A Chémery-sur-Bar, dans les Ardennes, un service de transports est proposé aux personnes âgées isolées ou avec des difficultés de mobilité.
"Et v'là les trois folles de Chémery qui débarquent !, lance Annick.
- Mais enfin. Parlez pour vous !", rétorque Jacqueline, un brin de malice dans la voix. Assise entre elles, Paulette, 89 ans, les observe, silencieuse.
Sur la banquette arrière du minibus de l'association Familles Rurales, Annick Etienne, Jacqueline Bebin et Paulette Guillaume discutent du temps qui passe, des grues cendrées qui ont fait irruption dans leur jardin. Au volant, Malik Benyahia les conduit à Sedan, comme tous les premiers mardis du mois. Il est chargé de les récupérer chez elles, à leur domicile de Chémery-sur-Bar, et de les conduire à la galerie commerciale sedanaise.
Je leur laisse le temps qu'elles veulent. Elles décident. Souvent, elles n'ont même pas besoin de faire les courses. Mais elles viennent quand même, pour avoir de la compagnie. (Malik Benyahia, chauffeur)
Un minibus pour plus d'autonomie
Entre Annick et Jacqueline, Paulette tourne la tête à gauche, puis à droite, au gré de la conversation. Elle prononce un mot de temps à autres, comme pour rappeler sa présence. Elle aussi ne manquerait ces allers-retours à Sedan pour rien au monde : "Les enfants nous aident bien, mais on n'a pas toujours tout ce qu'on veut."Jacqueline conduit toujours. Cependant, le service proposé par Familles Rurales lui apporte des services supplémentaires, comme le chauffeur, qui lui porte ses courses jusque dans sa cuisine.
Au-delà des services physiques, cela fait du bien de retrouver des amies, de discuter sur ce qu'il se passe dans le village.
Rompre l'isolement
Briser la solitude des personnes âgées et les aider dans leur quotidien. Ce sont les missions de familles rurales dans les Ardennes. Et pas seulement à Chémery et Sedan. Chaque semaine, Malik change de destination avec toujours la même mission : transporter les personnes âgées inscrites à l'association dans une galerie commercial ou sur le marché local.
Pour Annick, pas question de rater l'escapade mensuelle avec ses "copines des Familles Rurales". Ce mardi, elle a d'ailleurs préparé les pots de confiture qu'elle offre à Malik. "Depuis le décès de mon mari en juillet dernier, je cuisine des confitures. J'ai la 'maladie confitureuse'. Quand j'ai le nez dans mes confitures, le téléphone peut sonner, je ne pense à rien." Car depuis huit mois, Annick alterne entre visites de ses enfants, petits-enfants, le club de bridge et les familles rurales pour rompre la solitude.
Annick, vêtue de sa doudoune rouge verni, a convié tout le monde dans sa cuisine pour une dernière coupe de champagne. Autour de la table, Paulette, Malik et François Maguin, le président de l'association qui échange avec Jacqueline, l'ancienne présidente. Les discussions s'entremêlent, se confondent, dérivent. "Parfois, j'ai l'impression que mon mari était encore là hier. D'autres fois, c'est comme s'il était parti depuis 10 ans" regrette Annick entre un biscuit apéro et une gorgée de champagne rosé. Elle marque une pause.
"Vous pensez que ça s'arrêtera quand ?
- Cela fait cinq ans que mon époux est parti. Et croyez-moi, ça me le fait encore aujourd'hui, répond Jacqueline, dans un soupir. Ce n'est pas prêt de finir."