Elle vient de décrocher, dans sa catégorie, le titre de championne de France d'aviron indoor. L'auboise Margot Boulet, rameuse au club de Nogent-sur-Seine, membre de l'équipe de France de para-aviron, ex-gendarme du GIGN, suit le parcours de sélection imposé par le staff de l'équipe de France. Un long chemin qui la mènera aux championnats d'Europe en avril puis en coupe du Monde en juin... avant une possible sélection aux JO paralympiques de Paris.
Championne de France ! La rameuse du Cercle d'aviron Nogentais, Margot Boulet, a remporté le titre national dans sa catégorie. Un titre très important sur le chemin de la sélection pour les Jeux paralympiques de Paris qui se dérouleront du 28 août au 8 septembre. "Ce championnat de France est un moyen d'évaluer le travail hivernal que l'on a fait, explique la rameuse de l'équipe de France. Nous avons passé beaucoup de temps sur les machines, les ergomètres, et cela permet de voir où nous en sommes individuellement, physiquement, sur une épreuve qui est vraiment basée sur de la résistance physique et mentale".
"Gagner. J'ai envie de bien vivre ma course de me projeter telle que je le ferai si j'étais en bateau et de rester lucide tout au long de la compétition. En bateau, je rame en équipe, en "quatre barré mixte", mais la douleur de l'effort est la même. Ce sont les mêmes groupes musculaires qui sont sollicités et la difficulté, mais aussi l'intérêt de cet exercice, c'est vraiment de se projeter. Je gère mon effort, on retire les composantes d'équilibre liées au bateau et je vois de quoi je suis capable, toute seule". Margot Boulet a remporté son premier objectif de la saison. Une compétition très difficile où, seule, face à la machine, le chrono et sa résistance à l'effort, le mental est essentiel. Un test aussi, pour appréhender la pression en compétition. Plus la saison avance, plus cette dernière est importante. Il faudra savoir la gérer jusqu'au bout. "On juge les athlètes sur leur potentiel physique, chacun face à la machine, explique Charles Delval, directeur des équipes de France de para-aviron à la Fédération Française d'Aviron. L'objectif c'est de battre son record sur cette machine et aujourd'hui on souhaitait que les athlètes le fassent ici sur les championnats de France, à la fois pour se mettre en condition de stress, stress que l'on peut retrouver aux JO. Et à la fois participer face au grand public et aux concurrents para qui sont dans les clubs et qui ont envie de les affronter régulièrement. Aujourd'hui, j'ai vu Margot bien engagée, ambitieuse".
L'athlète auboise est sur le chemin de la sélection olympique. Elle fera partie de l'équipage si l'ensemble des critères, définis par le staff de l'équipe de France, est réuni. Physique, mental, compétitivité, gestion de l'effort et de cette fameuse pression en font partie. Margot a remporté une première bataille en décrochant le titre de championne de France.
L'équipe de France de para-aviron après celle du GIGN
Lorsqu'elle entre dans l'arène de Charléty ce samedi-là, Margot Boulet se présente avec une partie des athlètes handicapés, comme elle. Debout, déterminée. Pour ceux qui ne connaissent pas son histoire, rien ne présage de son handicap.
Je savais, lorsqu'elle était sur son lit d'hôpital à Pau, qu'elle s'en sortirait. Je ne suis pas trop surprise. Mais pas à ce niveau-là et pas en aviron.
Christine Boulet, maman de Margot
Margot a toujours aimé le sport, fait de la natation à haut niveau dans son enfance et son adolescence avant de décrocher pour partir faire ses études de biologie. Après sa licence, elle se présente au concours de gendarmerie qu'elle réussit, rentre à l'école et est ensuite affectée à la Garde Républicaine à Vincennes. Là, c'est l'équitation intensive qu'elle pratique. Elle est à mille lieues d'imaginer où le sport l'embarquera quelques années plus tard.
Après les renforts à cheval sur les plages l'été, aux abords des stades de football aussi, à Paris, le détachement en Nouvelle Calédonie pendant quatre mois, Margot Boulet décide de tenter les tests pour entrer au GIGN. Elle les réussit du premier coup ce qui est exceptionnel, puis, part pour un an de formation. Sa passion pour le sport, pour l'engagement physique et mental, pour l'adrénaline est récompensée. En mars 2017, lors d'un stage de parachutisme avec le GIGN, elle est victime d'un grave accident. Tout s'arrête net. Le rêve de faire partie de l'élite des gendarmes français aussi. Le dos fracturé, la cheville gauche en morceaux, Margot Boulet subit plusieurs opérations. Paralysée temporairement, elle retrouve l'usage de ses jambes mais sait que sa carrière s'arrête là.
"C'est quelqu'un qui a toujours eu un fort caractère, explique Christine Boulet, maman de Margot et secrétaire générale du club d'aviron de Nogent-sur-Seine. Je savais, lorsqu'elle était sur son lit d'hôpital à Pau, qu'elle s'en sortirait. Je ne suis pas trop surprise. Mais pas à ce niveau-là et pas en aviron parce que mon mari faisait de l'aviron depuis un certain nombre d'années et elle ne voulait pas en entendre parler. Je remercie Yannick Schulte, un entraîneur de l'équipe de France, qui est venu dans notre club et qui a proposé à Margot d'intégrer et elle a dit oui... et elle a bien fait".
Une longue attente jusqu'au 26 juin
"C'est beaucoup de fierté, de plaisir pour Margot bien sûr, et le club d'aviron de Nogent-sur-Seine qui est un tout petit club mais avec déjà pas mal de podiums, reprend Christine. Les jeux, c'est vraiment particulier du fait que cela se passe à Paris, chez nous, et le bassin olympique d'aviron est en Seine-et-Marne et nous résidons en Seine-et-Marne. Le tout fait que c'est surprenant. On espère un podium pour Margot et son équipage".
Ok, tu as une déficience, un handicap, on essaye de le combler, tu pars sur l'eau, tu l'oublies, on t'entraine comme tout le monde.
Charles Delval, directeur des équipes de France de para aviron à la Fédération Française d'aviron
Mais avant d'arriver sur le bassin olympique, de nombreuses étapes restent à franchir. Margot part à nouveau en stage ces prochains jours avec l'équipe de France de para-aviron. Le Temple-sur-Lot est un peu le camp de base de Margot et de ses coéquipiers. Ils vont ensemble préparer les championnats d'Europe qui auront lieu début avril.
"La particularité principale en para-aviron, c'est la mixité, reprend le directeur des équipes de France. Chez les valides, cela n'existe pas aux JO. Ensuite, on a les différences de handicap dans un même bateau. Mais j'ai envie de dire, ça, c'est notre travail en amont, de gommer les handicaps, que ce soit par un accompagnement technique ou une préparation spécifique. Les athlètes, une fois qu'ils sont dans le bateau, ils ont envie d'être entraînés comme n'importe quel athlète. Ok, tu as une déficience, un handicap, on essaye de le combler, tu pars sur l'eau, tu l'oublies, on t'entraîne comme tout le monde. Il n'y aura pas d'autres jugements. On va respecter la personne. On va respecter la limite pour ne pas se blesser. On travaille beaucoup sur la notion de capital santé chez nos athlètes para. C'est-à-dire, pas dépasser les limites. C'est avec un capital santé à 100% qu'ils peuvent performer.
La stratégie de l'encadrement de l'équipe de France est d'attendre le plus loin possible dans la saison pour sélectionner définitivement les rameurs. Le bateau, lui, est qualifié pour les Jeux paralympiques. Les athlètes, eux, devront attendre le 26 juin prochain. Une longue, très longue échéance.
Margot aux Jeux, c'est dans mon esprit.
Charles Delval, directeur des équipes de France de para aviron à la Fédération Française d'Aviron
"On ne nommera pas l'équipage tant que l'on n'a pas validé nos deux étapes de référence que sont les championnats d'Europe et la Coupe du Monde au mois de juin, précise encore Charles Delval. Ça nous permet de garder la concurrence le plus tard possible et surtout de ne pas se tromper dans les équipages. Il est prévu que début avril, on sorte un équipage que l'on va tester aux championnats d'Europe. Si l'équipage nous satisfait, on va le reconduire sur la Coupe du Monde de juin. Par contre, si on voit que l'on pourrait tester un autre élément dans le bateau, on ne va pas se priver. Notre intérêt est d'avoir le meilleur équipage possible. On les aime tous nos athlètes et on les chouchoute. Mais notre job c'est d'avoir le bateau qui aille le plus vite possible et qu'il décroche des médailles".
Alors Margot Boulet sera-t-elle au JO de Paris, comme à ceux de Tokyo en 2021 où elle a décroché la médaille de bronze ? C'est évidemment l'objectif ultime de la saison pour la rameuse de Nogent-sur-Seine. "Margot aux Jeux, c'est dans mon esprit, dit le directeur des équipes de France de para-aviron. Cela ne sera officiel que le 26 juin, date de la commission de sélection du comité paralympique. Margot, c'est une de nos leaders du groupe, mais il reste quelques étapes de sélection, on a beaucoup de filles en concurrence".
"Discrète, engagée, travailleuse, obstinée", c'est ainsi que Charles Delval décrit la jeune femme, aujourd'hui sportive de haut niveau de la Défense.
Combattante aussi. Des qualités essentielles pour aller décrocher une nouvelle médaille olympique.