Coronavirus : dans les Ardennes, un prêtre remplace ses paroissiens confinés par leurs photos sur les bancs de l'église

En pleine mesure de confinement pour lutter contre le covid-19, le curé de l"église de Carignan dans les Ardennes a eu l'idée de coller les photos de ses fidèles sur les bancs, pour se sentir moins seul.

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"Heureux ceux qui croient sans avoir vu". Ces paroles de l'évangile de Jésus-Christ consignées selon Saint Jean 20: 29 ont peut-être inspiré l'abbé François Pinon, le responsable missionnaire en pays d'Yvois, dans la région de Carignan. Depuis quelques semaines, son église est aussi vide que le centre-ville de la cité. Ses fidèles sont, eux aussi, confinés chez eux.

Il ne leur reste donc que les yeux de la foi pour communier à distance avec leur prêtre, également confiné dans sa chapelle. C'est alors, qu'il a eu la belle idée : demander à ses paroissiens de lui envoyer des photos de chacun, pour marquer leur présence dans le lieu saint.
 
 

" Vous voulez ma photo ? "

Les portes de l'église Saint-Géry en Yvois sont grandes ouvertes, ce mercredi 8 avril, sur la grande place à Carignan. Les premiers rayons de soleil printaniers tentent une percée sous la nef principale où je retrouve l'abbé Pinon, 59 ans, le prêtre des lieux.
 

Des choeurs enregistrés résonnent dans l'édifice désert. Seuls les pas de monsieur le curé claquent sur les grandes dalles de pierre dans l'allée centrale. L'homme de foi est arrivé dans les Ardennes en 2002, à Sedan, mais c'est depuis 2012 qu'il gère une dizaine de paroisses en pays d'Yvois avec un autre prêtre. A Carignan, il alterne la messe du dimanche, partageant ses services religieux avec l'église de Sedan, une semaine sur deux.
 

Confinement oblige, l'abbé se retrouve sans public, seul dans la paroisse. C'est alors, qu'il découvre l'idée d'un de ses confrères italiens sur internet. " Sedan est loin, je suis un peu confiné quand même !", me confie-t-il en me faisant découvrir son espace de vie. Alors, c'est tout simple, je suis allé sur un site chrétien, Aleteia, et c'est là que j'ai vu la photo d'une église italienne qui était remplie de portraits. Le curé avait ainsi décoré toute son église. Ça m'a touché !"
 
 


J'ai envoyé un mail à tous mes contacts, j'en ai de nombreux, pour leur proposer de m'envoyer leur photo, et ils le font. J'en ai rajouté vingt rien qu'aujourd'hui. Les paroissiens m'envoient les images, je les recadre pour que les visages soient plus présents, plus proches, je les plastifie, et je les colle aux emplacements habituels de ces fidèles dans l'église.
- François Pinon, prêtre de la paroisse Saint-Géry sur Yvois à Carignan
 

"Je marche seul"

Les messes du dimanche sont bien suivies par les catholiques de Carignan et des villages voisins. Entre 250 et 300 fidèles se retrouvaient en général dans ce lieu de culte, avant les mesures sanitaires du covid-19. Depuis, le virus a isolé les familles, les endroits publics se sont vidés, les paroisses également. L'expérience est douloureuse pour l'abbé Pinon, habitué à échanger fraternellement avec ses fidèles.
 

" J'ai été marqué, le 14 mars dernier, quand j'ai célébré la messe à Douzy, à côté de Carignan. Il y avait du monde, il a fallu séparer les gens un rang sur deux. Le soir, il y a eu la déclaration  du Premier ministre, et le lendemain, plus de messe ! J'ai dû accueillir les paroissiens qui n'étaient pas au courant pour la messe du dimanche. J'étais très touché par leur désarroi, le fait qu'ils soient privés d'Eucharistie, le rassemblement de la communauté. Il n'y avait plus de possibilité de communier."

Quand j'ai vu cette photo d'une église remplie de visages, je me suis dit que c'était une belle façon de les honorer. Eux aussi sont ainsi en communion avec les prêtres qui célèbrent seuls la messe. Mon ministère, c'est vraiment de rassembler les personnes.
François Pinon, prêtre en pays d'Yvois


Vous êtes ici

Une centaine de paroissiens sont déjà immortalisés, en photos, dans les allées de la maison de prière. Marie Thérèse, 88 ans, y occupe symboliquement un siège, quelques rangs devant l'autel de l'office. Pour rien au monde elle n'aurait raté cette occasion, elle qui s'occupe encore activement des fleurs et de la décoration du lieu de culte .

" C'est quelqu'un de la famille qui a envoyé ma photo par internet à Monsieur le curé. Moi, je ne savais pas le faire !" m'avoue-t-elle avec du bonheur dans la voix.

Comme ça, on a l'impression que l'église vit un peu, même s'il n'y a personne. C'est une bonne idée, on est quand même là, nous, les chrétiens. On existe. Quand c'est l'heure de la messe, l'abbé n'est pas seul.
- Marie-Thérèse Courtaux, fidèle paroissienne à Carignan
 

Quand on demande à l'abbé Pinon les vertus d'un tel partage à distance, le sourire ne le quitte plus. "Leurs visages sont, de toute façon, gravés dans ma mémoire, je ne les oublie pas, et en même temps, c'est bien qu'ils sachent que je prie pour eux. J'ai beaucoup de témoignages de fidèles qui me rappellent combien je dois souffrir en étant privé de leur présence. Mais, ce qu'ils m'envoient concrétise la communion."
 


"Je fais tout comme"

Le dimanche des Rameaux est, dans le calendrier liturgique chrétien, placé avant le dimanche de Pâques. Mais dimanche 5 avril, il n'y avait personne pour le prêche de l'abbé Pinon. Il a toutefois célébré, comme d'habitude, la bénédiction des rameaux que lui avaient laissé les habitants. Pendant 1 h 30, il a chanté, fait des prières, et béni les précieux végétaux. 

La semaine sainte sera ainsi dans le même ton : le curé enchaînera les trois fêtes, sans son auditoire. "Je serai seul jeudi saint, à 19h, pour la commémoration du dernier repas du Seigneur durant lequel il a instauré l'Eucharistie", m'annonce-t-il la mine effacée. Il y a de très beaux rites. Quand le prêtre lave les pieds de douze personnes de l'assemblée. Ensuite, il y a une procession jusqu'au reposoir pour adorer la présence du Seigneur. Le lendemain, l'église est vidée de tous ses ornements et nous célébrons La Passion, le seul jour où il n'y a pas de messe mais une lecture, la vénération de la croix et une communion sans Eucharistie."
 


Un appel à la générosité

L'abbé Pinon déploie toute son énergie pour reconstituer, visuellement parlant, sa congrégation. Des dizaines de photos vont encore être affichées format A4 sur les dossiers des bancs de l'église. Autant d'images, autant d'histoires de chacun, pour faire le lien avec le ciel.

Désormais, ce sont les cartouches d'encre qui lui manque, ou la bonne volonté de quelques âmes charitables. Quelques bons Samaritains, en quête eux aussi, de partage et de fraternité. 
 
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