Suite de notre série consacrée aux 40 ans de la Choucrouterie. Le cabaret satirique s'est beaucoup inspiré d'une autre institution strasbourgeoise, le Barabli, fondé par Germain Muller. Retour sur son histoire avec un collectionneur passionné, en collaboration avec France Bleu Elsass.
"Enfin, redde m'r nimme devun" (Enfin, n'en parlons plus). Les mots de Germain Muller résonnent encore dans la salle du Cercle Mess de Strasbourg, ancien théâtre investi durant quelques décennies par le cabaret du Barabli. Il s'agit du titre de son œuvre la plus connue, pièce jouée à plusieurs reprises sur la scène de l'ancienne salle du Théâtre du Cercle des Officiers, propriété de l'armée française. La pièce brosse avec finesse le sort d'une famille alsacienne durant la Seconde guerre mondiale. Son auteur, Germain, était engagé. Il n'a cessé de le prouver tout au long de ses années de revues satiriques, de 1946 à 1992.
Un cabaret bilingue d'après-guerre
Cette histoire, Lionel Heinerich la connaît sur le bout des doigts. Collectionneur passionné du Barabli, il possède chez lui des centaines de documents, affiches, programmes ou objets en rapport avec l'ancien cabaret bilingue ; français et alsacien, comme le voulaient ses créateurs, Germain Muller et Raymond Vogel. "Après la guerre, la société de production de spectacles français qu'ils avaient créée ne fonctionnait pas. Un jour, le cabarettiste suisse Alfred Rasser, rencontré par Germain Muller dans un camp de déserteurs de l'armée allemande, en Suisse, lui a demandé de lui programmer quelques dates en Alsace. Il a fait salle comble pendant quinze jours", raconte Lionel Heinerich. Et c'est ainsi que l'idée du Barabli, cabaret franco-alsacien avec sketches et chansons, a germé.
Durant l'existence du Barabli, la troupe a interprété 44 revues. Avec sur scène, Dinah Faust, l'épouse de Germain. De son côté, Lionel a découvert le Barabli enfant, lorsque sa marraine et son oncle l'ont amené voir la revue "Ayedolle". "J'ai été tout de suite fasciné", raconte-t-il. Et cet intérêt n'a jamais faibli. Des années durant, il a écumé les ventes aux enchères, les sites spécialisés pour trouver des trésors. Touche-à-tout, cet instituteur de formation a lui-même mis en scène "Enfin, redde m'r nimm devun" plusieurs fois sur les planches du Théâtre de la Choucrouterie, à Strasbourg.
Le Barabli, inspiration de la Choucrouterie
Pour Lionel Heinerich, la Choucrouterie est le descendant direct du Barabli. Seule petite différence qu'il note : la musique, plutôt constituée de reprises pour le cabaret de Roger Siffer, tandis que le Barabli comptait sur les compositions de son musicien attitré, Mario Hirlé. Roger Siffer, fondateur de la Chouc', a lui-même joué durant deux saisons dans la revue du Barabli. "Il considérait Germain Muller comme son papa de théâtre, et n'a osé sortir sa propre revue qu'après sa mort", poursuit le collectionneur. Ainsi, satirique et piquant, surtout avec les politiques, le cabaret de la Chouc' a marché sur les traces du Barabli. Et cela lui a plutôt réussi.