Face à l'avenir incertain de l'usine métallurgique Walor, dont deux des sites sont dans les Ardennes, à Vouziers et Bogny-sur-Meuse, des salariés sont entrés en grève jeudi 4 avril. Ils se mobilisent dans l'espoir d'éviter une liquidation judiciaire et d'obtenir des garanties.
L'avenir des usines métallurgiques Walor, sous-traitantes de l'industrie automobile et situées à Vouziers et Bogny-sur-Meuse dans les Ardennes, est menacé. Tout comme leurs 235 emplois. Environ 95 salariés de Vouziers - 11 selon le DRH - sont toujours en grève ce vendredi 5 juillet, après un début du mouvement la veille à 6 heures.
“Une fermeture serait catastrophique. Il s’agit du plus grand employeur à Vouziers et si les deux usines sont sur le carreau en même temps, c’est 235 personnes sans poste”, déplore le délégué syndical CFDT Bruno Bodson, syndicat majoritaire à Vouziers et à l’initiative de la grève. Le tout dans “un bassin d’emploi minime”, complète Christophe Annequin, délégué syndical CGT. “Ça fait mal au cœur et c’est très inquiétant.”
Ça fait mal au cœur et c’est très inquiétant.
Christophe Annequin, délégué CGT
Le DRH du groupe Walor, Cyrille Boureau, rappelle que des réunions d'information du personnel ont été organisées, mais la CFDT a été absente, affirme-t-il. "Le mouvement de grève traduit l'inquiétude légitime des salariés, mais nous échangeons en toute transparence et nous nous battons pour trouver des solutions. Actuellement, il faut plutôt montrer les atouts du site et sa capacité à produire des produits de qualité", regrette-t-il, reconnaissant une situation financière compliquée.
Une première baisse de 50% des commandes est programmée au cours de l'été, tandis que la production a déjà chuté par rapport à l’année dernière, passant de 8 000 pièces par semaine à 1 700 aujourd’hui. Qui plus est, les deux sites ardennais de Vouziers et Bogny-sur-Meuse n’apparaissent plus dans le projet présenté le mois dernier pour le futur du groupe, alors que le contrat courait initialement jusqu’en 2024/2025.
Le début de la fin ?
Walor, qui appartient depuis fin 2023 au groupe allemand Mutares, a repris en novembre 2018 les ex-Ateliers des Janves à Bogny-sur-Meuse et AMI à Vouziers, alors en dépôt de bilan. Si rien n’est fait, l’entreprise risque donc la cessation de paiement et la liquidation judiciaire.
D’où la volonté de faire grève dès maintenant afin de négocier les propositions en cas de plan social, en plus de ce qui est prévu légalement. “S’il y a une liquidation, nous n'aurons plus la possibilité de le faire. On n’est pas pour un plan social évidemment, mais le risque est trop important. Il faut faire grève pendant qu’il est encore temps”, explique Bruno Bodson, 56 ans.
S’il y a une liquidation, nous n'aurons plus la possibilité de le faire. On n’est pas pour un plan social évidemment mais le risque est trop important. Il faut faire grève pendant qu’il est encore temps.
Bruno Bodson, 56 ans, délégué syndical CFDT.
La grève n’a pas été suivie par la CGT. Cette décision s’explique par la volonté d’attendre une éventuelle solution, parmi les trois actuellement sur la table, comme l’énumère le délégué CGT Christophe Annequin : une reprise par un nouvel acquéreur (une réunion prévue le 10 juillet), une fusion entre les deux sites des Ardennes à condition de trouver 2 à 3 millions d'euros pour le transport et d'obtenir la certitude que le fournisseur principal des usines s’engage pendant 5 ans avec Walor, à hauteur de 8 millions de chiffre d’affaires. Troisième option : la fermeture des sites, “toujours dans les tuyaux”.
"Aujourd’hui on va clairement vers une fermeture des 2 sites", abonde Fabien Pinçon, délégué syndical CGT du site de Bogny-sur-Meuse, à une heure en voiture de Vouziers. Ici, les 145 employés sont au chômage partiel depuis la crise sanitaire du covid. Depuis fin juin, le travail n’est maintenu que trois jours par semaine. À Vouziers aussi, les salariés ont été placés au début du mois en chômage partiel.
Une transition pas amorcée
Les difficultés viennent essentiellement de la fin annoncée des moteurs thermiques et du manque de nouveaux projets plus adaptés à la transition écologique, ce dont sont capables les deux usines, en termes de savoir-faire et de matériel - bien que décrit comme vétuste. Mais rien n’a été mis en place pour sortir du thermique.
Cette justification concerne toutefois majoritairement Bogny-sur-Meuse puisque le site de Vouziers fabrique principalement des pièces pour les poids lourds. “Pourtant, ils roulent toujours”, ironise Bruno Bodson, également membre du Comité du groupe. "Le marché du camion est en baisse et le marché de l'automobile est tendu", indique Cyrille Boureau.
Une autre explication est pointée du doigt par les interlocuteurs : la délocalisation des moyens de production vers l’Allemagne, malgré des aides gouvernementales, ce que réfute le DRH Cyrille Boureau. “Mutares n’est clairement pas venu là pour mettre de l’argent dans le groupe”, regrette Fabien Pinçon, délégué syndical CGT à Bogny-sur-Meuse qui se dit “déçu” et “dégoûté”. Pour l’élu de la CFDT Bruno Bodson, la holding allemande “est venue avec de belles paroles, mais on savait qu’elles allaient vite tourner au vinaigre”.
Dans ces conditions, la grève a pour l’instant été annoncée pour une durée indéterminée. Quant à l’avenir de l’entreprise, il est plus qu’incertain, même à court terme. Si les emplois doivent être maintenus durant l’été, tous sont d’accord pour dire que la trésorerie aura du mal à tenir jusqu’à la fin du mois.