À quelques jours d'un prochain déconfinement très attendu, de nombreux Ardennais retrouvent la main verte et s'activent avec bonheur dans leur jardin. Plus qu'une nécessité alimentaire, le travail de la terre est devenu un gage de sérénité et de bien-être pour beaucoup d'entre eux.
Devant de beaux plants de tomates prêts à être repiqués, Francis, 80 ans, coiffeur retraité, observe avec attention la texture des feuilles. Il est venu tôt ce mercredi matin 21 avril pour choisir ses futures pousses chez son fleuriste de l'avenue Carnot à Charleville-Mézières. Les pots passent de main en main et le choix semble difficile.
Pourtant, tout est simple dans l'esprit de Francis quand on lui demande ce qu'il projette de faire dans son jardin. Avec enthousiasme, il nous explique sa passion de la terre : " J'avais un grand jardin à Aiglemont, mais je ne peux plus le faire, alors, j'en ai pris un petit de 20 mètres carrés à Charleville-Mézières. J'y ai déjà mis des salades, des radis, des haricots verts et là, je m'apprête à mettre des pommes de terre pour m'amuser". "C'est pas pour la rentabilité, ça passe le temps avant tout ! ": rajoute-t-il avec un grand sourire.
C'est un bon médicament, on est beaucoup mieux après avoir jardiné une heure ou deux, physiquement et moralement.
"Le meilleur moment, c'est quand vous regardez pousser. Vous pouvez vous asseoir et regarder pousser, c'est intéressant et moins fatiguant. C'est redevenu à la mode, même chez les jeunes et c'est très bien. Je suis étonné de voir certains jeunes qui enlèvent un carré de pelouse chez eux pour le transformer en potager, c'est super ça, et c'est un bel exemple pour les enfants!"
Les plants : le bon plan
Sébastien Lavernhe ne se repose pas beaucoup ce matin. Depuis l'ouverture de son magasin, les rayons ne désemplissent pas. C'est un jeune directeur heureux qui court d'un client à l'autre pour donner le bon renseignement. Comme Francis, de nombreux habitants du quartier de Mohon sont venus, eux aussi, acheter leurs plants de légumes. Des caisses entières de petites salades, de frêles brins de persil en cagettes et d'autres variétés sont mis en avant sur les grands présentoirs.
Le commerçant voit d'un bon œil cet engouement pour le potager. La pandémie et le confinement ont renforcé le besoin des personnes de s'épanouir en extérieur, de retrouver des activités saines dans la nature. En plein travail au milieu de ses fleurs, il argumente dans ce sens : "Depuis le Covid de l'année dernière, les gens ont vraiment envie de faire le jardin, de planter des fleurs. Ils ont eu les mois de mars et avril 2020 pour découvrir cela, un peu obligés, car ils étaient chez eux et il fallait passer le temps".
"On voit bien que cette année, ils ont à nouveau besoin de recommencer cet expérience. Il y a deux types de passionnés: ceux qui sèment des fleurs pour décorer, et ceux qui plantent pour consommer. C'est le jardinet pour le débutant, ou le grand jardin pour le professionnel".
"Parfois, c'est pour amuser les enfants, leur apprendre à mettre les petits plants de salade dans des potagers en hauteur, ou faire des jardinets ensemble. Ils ont ensuite la joie de récolter, par exemple, les tomates cerise en famille".
En cette période de l'année, ce sont les plants de légumes qui marchent fort, mais il faut encore surveiller les prochaines gelées, les saints de glace qui doivent arriver.
"On vend des courgettes, des potirons, les salades, les plants de tomates". Un petit conseil de professionnel Sébastien? "Pour un jardinier débutant, on peut commencer dans des bacs en hauteur, avec de petites quantités, cinq ou six salades, des radis, un plant de tomates cerises. Ainsi, on n'est pas esclave de son jardin, car c'est du travail. Les gens reviennent aux anciennes traditions de produire leurs propres légumes et faire leur propre jardin".
Comme David de Charleville-Mézières le montre sur sa page Facebook, pas besoin de grandes surfaces pour commencer une petite production de légumes.
"C'est un jardin extraordinaire"
Sur le plateau de Bertoncourt, un quartier sur les hauteurs de Charleville-Mézières, les parcelles des jardins ouvriers se détachent du paysage.
Des coups de pioches frappent le sol derrière les grillages. Vers 11 h, le soleil bienvenu inonde le petit terrain de Robert Pinet, 90 ans. Son énergie force le respect. À ses côtés, une frêle jeune femme, Virginie, 30 ans, sa voisine en ville, est venue s'essayer à l'exercice. Deux générations aux antipodes, deux écoles de la vie, réunies dans un projet commun ce matin : semer des petits-pois.
Sous le regard étonné et bienveillant de Robert, Virginie enchaîne les gestes du semeur, positionne chaque graine avec minutie, et referme le sillon ainsi formé. 60 ans séparent ces deux jardiniers amateurs, la belle expérience du retraité profite à l'ancienne étudiante surdiplômée en production maraîchère et aménagement paysager.
La jeune femme se réjouit de cette opportunité en ces termes : "Depuis toute jeune, j'ai toujours été dehors. J'aime la terre, quand on la manipule, quand on l'a dans ses mains ça détend. Ensuite, quand on voit pousser ce qu'on a planté, on est content. Avec le Covid, on ne peut plus aller sur les terrasses des cafés, on ne peut plus rien faire. Alors que là, on voit les gens dans les jardins voisins, on se dit bonjour, à bonne distance, et on respire. Je suis en appartement et je n'ai pas de jardin, mais je m'amuse à la maison avec des plantes que je repique, je fais des semis. Sur mes bords de fenêtres dans ma cuisine, j'ai de l'estragon en bac, de la verveine citronnelle, du thym, de la ciboulette".
Un petit conseil Virginie pour démarrer dans les plantations ?
Écoutez les anciens, ils savent ce qu'ils font ! Internet, c'est bien, mais si on peut apprendre des gens qui ont déjà des jardins, c'est encore mieux.
"Robert connaît bien la terre d'ici elle est sablo-limoneuse, lui, ça fait 50 ans qu'il fait son jardin. Il sait ce qu'il est préférable de planter. Par exemple, ici, on ne peut pas faire d'oignons".
Quand on demande à Robert de résumer cette belle rencontre autour d'une bêche, il souligne avec plaisir :"Je lui ai laissé un p'tit bout du potager, elle apprécie et moi, ça me fait un peu de compagnie, on s'entend bien. Je ne suis pas un spécialiste, je jardine un peu à ma manière. Au jardin, on ne pense à rien. Il ne faut pas se tuer au travail, il faut prendre son temps".
Le jardin nourricier
Si jardiner peut-être considéré comme un passe-temps aujourd'hui, une activité physique salutaire ou un hobby, c'était un travail obligatoire pour nourrir sa famille durant les trente glorieuses. Les ouvriers entretenaient tous un carré de jardin avec les légumes principaux pour faire manger chaque jour les enfants et compléter le salaire du père.
Voici des témoignages émouvants de ce travail de la terre dans les jardins ouvriers de Sedan résumés dans une émission de France Culture le 18 mars 2017.
Reportage dans les jardins ouvriers de Sedan : "nous avons nourri nos six enfants avec les récoltes du jardin".https://t.co/6i61E9TWrI pic.twitter.com/JR7Hnjy4xa
— France Culture (@franceculture) March 18, 2017
L'Institut GfK a consulté un millier de Français en janvier 2021 lors d'un sondage : il en ressort que près de la moitié, environ 49 % d'entre eux, préfèrent jardiner dehors, et 23 % sur leur balcon ou leur terrasse. Le confinement à la maison aura toutefois fait naître des vocations, car 27 % des jardiniers amateurs seront encore plus actifs dans leur potager durant cette année 2021, les moins de 35 ans représentent même 37 % . L'outil le plus acheté par ces amoureux de la terre reste l'arrosage.
Retrouvez ci-dessous tous nos conseils jardinage, saison par saison. Faites défiler les articles en cliquant sur les flèches ou cliquez sur la saison de votre choix dans la chronologie.