Conséquence du réchauffement climatique, le débit du Rhin baisse, lentement mais sûrement. Pour que cette évolution n'impacte pas la production d'hydroélectricité dans les décennies à venir, EDF modernise ses usines alsaciennes. Afin de les rendre plus productives avec autant, voire moins d'eau.
L'hydroélectricité produite en Alsace couvre actuellement plus des deux tiers des besoins de la région. Mais suite au réchauffement climatique, le débit du Rhin baisse inexorablement. Rien d'alarmant pour l'instant. Cependant, pour anticiper une diminution de l'eau plus importante d'ici la fin du XXIe siècle, EDF rénove ses turbines. L'objectif est de pouvoir continuer à produire la même quantité d'énergie hydraulique malgré un débit moindre.
"Le débit du Rhin évolue constamment. Depuis une vingtaine d'années, on observe une baisse, explique Thomas Rochefeuille, responsable du centre de conduite hydraulique du Rhin, à Kembs, l'usine qui pilote l'ensemble des centrales EDF sur le Rhin. La quantité d'eau qui arrive sur la chaîne du Rhin est en baisse de 3%." Une baisse qui, selon lui, "reste à la marge" pour l'instant, et n'a pas d'impact immédiat sur la production.
Mais outre leurs observations du fleuve et leurs analyses en interne, les équipes d'experts d'EDF s'appuient aussi sur des études internationales et des rapports du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Et ils savent qu'avec le réchauffement climatique, la situation ne va pas s'améliorer dans les années à venir.
10 à 20% de débit du Rhin en moins d'ici la fin du siècle
"On peut raisonnablement penser qu'il y aura des impacts dans le futur, et de différents ordres, liste Thomas Rochefeuille. La fonte des neiges va avancer de 20 à 30 jours." A prévoir, également : "une hausse de la limite pluie-neige, donc moins de stockage de neige et plus de pluie qui va arriver dans les cours d'eau. Et aussi un recul des glaciers d'ici la fin du siècle."
Et ce retrait de la totalité des glaciers alpins aura des conséquences très concrètes. "Du coup, le sol sera plus chaud, l'air sera plus chaud, et il y aura donc plus d'eau qui va partir dans l'atmosphère plutôt que dans les cours d'eau." Les experts prévoient donc d'ici l'an 2100 une baisse de 10 à 20% du "productible", c’est-à-dire non pas du niveau, mais du débit du Rhin.
De nouvelles turbines, pour produire plus avec moins
Thomas Rochefeuille se veut rassurant. "Ça veut dire que 80 à 90% du débit continuera à passer. L'impact sera donc modéré sur la production, selon les prévisions qu'on en fait ", assure-t-il. Mais dans cette perspective, EDF "se prépare et s'adapte". Et accélère les travaux entamés dès 2018 pour moderniser ses usines hydrauliques rhénanes.
Sur l'ensemble de la chaîne du Rhin, rien que durant cette année 2024, cinq turbines sont à l'arrêt. Exemple à l'usine de Fessenheim, alerte septuagénaire qui fonctionne d'ordinaire avec quatre turbines de près de huit tonnes. Ce sont elles qui, en tournant, génèrent l'électricité par le biais d'un alternateur positionné par-dessus.
Mais depuis septembre 2023, l'une de ces turbines est entièrement démontée, et refaite à neuf. Son remontage est prévu pour cet automne. "Ses pales ont été complètement redessinées, re-designées, pour avoir un meilleur rendement", précise Thomas Grappe, responsable de la centrale hydroélectrique de Fessenheim. Et en plus de leur profil, c'est également leur position qui a été revue, afin de leur permettre "de mieux s'adapter au débit entrant dans la machine." Avec pour objectif "d'avoir le meilleur rendement, quel que soit le débit d'eau."
"On va gagner jusqu'à quatre points de rendement, se réjouit Thomas Grappe. Sur une centrale comme Fessenheim, qui produit un milliard de KWh par an, quatre points de rendement, ça représente 20 millions de KWh, ce n'est pas rien. Avec la même goutte d'eau, on va produire beaucoup plus."
"C'est une bonne chose de faire les travaux en ce moment, renchérit Thomas Rochefeuille. Puisque nos machines sont âgées et ont de toute façon besoin d'une rénovation de base. Et que ces gains de rendement nous permettent de venir contrer les effets du réchauffement climatique."
D'ici 2033, une vingtaine de turbines des usines alsaciennes, d'Iffezheim à Kembs, devrait ainsi être rénovée. EDF prévoit un budget global de 300 millions d'euros. Un investissement indispensable, puisque depuis la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, l'hydroélectricité devrait rester un acteur majeur de la production d'énergie en Alsace.