Charleville-Mézières : les bornes de recharge pour véhicules électriques, toute une galère

Depuis plusieurs années, le nombre de bornes de recharge pour véhicules électriques a considérablement augmenté. Aujourd'hui, l'agglomération carolomacérienne compte près de 150 stations. Pourtant, les problèmes des utilisateurs quotidiens sont nombreux, entre pannes à répétition, bugs informatiques et incivilités.

À première vue, à Charleville-Mézières (Ardennes), le bilan de la mobilité verte est impeccable et les utilisateurs de voitures électriques doivent être ravis. Commençons par regarder la présentation générale disponible sur le site de l’agglomération, Ardennes Métropole. Voici ce que l’on peut y lire : « La communauté d’agglomération a décidé de s’engager pour une planète plus propre et d’encourager les modes de transports écologiques […] Ainsi, l’agglo a doté la ville d’un réseau dense et pratique de bornes de recharge pour véhicules électriques, placées un peu partout en ville. N’hésitez plus, roulez branché ! »

Rendons à César ce qui est à César. Dans le Grand-Est, Charleville-Mézières est l’une des villes les mieux équipées en bornes de rechargement. En 2015, la ville avait investi 1, 8 millions d’euros grâce aux généreuses subventions, soit 80 % de la somme totale, de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. Cet investissement a permis d’installer près de 150 bornes dans l’agglomération. Le maillage territorial est effectivement très dense.

Là où le bât blesse repose dans le terme « pratique » mentionné plus haut. Depuis plusieurs semaines, le service de rechargement des véhicules électriques rencontre des problèmes récurrents entre pannes à répétition, bugs informatiques et incivilités de la part de certains automobilistes.

« C'est devenu un enfer de recharger ma voiture »

Prenons l’exemple, très parlant, d’Anaïs Brux, 29 ans. Cette jeune mère de famille habite à Sedan. Chaque jour, elle doit prendre sa petite Fiat 500 électrique pour se rendre à Charleville-Mézières. Soit 40 minutes de trajet aller-retour. Dans le centre-ville carolomacérien, elle gère une boutique de prêt-à-porter. « Cela fait 10 mois que j’ai cette voiture. Avant de la prendre, je m’étais bien renseignée sur les infrastructures publiques, le nombre de bornes, celles à côtés de chez moi ou autour de mon travail, car j’habite dans un appartement. »

Anaïs a rapidement rencontré des difficultés : « Au bout de quelques semaines, la borne en bas de chez moi est tombée en panne. Elle n’a jamais été réparée. J’étais dépendante de celles à côté de mon travail. »

Pour pouvoir recharger sa petite voiture bleu ciel dans l’agglomération carolomacérienne, la jeune femme a téléchargé l’application Clem. Depuis son portable, elle peut voir en temps réel quelles bornes sont disponibles. Une fois son choix arrêté, elle branche son véhicule et paye un forfait à l’heure de recharge. Il faut compter 1 euro l’heure de recharge sur une borne de 7 kW et 2 euros pour celles de 22 kW : « En général, il me fallait 4 heures pour recharger complètement ma voiture. Cela me revenait à payer entre 6 et 10 euros par branchement. Au mois, cela me coûtait environ 60 euros. »

Soit les bornes ne fonctionnent plus et ne sont pas réparées avant des mois, soit les bornes sont bloquées. Sans parler des automobilistes qui se garent sur les stationnements de rechargement.

Anaïs, utilisatrice des bornes électriques


Malheureusement, les problèmes ont commencé à se multiplier aussi à Charleville-Mézières : « C’est devenu un enfer de recharger ma voiture depuis quelques mois. Soit les bornes ne fonctionnent plus et ne sont pas réparées avant des mois, soit les bornes sont bloquées. Sans parler des automobilistes qui se garent sur les stationnements de rechargement alors que c'est des véhicules essences. » 

Excédée, Anaïs a contacté à plusieurs reprises le gestionnaire client et la métropole, sans grand succès.

Où trouver des bornes utilisables ?

Son exaspération est montée à son zénith, ce lundi 10 janvier. Alors qu’elle souhaitait recharger son véhicule, presque toutes les bornes étaient affichées en gris sur l’application, c’est-à-dire inactive ou en maintenance. « Cette situation est vraiment stressante, voir angoissante, s’alarme-t-elle. J’arrive régulièrement en retard au boulot. Et puis, j’ai un bébé de 5 mois. Je ne sais pas comment je vais pouvoir faire si j’ai besoin d’utiliser ma voiture pour une urgence. »

Seule solution trouvée par la jeune femme : recharger sa voiture chez ses beaux-parents à Wadelincourt (Ardennes) pendant deux jours et utiliser la voiture de son mari : « Je jongle en permanence entre les voitures. Mais ce n’est vraiment pas pratique, même pour mon mari. J'ai décidé de rendre ma Fiat pour retourner à une voiture essence ou hybride. »

Deux prestataires, aucun responsable ?

Comment expliquer ces dysfonctionnements ? Selon Jeremy Dupuy, utilisateur de voiture électrique mais surtout vice-président d’Ardenne Métropole, ces problèmes sont dus aux mauvaises relations entre le gestionnaire client, l’entreprise parisienne Clem, et le gestionnaire technique, les Ardennais de Nexans Interface. « On a beaucoup de soucis avec Clem ces dernières semaines, commence-t-il. Dernier exemple en date, ce lundi 10 janvier où on s’est retrouvé avec toutes les bornes indisponibles sur l’application. En fait, elles fonctionnaient toutes mais Clem avait bloqué les bornes sur son logiciel. Concernant les bornes en panne pendant plusieurs semaines, Clem et Nexans se renvoient la balle. »

Voilà à quoi ressemble ce fameux « ping-pong » : Nexans Interface accuse Clem de ne pas lui faire remonter les pannes. Clem, de son côté, accuse Nexans Interface de ne pas les prévenir quand elle répare une borne afin de changer son statut sur l’application. Ces tensions durent depuis plusieurs semaines et semblent coïncider avec les derniers mois de contrat de l’entreprise parisienne. En effet, ses activités de prestation commerciales et de relations client prennent fin le 28 février contrairement au contrat de maintenance de Nexans qui doit encore durer plusieurs années.

L'entreprise Clem se défend

Contactée, l’entreprise Clem s’est défendue par la voix de son président, Bruno Flinois : « Pour les bornes en panne, les usagers nous font remonter l’information, puis nous prévenons systématiquement la collectivité. Cette dernière le signale à son tour à Nexans. Nous n’avons pas la main sur les délais de réparations. Dès que nous sommes prévenus de la réparation d’une borne, nous mettons à jour notre application. »

Concernant l’indisponibilité des bornes de ces derniers jours, notamment ce lundi 10 janvier, Clem explique répondre à une demande de la métropole. « Il y a une semaine, on nous a demandé de passer les bornes en libre-service en lieu et place du système de réservation. Nous l’avons fait mais la programmation du logiciel installé initialement dans les bornes a provoqué un bug dans notre application. Les bornes étaient affichées comme indisponibles alors qu’elles fonctionnaient normalement. »

On veut un service impeccable et simple d’utilisation pour les usagers. C’est pourquoi, on veut travailler avec un prestataire qui regroupe la partie commerciale et la partie technique de maintenance.

Jérémy Dupuy, vice-président d'Ardenne Métropole en charge des mobilités

Tous ces éléments de réponses ont de quoi donner le tournis, je vous l’accorde. Néanmoins, Jeremy Dupuy assure que la situation va s’arranger à partir du mois de mars 2022. « On veut un service impeccable et simple d’utilisation pour les usagers. C’est pourquoi, on veut travailler avec un prestataire qui regroupe la partie commerciale et la partie technique de maintenance. On ne veut plus deux prestataires différents. »

Principale piste pour la reprise du contrat commercial de l’entreprise Clem : Nexans Interface.

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