Ardennes : le téléphone fixe et l'ADSL bientôt éteints dans quatre communes, la fibre prendra le relais

Après des dizaines d'années de fonctionnement, Orange veut débrancher son réseau téléphonique historique en cuivre en 2030 au niveau national. La fibre optique prendra majoritairement le relais. Avant cette échéance, l'opérateur mène une expérimentation dans six communes, dont quatre situées dans les Ardennes.

Une petite révolution se prépare dans quatre communes des Ardennes. Fin mars 2023, l'opérateur historique Orange a prévu de débrancher son réseau téléphonique en cuivre à Gernelle, Issancourt-et-Rumel, Vivier-au-Court et Vrigne-aux-Bois. Fini donc le téléphone fixe d'antan et même l'ADSL. Les clients devront avoir basculé à cette date sur une autre technologie pour rester connectés. Le remplaçant est tout indiqué : la fibre optique. 

C'est la fin d'une longue histoire. Le réseau téléphonique a été déployé sur des dizaines d'années dans tout le pays. Dès 1883 pour quelques lignes à Reims, mais c'est surtout dans la deuxième moitié du XXe siècle qu'il s'est étendu à tous les foyers. Après la disparition des cabines téléphoniques ou du Minitel, c'est désormais le réseau même sur lesquels étaient connectés ces appareils qui va s'arrêter. 

Orange s'est fixé comme objectif d'éteindre son réseau cuivre au niveau national en 2030. Le tout se fera par palier. Et avant d'industrialiser le processus sur tout le territoire, une phase de tests est indispensable. Après une première étape menée dans une petite commune des Yvelines, Lévis-Saint-Nom, en 2021, l'expérimentation se poursuit donc à une échelle un peu plus importante.

L'opérateur a sélectionné six villes françaises, situées dans les Ardennes donc mais aussi dans le Nord et dans les Yvelines, pour tester sur le terrain l'extinction de son réseau par lequel passent jusqu'ici le téléphone fixe et l'ADSL. Depuis le 31 mars 2022, il n'est plus possible d'y souscrire de nouvel abonnement sur une ligne cuivre. Un an plus tard jour pour jour, le réseau sera éteint. Près de 11 000 locaux sont concernés, dont environ 3 800 dans les Ardennes.

Pourquoi débrancher le réseau cuivre ?

"La France est aujourd'hui le pays le plus fibré en Europe, sous l'impulsion des pouvoirs publics et des opérateurs privés", explique Muriel Germa, directrice du pilotage des infrastructures cuivre chez Orange. "En parallèle du déploiement de la fibre ces dernières années, on a constaté une baisse des accès actifs sur le réseau cuivre".

Entre 2018 et 2020, le nombre de lignes actives a baissé de 15% selon Orange. Et sur la seule année 2021, ce chiffre a chuté de 16%. "Il y a une baisse qui est vraiment là et qui est en train de s'accélérer."

Cette fin du cuivre est engagée et est inéluctable. Si on se projette un peu, il ne serait pas raisonnable de maintenir deux réseaux.

Muriel Germa, directrice du pilotage des infrastructures cuivre chez Orange

"Économiquement, ce ne serait pas viable. Pour des raisons environnementales, ce ne serait pas non plus raisonnable. Le réseau fibre consomme moins d'énergie que le réseau cuivre. On voit aussi que les usages des Français sont en train d'évoluer", précise la responsable.

Pourquoi ces communes ont-elles été choisies ?

Orange a voulu multiplier les configurations différentes pour que cette expérimentation soit la plus utile. "Lévis-Saint-Nom, c'était une petite commune avec quasi-exclusivement des clients résidentiels", rappelle Muriel Germa. Cette fois-ci, il y a toujours de l'habitat pavillonnaire mais aussi des logements collectifs. "On a voulu aussi avoir des communes où il y avait davantage de clients pro, des PME", ajoute-t-elle.

Les villes choisies permettent aussi de travailler avec d'autres prestataires en charge de la fibre. "On se doute bien que quand on va changer d'acteur, ça ne va pas forcément fonctionner de la même manière", reconnaît la responsable d'Orange. À Lévis-Saint-Nom, c'était Orange qui avait installé le réseau fibre, ce n'est pas le cas dans les communes de la nouvelle phase d'expérimentation.

Les quatre communes des Ardennes ont une autre particularité, elles sont branchées au même central téléphonique, au même nœud de raccordement d'abonnés (NRA). Cela permettra donc de tester l'extinction du réseau jusqu'à cet échelon.

Le projet suit son cours puisqu'en novembre 2021, un peu moins de 4 000 lignes cuivre étaient actives dans les six communes concernées. En juillet 2022, on en comptait un peu moins de 2 500, selon les données communiquées par Orange.

"Un chantier industriel majeur"

Lundi 18 juillet, une réunion était organiséedans les Ardennes pour faire le point sur ce dossier, et il y avait du monde autour de la table. L'Arcep, l'autorité de régulation des télécoms, Orange bien sûr, Losange le gestionnaire du réseau fibre dans le secteur, les opérateurs SFR, Bouygues et Free, le préfet, des élus… Car ce chantier majeur nécessite une coordination importante de toutes les parties prenantes pour être achevé dans les meilleures conditions.

Laure de la Raudière, la présidente de l'Arcep, avait fait le déplacement en personne dans les Ardennes. "Ce projet est un chantier industriel majeur pour le secteur des télécommunications. Mais c'est un chantier majeur aussi pour les citoyens", nous explique-t-elle.

"Le rôle de l'Arcep est de poser les conditions réglementaires pour s'assurer que ce projet de fermeture du réseau cuivre se passe dans un respect du jeu concurrentiel entre les acteurs et en assurant une qualité des réseaux, que ça soit du réseau cuivre ou du réseau fibre", rappelle Laure de la Raudière.

"Les conditions réglementaires que nous avons mises en place sont très simples. Il faut que le réseau fibre soit présent là où on va fermer le cuivre. La deuxième chose est qu'il faut qu'il y ait eu un délai de prévenance suffisant pour les autres opérateurs pour venir s'installer sur le réseau fibre et commercialiser leurs offres", ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, il y a à peu près 80% des clients qui sont passés du réseau cuivre à la fibre. Mais ça veut dire qu'il en reste quand même 20%.

Laure de la Raudière, présidente de l'Arcep

La réunion s'est poursuivie par une visite sur le terrain, à Gernelle. "J'ai vraiment à cœur d'aller sur le terrain parce qu'on se rend compte aussi de certaines situations. Elles nous sont remontées par ailleurs, mais ça permet de discuter avec les gens afin de mieux comprendre chacune des situations", explique Laure de la Raudière.

Un projet comme celui-ci ne va bien sûr pas sans quelques contrariétés. Déjà, même si le réseau fibre est très largement déployé dans ces communes, il reste quelques locaux à raccorder. Dans certains cas, le problème est simplement technique et sera rapidement résolu. Dans d'autres, c'est du côté administratif que ça bloque. "On place le point d'arrivée du réseau fibre à l'intérieur des immeubles. À Vrigne-aux-Bois par exemple, il y a eu des refus de syndics dans des petits immeubles collectifs", indique la présidente de l'Arcep.

Mais ce qui pose le plus de difficultés, ce sont les clients qui ne répondent pas lorsqu'ils sont contactés par leurs opérateurs. "Sans doute sont-ils aussi trop sollicités en temps habituel", pointe Laure de la Raudière. Mais si en mars 2023 ils n'ont pas basculé vers la fibre, ils n'auront plus de connexion internet ou de téléphone fixe.

C'est l'une des raisons qui justifie la présence d'élus autour de la table lors du point d'étape. Grâce à leur proximité avec leurs administrés, notamment dans les petites communes, ils peuvent jouer le rôle d'intermédiaire.

Boris Ravignon, le maire Les Républicains de Charleville-Mézières, était autour de la table pour représenter le conseil régional du Grand Est, dont il est vice-président. "Quand vous êtes un opérateur et que vous écrivez à vos abonnés, il y a toujours chez le citoyen un petit doute. Est-ce qu'on serait pas encore en train d'essayer de lui vendre un truc ? Ça ne suscite pas forcément des niveaux de réponse intéressants. Quand c'est la collectivité qui appuie la démarche, on a une meilleure écoute et un meilleur niveau de réponse des citoyens", pointe celui qui préside également la communauté d'agglomération Ardenne Métropole, dont dépendent les quatre communes concernées.

Ce ne sont jamais les opérateurs qui payent les réseaux. Au bout du compte, c'est toujours le consommateur, l'usager ou le contribuable qui paye [...] Donc c'est l'intérêt de tous les consommateurs de ne pas avoir de multiples réseaux là où on peut n'en avoir qu'un seul qui sert tous les usages.

Boris Ravignon, vice-président du conseil régional

"Pour réussir ce projet, la relation entre les opérateurs commerciaux et leurs clients est vraiment un élément clé [...] Il faut vraiment que les clients qui ne l'ont pas encore fait se rapprochent de leur opérateur commercial pour identifier la meilleure solution en fonction de leur besoin et ne pas attendre le dernier moment", insiste Muriel Germa d'Orange.

La fibre permet d'obtenir des débits bien plus importants qu'avec l'ADSL. Mais certains usagers n'ont que faire de ces nouvelles possibilités et veulent simplement avoir une ligne de téléphone fixe sans internet à leur domicile. Orange assure que ce sera toujours possible, même via la fibre optique, avec une offre spécifique. Il faudra toutefois brancher une box entre la fibre et son téléphone fixe.

Une généralisation à tout le territoire par étapes

Après cette expérimentation, Orange augmentera progressivement la cadence pour arriver à son objectif d'éteindre le réseau cuivre en 2030. "La première étape ira jusqu'à fin 2025, on l'appelle la phase de transition. La deuxième étape, de 2026 à 2030, sera vraiment la phase de fermeture du réseau", explique Muriel Germa.

Quelques centaines de communes seront concernéespar une fermeture technique du réseau cuivre fin 2024 puis fin 2025. La liste précise devrait être finalisée à la rentrée 2022, selon Orange. "L'idée est d'embarquer tous les territoires."

Une fois éteint, le réseau pourra être physiquement désinstallé. L'opérateur pourra ainsi récupérer du matériel afin d'assurer la maintenance dans le reste du pays. Le cuivre des câbles pourra lui être réutilisé, là où il pourra être retiré. La tonne de cuivre est actuellement vendue autour de 7 000 euros.

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