La maison d'enchères parisienne Artcurial a mis en vente, lundi 27 novembre, le dernier ensemble d'oeuvres appartenant aux héritiers de la sculptrice. Sur les dix-sept oeuvres adjugées de l'artiste (douze préemptées et cinq acquisitions), trois records du monde de vente ont été battus.
L'héritage familial de Camille Claudel a été dispersé. Lundi 27 mars, vingt oeuvres qui composent la collection Massary, dernier ensemble en possession de la famille de la sculptrice, ont été vendues à Paris par la maison d'enchères Artcurial. Parmi elles se trouvaient dix-sept oeuvres de l'artiste, dont l'œuvre qui ne compte qu'une centaine de créations connues. Elles ont toutes été adjugées : douze préemptées par des musées, cinq par des acheteurs particuliers.
La majeure partie des bronzes, plâtres et pastel de l'artiste proviennent de la maison de Villeneuve-sur-Fère, près de Château-Thierry dans l'Aisne, où Camille Claudel (1864-1943) avait aménagé un atelier dans le grenier. Cette maison fut ensuite rachetée en 1926 par Jacques de Massary, le neveu de l'artiste.
Le dernier exemplaire de L'Abandon
Pièce phare de cette vente, L'Abandon (1886) est le dernier bronze d'une série de 18 exemplaires dont il existe également des versions en marbre. Inspiré d'un poème indien, il est présenté dans sa version en grand format (62 cm de haut). L'œuvre a été acquise par Jacques de Massary lui-même auprès du fondeur. Estimée entre 600 000 et 800 000 euros, elle a finalement été achetée par un collectionneur pour 1,2 millions d'euros.
Trois records ont été établis lors de la vente. La Petite châtelaine à la natte courbe (1892-1893, voir ci-dessous) s'est placé à la deuxième place de la vente : estimée entre 50 000 et 70 000 euros, la statue est partie pour une somme presque dix fois plus importante (492 000 euros) chez un collectionneur particulier. Il s'agit du plâtre le plus cher jamais remporté aux enchères.
Estimée entre 50 000 et 70 000 elle aussi, l'Étude II pour Sakountala (env. 1886) a sensiblement connu même surenchère. L'oeuvre, adjugée à 462 000 euros au musée d'Orsay, se place en troisième place de la vente et devient ainsi le prix record pour une terre cuite de l'artiste. Quant au seul pastel retrouvé de Camille Claudel, un grand portrait de sa soeur Louise estimé entre 40 000 et 60 000 euros, il est parti pour 117 000 euros. Soit le record de vente pour un pastel de l'artiste.
De son côté, L'Homme penché (estimé entre 60 000 à 80 000 euros), oeuvre de jeunesse créée dans l'atelier d'Auguste Rodin, a été vendue pour 430 000 euros au musée de la piscine de Roubaix. Le prix de l'unique plâtre connu du modèle Mon frère ou Jeune Romain (estimé entre 80 000 à 120 000 euros) n'a quant à lui que peu décollé : il a été adjugé à 207 000 euros au musée de Nogent-sur-Seine (Aube) consacré à l'artiste.
Le seul grand ensemble d'œuvres venant directement de la famille
Camille Claudel a produit ces œuvres entre 17 et 41 ans, soit presque toute sa période de création. Il s'agit du seul grand ensemble d'œuvres venant directement de la famille. Sa dernière présentation publique, à la Piscine de Roubaix pour l'exposition "Camille Claudel au miroir d'un art nouveau", date de 2014.Les œuvres étaient exposées chez Artcurial à Paris du vendredi 24 au lundi 27 novembre.
Les Amis du musée Camille-Claudel ont lancé une souscription afin de participer à cette vente aux enchères. Ils espèrent rapatrier quelques oeuvres de l'artiste.
La liste des oeuvres des oeuvres préemptées de Camille Claudel (musées)
- L'Homme penché (env. 1886, plâtre), adugé 430 600 euros. Préemption du musée de la piscine de Roubaix
- Étude II pour Sakountala (env. 1886, terre cuite), adjugé 65 000 euros. Prémption du musée Rodin
- Étude II pour Sakountala (env. 1886, terre cuite), adugé 467 800 euros. Préemption du musée d'Orsay
- Tête de vieille femme, étude pour l'âge mûr (env. 1890, plâtre), adugé 39 000 euros. Préemption du musée d'Orsay
- L'Homme aux bras croisés (env. 1885, terre cuite), adugé 26 000 euros. Préemption du musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine
- Mon frère ou Jeune Romain (env. 1882-83, plâtre patiné), adugé 207 400 euros. Préemption du musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine
- Portrait de Louise Claudel (env. 1886, plâtre), adugé 430 000 euros. Préemption du musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine
- La vieille Hélène (env. 1882-85, plâtre), adugé 430 000 euros. Préemption du musée de la Ville de Poitiers
- Femme à sa toilette ou Femme lisant une lettre (env. 1895-97, plâtre), adugé 54 600 euros. Préemption du musée de la Ville de Poitiers
- Tête de vieil aveugle chantant (env. 1894, plâtre), adugé 78 000 euros. Préemption du musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine
- Diane (env. 1881, plâtre), adugé 33 800 euros. Préemption de la maison Camille Claudel
- Étude pour le buste de Paul Claudel à 37 ans (1905, plâtre), adugé 23 400 euros. Préemption du musée de la Ville de Poitiers
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Cinq choses à savoir sur Camille Claudel
1/ C'est dans l'Aube, à Nogent-sur-Seine où elle vécut trois ans, de 1876 à 1879, que Camille Claudel fit ses premiers pas en tant qu'artiste. Son travail attira l'attention du sculpteur nogentais Alfred Boucher qui lui fit prendre conscience de ses dons exceptionnels. Un musée, dédié à la sculptrice, a ouvert ses portes à Nogent au printemps dernier.2/ La sculptrice fut l'élève, la collaboratrice, la muse et la maîtresse d'Auguste Rodin. Le maître dira d'ailleurs : "Mademoiselle Claudel est devenue mon praticien le plus extraordinaire, je la consulte en toute chose". Leur passion amoureuse dura une dizaine d'années. Mais Rodin ne voudra jamais quitter sa compagne de l'époque, ce qui entraîna de violents épisodes de jalousie chez Camille-Claudel.
3/ Camille Claudel a été brisée par un internement psychiatrique dès 1913, souffrant d'un délire de persécution complexe. « C’est bien la peine de tant travailler et d’avoir du talent pour avoir une récompense comme ça, écrivit-elle à l'un de ses cousins. Jamais un sou, torturée de toute façon, toute ma vie. Privée de tout ce qui fait le bonheur de vivre et encore finir ici. » Elle resta enfermée durant ses trente dernières années.
4/ Elle meurt oubliée à l'âge de 78 ans dans un asile du Vaucluse. Ses restes seront transférés dans une fosse commune. Il faudra attendre le début des années 80 pour que son oeuvre soit reconnue à sa juste valeur.
5/ L'une de ses oeuvres en bronze, La Valse, fut vendu en juin dernier aux enchères pour 1,8 million d'euros à sa nièce Reine-Marie Paris, petite-fille de Paul Claudel, poète et frère de Camille. Représentant une femme, vêtue seulement d’une longue jupe, dansant avec un homme entièrement nu, La Valse avait été jugée indécente et reléguée dans un placard par la famille de son premier propriétaire, avant d'être exhumée en avril dernier.