Une association pour perroquets en détresse, "nous recueillons les oiseaux de personnes décédées ou malades qui ne peuvent plus les garder"

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Anastasia Boutorova, Pascale Gangloff et la cacatoès Heywi
Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

C'est un lieu unique en son genre dans le Grand Est, et qui rayonne bien au-delà. L'association APRP 67 aide des perroquets mal en point à se refaire une santé et retrouver un foyer. Elle aide également leurs maîtres qui, pour diverses raisons, ne peuvent plus s'en occuper.

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Gazouillis, imitations de sonneries de téléphone, petites phrases - parfois même des jurons - lancés avec délectation… Dans la petite cour de cette ancienne ferme alsacienne, l'ambiance sonore qui accueille le visiteur dès leportail révèle déjà l'identité des occupants des lieux.

Au fond, bien abritées, une dizaine de volières, et quelques autres en cours d'aménagement dans le jardin attenant. Et de superbes perroquets à l'oeil vif, gris du Gabon, cacatoès, ara jaune et bleu, qui rivalisent dans l'art de la communication dès qu'un humain s'approche.

L'association APRP 67 (Association de Protection et de Replacement de Perroquets), la seule de ce genre dans tout le Grand Est, peut accueillir jusqu'à 70 de ces oiseaux, soit parce qu'ils vont mal, soit parce qu'ils ont été trouvés, ou lorsque leur propriétaire n'est plus en mesure de s'en occuper. L'objectif de sa fondatrice et actuelle présidente, Pascale Gangloff, est de leur permettre de se refaire une santé, physique et psychique, avant de leur trouver un nouveau foyer.

"J'ai été élevée avec des oiseaux depuis que je suis toute petite, et je les adore, explique-t-elle. Et cela fait 10 ans que j’ai monté cette association. Mais c’est terrible, car on nous confie toujours plus d'oiseaux."

Aider les humains

Le plus difficile, pour elle, ce sont les larmes des propriétaires qui viennent lui apporter leur animal parce qu'ils ne sont plus en mesure de le garder.  "Je ne voulais pas créer l'association pour faire pleurer les gens" soupire-t-elle.

Elle prend l'exemple de New Live, jolie femelle gris du Gabon, que sa propriétaire lui avait confiée "parce qu'elle allait être hospitalisée pour longtemps." Pour adoucir la séparation, Pascale Gangloff avait proposé non une véritable cession, mais un simple contrat de pension. "Mais ensuite, la dame a développé un cancer, et elle est décédée", raconte-t-elle, encore très émue.

Des "histoires de vie" de ce genre, elle en côtoie des dizaines. "Les gens qui nous confient leur perroquet, ce n'est pas parce qu'ils partent en vacances, insiste-t-elle. Nous recueillons les oiseaux de personnes décédées, malades ou qui ne peuvent plus les garder pour raison financière. C'est toujours un drame."  

Sauver les perroquets

D'autres perroquets, en revanche, sont récupérés pour cause de sévices. Parmi eux, Coubo, autre gris du Gabon, qu'elle a racheté voici quelques années pour le sauver d'une famille maltraitante. Ou ceux qui lui sont confiés par la police avec, parfois, des affaires judiciaires qui traînent en longueur.

D'autres encore arrivent à l'association parce qu'ils sont mal en point, et que leurs propriétaires, désemparés, ne savent plus comment faire. C'est le cas d'Heywi, une femelle cacatoès blanche presque entièrement déplumée, sauf sur la tête.

"Elle arrache ses plumes, ou les casse, à cause de graves problèmes psychologiques", explique Pascale Gangloff. L'origine de ces troubles est connue, mais y remédier est très difficile. Heywi a été "élevée de l'œuf", c'est-à-dire que l'éleveur s'est occupé de l'oisillon dès l'éclosion de l'œuf mis en couveuse. Sans aucun référent perroquet, la jeune cacatoès s'est donc "prise pour un être humain, et en grandissant, a développé des troubles de l'identité." Qui aboutissent à ce "piquage", forme d'automutilation dont elle tire un certain plaisir, et dont il est très difficile de la détourner.

Heywi a été prise en charge par Anastasia Boutorova, vice-présidente de l'association, qui vit en Lorraine. En quelques mois, de petites améliorations sont déjà visibles, comme la repousse des premières rémiges sur les ailes.

La complicité entre le perroquet et la jeune femme est palpable. Cette dernière suit une formation de comportementaliste animalier, et sait parfaitement comment câliner la bestiole tout en évitant tout geste ambigu, qui renforcerait son trouble de la personnalité. Ainsi, va pour un petit bisou sur la tête, mais pas question d'un baiser sur le bec, zone érogène pour le perroquet, qui lui évoquerait d'emblée un début de parade nuptiale.

"Même s'il y a interaction, on n'a pas le même langage, précise Anastasia Boutorova. Un perroquet solitaire peut vouloir assouvir son besoin sexuel sur le seul partenaire qu'il connaît, à savoir l'humain. Ill y a donc un problème de comportement qui se crée, mais jusque-là, rien de très grave. Le problème surgit lorsque le perroquet veut fonder un nid avec cette personne. Alors, tout humain extérieur qui approche, il va l'attaquer et devenir agressif."

Des animaux exceptionnels

Un comportement que les propriétaires, mal informés, ont souvent beaucoup de mal à décoder. Or, insiste Anastasia Boutorova, "un perroquet doit avoir un contact avec un autre perroquet. Il faut donc en avoir deux, pour leur permettre de communiquer, d'assouvir leurs besoins sexuels et d'interagir. Il leur faut vraiment un compagnon."

En outre, ces oiseaux sont dotés d'une exceptionnelle longévité – environ 80 ans pour un gris du Gabon, et jusqu'à 100 ans pour un ara. D'où l'appel de Pascale Gangloff : "Si vous avez déjà 60 ou 70 ans, n'achetez pas de perroquet. Même si vous devenez centenaire, il ne vivrait qu'une trentaine d'années avec vous. Et après ? Que deviendrait-il ?"

Les perroquets font aussi preuve d'une intelligence affûtée, "équivalente à celle d'un enfant de quatre ans", ce qui explique leur forte propension à l'ennui. Outre de la compagnie, il est donc indispensable de leur fournir également des jouets variés à grignoter "pour leur permettre de s'occuper et de se divertir, tout en attisant leur curiosité, explique Anastasia Boutorova.

Ces petits objets à casser sont aussi bien utiles pour éviter que cet oiseau, "destructeur de nature, s'attaque à votre escalier en bois ou votre canapé." Car classé dans la catégorie des NAC (nouveaux animaux de compagnie), il reste un animal sauvage en captivité, qui a besoin de conditions de vie le plus proches possibles de son milieu naturel, "pour lui éviter d'être malheureux et de développer des troubles du comportement." 

Pascale Gangloff, et Anastasia Boutorova fabriquent donc régulièrement des jouets, à partir de pièces de carton dur et de petits objets en bois qu'elles percent, pour les enfiler sur un fil de sisal. Pas de plastique, et uniquement des matières naturelles et des éléments issus de jeux pour enfants – style kapla - récupérés dans des brocantes, pour éviter toute matière toxique que le perroquet pourrait ingérer.

L'association n'a aucune subvention

Ces jouets sont bien sûr destinés à leurs pensionnaires. Mais également à la vente, car l'association ne touche aucune subvention. Elle vit uniquement des cotisations de ses membres, de dons, et de la vente d'objets comme ces jouets, ou des tee-shirts.

Or les dépenses sont nombreuses. Outre la nourriture – des croquettes spécifiques à base de graines, pour éviter les carences, et des fruits frais chaque matin – il y a les frais de vétérinaire. Chaque perroquet qui débarque à l'APRP 67 passe entre les mains d'un vétérinaire spécialisé – le seul en qui Pascale Gangloff a toute confiance - installé près de la frontière Luxembourgeoise.

En attendant cette visite médicale, les nouveaux arrivés, actuellement près de trente, sont mis en quarantaine dans une série de volières bien abritées, cachées derrière les autres, et auxquelles seule Pascale Gangloff a accès. "Ce sont des oiseaux dont on ignore la réelle provenance, explique-t-elle. Des personnes les ont trouvés et amenés ici, et il faut d'abord vérifier qu'ils ne sont pas porteurs de maladies."

Souvent, ces perroquets trouvés lui parviennent aussi par le biais de la SPA (Société protectrice des animaux), de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux), du Gorna (Groupement ornithologique du refuge Nord Alsace), du NaturOparC de Hunawihr, ou la SACPA (la fourrière de l'Eurométropole de Strasbourg). En effet, l'APRP 67 est officiellement reconnue pour prendre en charge tous les oiseaux à bec crochu de la famille des perroquets. Pascale Gangloff a même dû obtenir un certificat spécifique pour cela.

"J'ai dû me former pendant deux ans, avant de passer devant une commission de dix examinateurs, se souvient-elle. Des représentants du Gorna, des services vétérinaires, de la préfecture, du CNRS… Et les dix ont validé ma candidature. Yes !" 

Trouver une nouvelle famille

Un autre objectif de l'association est, bien entendu, de procurer un nouveau foyer à ses protégés. Mais pas à n'importe quelles conditions. Quand des candidats à l'adoption se présentent, Pascale Gangloff les questionne longuement, pour bien s'assurer qu'ils seront en mesure d'offrir au perroquet qu'elle leur confiera la meilleure vie possible. Et pour longtemps. Et bien entendu, le contact n'est jamais rompu, et elle reste toujours disponible pour la moindre question.

Par ailleurs, elle tient aussi à rappeler l'obligation, pour chaque propriétaire, d'inscrire son perroquet sur le fichier national de l'IFAP (Identification de la faune sauvage protégée), équivalent de l'ICAD pour les chats ou les chiens. "Depuis un arrêté de 2018, c'est obligatoire, martèle-t-elle. Mais les gens ne le savent pas. Or, si vous perdez votre perroquet, et s'il atterrit chez un vétérinaire, cela permet de vous retrouver facilement. Il est donc très important de déclarer son perroquet à l'IFAP."

L'APRP 67 participera au grand salon du bien-être animal, le dernier week-end de septembre, au Parc floral de Paris à Vincennes. Une première, aussi pour les organisateurs du salon qui, grâce à l'association alsacienne, aborderont pour la première fois les sujets spécifiques aux perroquets dans le cadre de cette manifestation nationale.

Toute personne qui souhaiterait soutenir le travail de l'association est invitée à la contacter par mail ou par téléphone

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