Placé en redressement judiciaire vendredi 22 novembre, l'équipementier de Paris 2024 voit son horizon s'assombrir. Dans l'espoir d'une éventuelle reprise, c'est toute la filière auboise du textile qui s'inquiète.
"Aujourd'hui est arrivé ce que tout le monde redoutait depuis un certain temps". Les mots de Denis Arnoult trouvent un écho particulier, cinq jours après le placement en redressement judiciaire de l'enseigne "Le Coq Sportif" dont une partie de la production se trouve dans l'Aube (10).
Cet entrepreneur est à la tête de France Teinture, une PME de 95 salariés basée à Troyes et spécialisée dans les apprêts et la teinture de textile avant assemblage. Sans donner de chiffre exact, Denis Arnoult nous informe que son entreprise a "une importante part de production" pour l'équipementier officiel de Paris 2024. "C'était un vrai avantage pour la filière textile du territoire, car plusieurs entreprises étaient fournisseurs du Coq Sportif".
Des problèmes de trésorerie à prévoir
Sans être alarmiste pour autant, le président de l’Union des Industries Textiles de Champagne-Ardenne joue la carte de la prudence. "La filière textile est à l'écoute de ce qui va se passer dans les prochains jours, mais pour le moment, il est compliqué d'en dire plus", tout en espérant "une reprise de l'activité du Coq Sportif", dont le redressement judiciaire s'accompagne d'une période d'observation de six mois, sur le principe d'une continuité d'exploitation.
Assaillie de dettes, l'enseigne française enregistre également 28,2 millions d'euros de perte l'an dernier. Pour tenter de se remettre à flots, elle avait obtenu deux prêts au cours de l'année 2024 : un premier du comité d'organisation de Paris 2024, à hauteur de 2,9 millions d'euros, et un second de l'Etat Français, d'un montant de 12,5 millions d'euros.
On parle de LVHM, de Hermès, mais honnêtement, je n'en sais pas beaucoup plus
Guy Hérard, gérant d'Aube Tricotage
Derrière la situation financière catastrophique du Coq Sportif, les perspectives pour les entreprises auboises de la filière textile ne sont pas bonnes. "Il y aura des conséquences sur l'emploi, sur les chefs d'entreprise, et ça va jeter l'opprobre sur nous" s'inquiète-t-il.
"Il y a les sous-traitants du textile, comme Aube Tricotage ou France Teinture, et ceux de la logistique et du transport" explique Jean-Dominique Regazzoni, gérant de la société Emo SAS, une bonneterie familiale et président aubois de la Confédération des petites et moyennes entreprises. En tant qu'entrepreneur, il loue également depuis 2010 des bâtiments à Aube Tricotage, une société sous traitante du Coq Sportif basée à Sainte-Savine (10). "Depuis janvier, j'ai des loyers impayés" affirme-t-il. En cause, des problèmes de trésorerie. "Le Coq Sportif leur doit beaucoup d'argent".
La place textile troyenne en grand danger
Nous avons contacté le gérant d'Aube Tricotage, qui confirme ces problèmes de trésorerie qui s'aggraveront dans les mois à venir. Guy Hérard regrette "le manque de communication du Coq Sportif", même s'il est au courant que "deux administrateurs ont été nommés et que des nouvelles seront données d'ici la fin de semaine".
Des possibles repreneurs pourraient se manifester. "On parle de LVHM, de Hermès, mais honnêtement, je n'en sais pas beaucoup plus" affirme-t-il.
L'avenir d'Aube Tricotage pourrait être intimement lié au sort du Coq Sportif, car le façonnier qui emploie 18 salariés travaille depuis 2014 avec l'enseigne de vêtements de sport, avec une part de production de 85%.
"On espère une possible reprise du Coq, pour la sauvegarde des emplois" souhaite Guy Hérard, sans pour autant jeter la pierre à l'équipementier. "Il y a eu un problème de gestion, et des erreurs marketing, c'est un fait. Mais le retour du Coq Sportif dans l'Aube en 2017 (et la réimplantation de son siège social, NDLR) a permis aux façonniers d'avoir de l'activité". Pour rappel, si les principales usines de production se trouvent à l'étranger, et notamment au Maroc, la teinture et le tricotage se faisaient jusque-là dans l'Aube. "On pensait que le Coq allait sauver le secteur" renchérit Jean-Dominique Ragazzoni.
Si la faillite du Coq Sportif est un coup de massue, l'économie du textile, elle, souffre depuis bien plus longtemps. "L'enseigne est à l'arrêt, au milieu d'une situation générale catastrophique" s'inquiète Denis Arnoult, le cogérant de France Teinture.
"Le métier est en voie de disparition" constate Guy Hérard. "Il y a de moins en moins de donneurs d'ordre".
Le gérant d'Aube Tricotage l'affirme très clairement : si le Coq Sportif venait à disparaître, "il y aura un effet domino, et c'est toute la place textile troyenne qui sera morte".