Une usine d'élevage d'insectes destinés à l'alimentation animale bientôt opérationnelle dans les Ardennes

Le projet Agronutris entre dans sa phase finale à Rethel (Ardennes). L'usine doit commencer sa production en utilisant des insectes, d'ici l'été.

Les insectes paraissent parfois insignifiants ou dégoûtants, mais ils sont peut-être la clé du futur de l'alimentation. Pas forcément directement celle de l'être humain, mais celle des animaux (dont certains se retrouvent souvent à leur tour mangés, certes).
À Rethel (Ardennes), une usine est sortie de terre pour produire des matières qui seront utilisées dans l'alimentation. Des farines et huiles hautement protéinées obtenues grâce aux insectes. Il s'agit d'Agronutris, qui a organisé une pré-inauguration au mois de juillet 2022. Laquelle est l'une des rares, selon elle, à avoir obtenu le droit de vendre des insectes pour l'alimentation humaine en Europe.
Les chaînes de production doivent bientôt se mettre à tourner, ce qui en sortira sera vendu à des entreprises fabriquant de l'alimentation animale. Pour en savoir plus, France 3 Champagne-Ardenne a joint Raphaël Smia, l'un des porte-paroles de ce projet à plusieurs dizaines de millions d'euros. 

Une production imminente

Où en est-on du projet ?
"L'usine qui est en place actuellement, et qui commence sa production, c'est celle qui fait de l'élevage d'insectes. Et à partir de cet élevage, on produit de la protéine, et ce qu'on appelle le frass, c'est à dire un produit issu des déjections de ces insectes. Un deuxième site industriel, en partenariat avec Frayssinet, est pour le moment au stade de projet." 

Que peut-on dire de votre usine actuelle ? 
"Notre premier site de production, à Rethel, a pour objectif de produire des larves d'insectes. Leur intérêt, c'est de traiter des co-produits, dont la larve va extraire les nutriments. On va ensuite obtenir de la protéine. Elle va servir pour l'alimentation animale. On pense aux animaux de compagnie, mais aussi pour l'aquaculture : pour les poissons d'élevage." 

Quel est le calendrier ?
"On a commencé les travaux sur ce site de production de 15.000 m² environ, il y a à peu près un an-et-demi : terrassement du site, construction du bâtiment inauguré en juillet, installation des chaînes de production... On a mis en place les fluides, c'est à dire tout ce qui est énergie, vapeur, eau chaude et froide. Là, on est en train de mettre en service l'unité : on teste les machines. Les premiers produits sortiront d'ici juin ou juillet." 

Quels insectes utilisez-vous ?
"On élève un seul insecte. C'est une mouche. La mouche soldat noire. Cette mouche se trouve à l'état naturel en France, mais elle est originaire d'Amérique centrale. Elle a une grande capacité à traiter une large variété de matières premières. Typiquement, des bio-déchets issus des supermarchés. Et leur protéine est de très haute qualité. On va donc avoir la capacité d'avoir des produits à haut taux de protéines grâce à elles, et pouvoir répondre aux besoins de la filière."

Une filière demandeuse

Pourquoi utilisez-vous des insectes, par rapport à d'autres sources ?
"Notre mouche soldat noire va être capable de manger ces co-produits, des matières qui ont pas ou peu d'intérêt nutritionnel, pour leur redonner un intérêt alimentaire. La larve va récupérer leurs nutriments, et bénéficier aux animaux d'élevage."
"Les poissons d'élevage, à la base, on les nourrit avec du soja ou de la farine de poissons... Nous, on répond à un besoin croissant dans l'aquaculture, parce qu'on consomme de plus en plus de poissons, et pour les nourrir, il vaut mieux leur donner ce qu'ils mangent naturellement. Nous, on vient remplir ce manque." (voir le reportage-vidéo twitté ci-dessous)

Et pourquoi vous installer dans les Ardennes ? 
"Les avantages à s'installer dans les Ardennes sont forts, et il y a de quoi en faire une plaque tournante pour le secteur. On est trois acteurs majeurs en France, qui est une place forte de l'élevage d'insectes. Rethel et les Ardennes sont maintenant connues à ce niveau."
"Cette région est centrale en Europe, et dispose de matières-premières de qualité : betteraves, blé, pommes de terre. Et on reçoit un bon accueil des autorités locales : ça a été un plus lors de notre installation. Donc on pense aujourd'hui que les Ardennes sont un bon choix." (voir l'usine située entre Charleville et Reims sur la carte ci-dessous)

Que pouvez-vous dire sur ce marché ?
"À l'heure actuelle, le coût de la protéine est plus élevé que lorsqu'on aura réussi à faire marcher l'usine et baisser les coûts de production. Et plus ces coûts seront diminués, plus on sera capable de réduire nos prix, investir de nouveaux marchés, et donc augmenter la taille de ce marché."

Quel avenir prévoyez-vous concernant directement l'alimentation humaine ?
"Historiquement, Agronutris faisait de l''élevage d'insectes pour l'alimentation humaine. Il y a eu un changement de cap en 2018. là, on se concentre quasi-exclusivement sur l'alimentation animale. L'usine de Rethel, pour l'instant, voit 100% de ses produits finis destinés à l'alimentation animale."
"Évidemment, on regarde le marché de l'alimentation humaine. Mais pour l'instant, ce n'est pas un marché qui a la taille des quantités qu'on produit à Rethel. Mais peut-être qu'un jour, on y reviendra."