Rund Um : Les orchidées sont de superbes plantes très particulières et extrêmement diverses. Une association de passionnés leur consacre une exposition à Strasbourg, du 25 au 28 mars.
Les orchidées sauvages poussent partout : en Asie, Afrique, Nouvelle Guinée, mais aussi en Europe, et jusqu'en Alsace. Selon les spécialistes, il en existerait 30.000 variétés de par le monde.
L'association régionale des orchidophiles de Strasbourg, l'AROS, regroupe des passionnés qui ont aménagé des serres chez eux pour y cultiver des orchidées exotiques. Et d'autres, qui préfèrent arpenter l'Alsace pour photographier et répertorier les espèces locales.
Et tout ce week-end, du vendredi 25 au lundi 28 mars inclus, l'AROS veut partager sa passion avec le public, à travers une exposition d'orchidées au Pavillon Joséphine, à Strasbourg.
La serre d'un collectionneur
Les orchidées exotiques bichonnées en serre par des passionnés n'ont pas grand-chose à voir avec les hybrides faciles à vivre qu'on trouve chez les fleuristes. En effet, selon les variétés, les besoins de ces plantes sont extrêmement variés.
Certaines nécessitent beaucoup de chaleur et d'humidité, alors que d'autres, qui poussent à 3.000 mètres d'altitude dans l'Himalaya, affectionnent le froid.
Pour pouvoir en cultiver un panel suffisamment varié dans une seule serre, Denis Greff, un membre de l'AROS qui vit près de Mulhouse, joue donc avec la température, la lumière, la ventilation, la brumisation, et l'emplacement des pots.
En ce début de printemps, sa serre s'éclabousse de jaune, d'orange, de fushia, car pour bon nombre de ses protégées, c'est l'époque de la floraison.
Les graciles fleurs de Dendrobium Aphyllum, rose pâle, s'accrochent à leurs tiges tombantes, dépourvues de feuilles.
"Elle les a toutes perdues, explique Denis Greff. Pendant l'hiver il faut mettre cette orchidée au repos strict. Durant deux mois, pas une goutte d'eau. Et quand la température se réchauffe, on obtient ces fleurs magnifiques."
Aerangis Citrata, en revanche, qui porte une délicate hampe blanche, "ne nécessite pas de repos et aime l'humidité." La majeure partie des orchidées sont épiphytes, c'est-à-dire qu'elles prennent une autre plante pour support, mais sans la parasiter.
Une minorité croît en terre, comme cet hybride de l'orchidée Rotschildiadum, dont Denis Greff attend impatiemment la floraison. "C'est le must des orchidées, qui pousse près du mont Kinabalu à Bornéo" précise-t-il. "Le vrai Rotschildiadum a des pétales en moustaches, jusqu'à 30 centimètres de longueur. Une plante magnifique."
Lui-même a beaucoup voyagé, pour admirer les orchidées sauvages dans leur milieu naturel. A l'autre bout du globe, mais également "en Sicile, en Corse ou dans la Drôme." Pour lui, se trouver ainsi face à une orchidée sauvage qu'il connaissait "seulement en pot, ou en photo, est toujours une belle découverte."
Mais "la règle d'or" c'est de ne surtout pas en prélever. De trop nombreux sites naturels sont pillés, ce qui contribue à la disparition inéluctable d'innombrables variétés locales.
Pour se constituer une collection, la seule solution est d'acheter ses orchidées à des producteurs "français, allemands, belges, mais aussi asiatiques et sud-américains." Ou d'en échanger avec d'autres passionnés.
La reproduction se fait en laboratoire
Plante très évoluée, l'orchidée est aussi très dépendante. Son fruit contient des millions de graines minuscules, dont seuls 1 à 2% survivent dans leur milieu naturel.
"La semence d'orchidée est nue, elle n'a pas de réserves, contrairement à celle du blé, par exemple" explique Jean-Louis Kehlhoffner, botaniste et membre de l'AROS. "Pour germer dans la nature, elle doit obligatoirement s'unir à un champignon, qui l'aide à puiser sa nourriture."
Cette symbiose n'est pas reproductible telle qu'elle en laboratoire. Mais en lieu et place du champignon, les graines sont placées sur un terreau nutritif artificiel bourré de sels minéraux, d'engrais et de microéléments comme du magnésium et du fer.
La manipulation doit se faire de manière aseptisée, car ce milieu de culture est si riche que chaque bactérie ou moisissure présents dans l'air s'y développerait bien plus rapidement que l'orchidée.
Aujourd'hui, partout dans le monde, les collectionneurs et les horticulteurs travaillent avec des laboratoires. A Strasbourg, l'AROS elle-même disposait durant quelques années d'un petit laboratoire pour réaliser des reproductions. Mais actuellement, elle recherche un nouveau local.
De son côté, l'un de ses membres a aménagé une petite pièce-laboratoire chez lui. Il y cultive près de 80 variétés dans des boîtes de plastique : des plantules de quelques millimètres à 3 ou 4 centimètres de haut et jusqu'à 2 ans d'âge.
Certaines mini-orchidées d'un an à peine, transplantées dans de petits bocaux en verre, seront proposées à la vente lors de l'exposition. Ce milieu fermé leur convient bien, elles peuvent y rester deux à trois années de plus, sans aucun arrosage, et même y produire leurs premières fleurs.
Ce type de culture in vitro inspire les membres de l'AROS. Lorsqu'ils auront retrouvé un local adapté pour y installer un laboratoire conséquent, ils aimeraient produire de plus grandes quantités de ces mini-orchidées en bocal. Et ce, afin de les donner à des malades hospitalisés.
"Les patients atteints du cancer, ou immunodéficients, ne peuvent pas avoir de plante" explique Jean-Louis Kehlhoffner. "Nous souhaitons donc leur offrir des orchidées en bocal. Ainsi, ils auront malgré tout un végétal vivant dans leur chambre d'hôpital. Ils pourront le regarder grandir, et l'emmener chez eux lorsqu'ils repartiront."
A chaque orchidée son pollinisateur
A l'état sauvage, l'orchidée, non contente d'avoir besoin d'un champignon pour croître, s'adjoint également les services d'un insecte pollinisateur pour être fécondée. Petit hic : chaque variété d'orchidée a son propre insecte qui, d'ordinaire, ne vit que sur un territoire donné.
Une orchidée cultivée ailleurs ne peut donc plus être fécondée naturellement. L'exemple le plus connu est la vanille, à l'origine une liane, dépendante d'une abeille pollinisatrice qui vit uniquement au Mexique. Sur les plantations de vanille à Madagascar ou en Polynésie, il n'y a donc pas d'autre solution que de réaliser la pollinisation… à la main.
Et chaque variété d'orchidée développe sa propre stratégie pour attirer l'insecte sur lequel elle a jeté son dévolu. Certaines le piègent dans leur pétale inférieur en forme de sabot, dont il ne peut ressortir que par l'arrière, lesté de pollen.
D'autres l'appâtent avec leurs couleurs. D'autres aguichent les mâles prêts à l'accouplement avec leur morphologie semblable à celle de l'insecte femelle. Sur l'île de Madagascar, beaucoup ont des fleurs blanches, et privilégient le parfum aux teintes vives, puisque leurs pollinisateurs sont des insectes nocturnes.
Dans sa serre, Gilles Grunenwald, autre membre de l'AROS, cultive principalement de ces orchidées malgaches qu'il affectionne. Parmi elles, Angraecum sesquipedale, l'Etoile de Madagascar : sa fleur en forme d'étoile à six branches se prolonge par un éperon d'une trentaine de centimètres de long, dont la base est remplie de nectar.
"Pour la petite histoire, Darwin, en voyant cette orchidée, a deviné qu'il devait exister un insecte avec une trompe suffisamment longue pour aller chercher le nectar" raconte Gilles Grunenwald.
Le papillon nocturne en question, le sphinx Xanthopan Morgani, n'a été découvert que des années plus tard. Mais on l'a surnommé "Predicta" puisque Darwin avait prédit son existence.
Des orchidées alsaciennes
Plus discrètes, les orchidées alsaciennes n'en sont pas moins passionnantes. Elles poussent toutes en terre, dans des sites calcaires, généralement protégés par le CEN (conservatoire des espaces naturels).
Vers la fin du printemps, certains membres de l'AROS arpentent les prairies, de Wissembourg à Bâle, pour les observer, les compter, les recenser et les répertorier, carnet et appareil photo à la main.
Ils n'hésitent pas à s'allonger dans l'herbe humide pour réussir à les photographier sous tous les angles, puisqu'elles dépassent rarement les 30 ou 40 centimètres de haut. Mais ils font très attention à ne pas les piétiner. Et ces espèces protégées sont bien sûr interdites à la cueillette.
Pourquoi cette passion ?
Posez cette question aux membres de l'AROS, et chacun aura sa propre réponse. Pour Denis Greff, "c'est lié à la beauté de la fleur, sa diversité et sa rareté."
Gilles Grunenwald s'intéresse aux orchidées parce qu'il est fasciné par Madagascar, où il en existe près de 1.500 variétés. Il est touché par leur beauté, mais aussi leur fragilité.
"Certaines variétés, on ne les verra jamais, elles auront déjà disparu suite à la déforestation" rappelle-t-il. "En en cultivant certaines chez moi, et en les multipliant pour les placer dans des serres d'autres collectionneurs, j'ai l'impression de participer un peu à la sauvegarde de ces plantes."
Jean-Louis Kehlhoffner, lui, s'est attaché aux orchidées depuis le jour où quelqu'un lui a apporté des graines en lui disant "celles-ci, il faut les sauver."
"Elles s'accrochent à vous. Je ne peux plus les lâcher" avoue-t-il. "Dans la nature, je les cherche, c'est un besoin. Elles sont si diverses, et si belles."
La 14e exposition internationale d'orchidées organisée par l'AROS aura donc lieu du vendredi 25 au lundi 28 mars inclus, chaque jour de 9 heures à 18 heures, au Pavillon Joséphine, parc de l'Orangerie à Strasbourg.
Avec, au programme, une scénographie présentant des orchidées épiphytes et terrestres, mais aussi des conférences, un espace de découvertes et d'observations scientifiques, des ateliers, des conseils pour soigner les orchidées et les rempoter, et un point de vente.