Face à la délinquance des mineurs, le couvre-feu envisagé dans une commune de 2 300 habitants, la mesure fait débat

La commune de Mouzon (2 300 habitants) dans les Ardennes souhaite interdire aux mineurs de sortir entre 23h et 6h du matin. Un arrêté municipal qui doit encore être validé par la Préfecture. Au-delà de la réglementation, la mesure fait débat.

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Interdire aux mineurs de moins de 17 ans de sortir entre 23h et 6h du matin, sans être accompagné par ses parents, c'est la mesure forte que Mouzon, dans les Ardennes, compte appliquer à partir de ce samedi 5 octobre 2024. Un couvre-feu que la municipalité justifie par la répétition des actes de délinquance ces derniers mois dans cette petite ville de 2300 âmes. "On a vécu un été pourri avec des problèmes sans arrêt, raconte le maire, Alain Renard. Il s'agit de faits commis par une dizaine de jeunes de 12 à 14 ans qui agissent en bande".

Bombes à eau lancées sur des personnes âgées, dégradations dans une aire de jeux pour enfants, jets de cailloux sur des véhicules, barrières déplacées au milieu de la route, boîtes aux lettres arrachées, boîtiers électriques forcés... des faits qui exaspèrent les habitants. "Les gens n'en peuvent plus, c'est usant. Je ne pensais pas en arriver là dans une petite cité de caractère comme Mouzon, mais c'est de pire en pire. Cela devient dangereux et d'ailleurs ces jeunes se mettent eux-mêmes en danger, reprend le maire, dépourvu face à la situation. 

"Les parents sont débordés, ils les interdisent de sortir, mais ils passent par la fenêtre. Les gendarmes sont alertés, mais ne peuvent pas intervenir sauf en cas de flagrant délit, déplore Alain Renard depuis son bureau de l'hôtel de ville (voir la vue panoramique Google ci-dessous).

Seule solution trouvée pour lutter contre cette petite délinquance, ce couvre-feu "n'est pas la panacée, mais au moins, ils n'auront plus le droit d'être dehors, on pourra les ramener chez eux et leur infliger une amende." Reste que cette mesure doit encore être validée par l'État. La Préfecture des Ardennes n'a pour le moment pas statué par rapport à cet arrêté.

L'arrêté pris par la ville de Mouzon 

Selon l'article 1 de l'arrêté municipal, à compter du 05 octobre 2024, tout mineur de moins de 17 ans ne pourra, sans être accompagné de l'un de ses parents ou représentant légal, circuler de 23 h 00 à 06h00 sur le territoire de la commune.

En 2022, nous avions contacté le célèbre avocat rémois Emmanuel Ludot pour connaître son point de vue sur la valeur juridique de ce type d'interdiction. Ce dernier se montrait alors assez prudent. "Un arrêté pris doit être ciblé, et précis sur les risques encourus, notamment sur les troubles à l'ordre public. S'il n'est pas ainsi motivé sur cette notion précise, et limité aux mineurs, sans justifier d'un péril, il sera probablement annulé. Généralement, des associations de défense des libertés publiques, des grosses organisations de défense des droits de l'Homme, s'emparent de ça. S'il n'est pas attaqué sous deux mois, l'arrêté devient définitif. À moins que le préfet s'en empare et considère que c'est attentatoire aux libertés publiques."

Un bilan positif à Joinville en 2022

Un arrêté de couvre-feu limité dans le temps et dans l'espace, mais aussi en termes d’âge, c'est ce qu'avait entrepris la commune de Joinville, en Haute-Marne, en 2022. Dans cette ville de dimension comparable à celle de Mouzon (3 000 habitants environ), le maire n'en était pas à son coup d'essai. "On avait pris un premier arrêté en 2014, mais il n'était pas assez détaillé et avait été rejeté par la Préfecture, relate le maire, Bertrand Ollivier. En 2022, on a limité l'interdiction de sortie aux mineurs de moins de 13 ans aux rues du centre-ville et uniquement pour la période des vacances d'été."

En cause, une hausse des incivilités et des actes de délinquance commis par des jeunes. "Il fallait agir et sensibiliser la population. Ces arrêtés, c'est du bon sens, un mineur de moins de 13 ans seul dans la rue en pleine nuit se met potentiellement en danger." Et le bilan s'avère plutôt positif, selon le maire. "Le message est passé, les gens ont échangé sur les réseaux sociaux et les jeunes ont cessé leurs actes. Il y a eu aussi une prise de conscience chez les forces de l'ordre qui ont renforcé leur surveillance. "

Mais Bertrand Ollivier reconnaît que le couvre-feu n'est pas une recette miracle en matière de sécurité. "Être coercitif ne fonctionne pas sans un accompagnement des jeunes. Il faut leur proposer des activités, rester dans la bienveillance." Le bâton et la carotte, une méthode qui a donc semble-t-il fait ses preuves à Joinville. À Mouzon, on espère en dire autant dans quelques mois...

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