Historien apprécié des Troyens, le directeur de publication de la Vie en Champagne, Jean-Louis Humbert, revient sur le confinement qui vient de s'achever et sur la période exceptionnelle que nous vivons. Entretien.

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Il était censé accompagner l'ouverture d'une exposition emblématique sur le Traité de 1420 repoussée en septembre à Troyes : le numéro de la Vie en Champagne sur les 600 ans de cet événement devrait sortir en Juillet. Cet épisode de la guerre de 100 ans qui témoigne de la suprématie du Royaume d'Angleterre sur celui de France à l'époque passionnera t-il les Aubois ? C'est en tout cas un autre "moment  historique" qui l'éclipse. Et que nous commente Jean-Louis Humbert.

Confiné deux mois dans son appartement avec balcon au centre ville de Troyes, le professeur d'histoire en retraite a beaucoup travaillé intellectuellement mais il reconnaît que sa productivité et sa gestion des priorités ont été dégradées. Il a comme beaucoup vécu une forme de sidération, en particulier dans les débuts de ce phénomène inédit.
 

À quel point ce confinement a t-il été historique ?

"Il a d'abord été nouveau dans la forme, parce que l'on atteint vraiment les limites de la mondialisation. Certes, par le passé, quand on ne savait pas quoi faire contre les épidémies, on faisait déjà du confinement. En 1720, lors de la dernière grande Peste en France un mur a été construit tout autour de la ville de Marseille. Mais le confinement que nous avons vécu a été  vraiment radical. Même pendant l'Occupation, les gens n'étaient pas enfermés à ce point. Nous n'avons jamais vu un phénomène d'arrêt comme celui-là. Il faut reconnaître qu'il y a eu un certain civisme, du respect. Maintenant cela risque d'être compliqué de redémarrer.

Et il va falloir beaucoup relocaliser car nous nous sommes mis en situation de dépendance vis-à-vis de nombreux acteurs à commencer par la Chine. Cette période est marquée par son émergence totale. D'ailleurs,  alors que les États-Unis ont refusé de continuer à financer l'Organisation Mondiale de la Santé, c'est la Chine qui a annoncé une hausse de sa contribution ! " explique Jean-Louis Humbert.
 

Y'a t-il d'autres éléments qui vous frappent si l'on regarde la gestion de la crise ?

"Je retiens surtout  les difficultés de l'Etat à prendre des options claires et j'avoue que je m'inquiète de ce qui va suivre quand on devra rembourser toutes les avances qui ont été faites. Sur le plan sociétal, il y a un élément très négatif : c'est la situation des Ephad. Nous savions déjà qu' ils ressemblaient à des mouroirs, avec cette crise on s'est aperçu que c'était pire que tout !
Des fractures encore plus nettes se sont aussi révélées entre les Régions et Paris.

En revanche, il y a un élément positif, c'est la reconnaissance à mon sens des "derniers de cordée", livreurs, caissiers, éboueurs... Elle est réelle je crois. Je trouve également qu'il y a eu de belles solidarités, moins d'individualisme, même si ce beau constat a parfois été terni par des dénonciations. Je retiens enfin la créativité des dessinateurs de presse et autres caricaturistes. Dans un monde aussi désespérant il faut absolument que l'on rigole et ils ont été au rendez-vous. Heureusement aussi qu'il y avait les réseaux sociaux même si nous avons considérablement enrichi les GAFA !"
 

Qu'espérez-vous aujourd'hui du déconfinement ?

"Il me manque encore beaucoup de choses pour être satisfait. Professionnellement, tant que les Archives (départementales, municipales) et la Médiathèque seront fermées, ce sera compliqué pour nous, chercheurs. Et puis de façon plus basique, je suis un fanatique de certains restaurants à Troyes et des terrasses de bistrots pour regarder les gens. Reste à voir si les conditions sanitaires leur permettront d'ouvrir en juin..."
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