait également servir pour les cultures. "En novembre, pour les semailles d'hiver, ma grand-mère prélevait des épis du bouquet pour les mélanger au blé à semer. C'était pour protéger la récolte à venir.

Si la génération d'Armand Kronenberg sera "sans doute la dernière", selon ses propres mots, à avoir respecté cette tradition, celle-ci est encore bel et bien vivace dans certains village d'Allemagne et d'Autriche. A Gengenbach par exemple, ce sont les fermiers qui confectionnent eux-mêmes leurs bouquets en amont de l'Assomption, toujours pour protéger les récoltes de l'année à venir. "Je regrette vraiment que tout ça soit tombé en désuétude chez nous, confie Simone Morgenthaler. Il suffit d'en parler pour qu'on nous traite de bigots. Et en même temps, j'ai reçu beaucoup de témoignages d'anciens après mon article sur le sujet. Ils se souviennent de leur enfance et c'est une douce sensation."

Selon l'animatrice, des variantes de la tradition existaient. Dans le Sud-Alsace, le rituel s'appelait Glickshampfele et le bouquet était fait avec les derniers épis de la moisson, puis également béni lors de la messe de l'Assomption. 

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