Marion Vailler, présidente du bureau des étudiants de l'UTT de Troyes, alerte sur la détresse des premières années mais aussi des autres niveaux. Un constat partagé par Julien Molinier, psychologue clinicien à l’UTT de Troyes. 
 

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Il y a beaucoup d’angoisses chez les étudiants dues à la santé, aux projections sur l’avenir, aux isolements alerte Julien Molinier, psychologue clinicien à l’UTT de Troyes.
Pour Marion Vailler, présidente du bureau des étudiants de l'UTT de Troyes ( BDE)  la situation actuelle est inquiétante. C'est ce que les étudiants ont fait remonter à Valérie Bazin-Malgras, députée de l' Aube qui est venue à la rencontre des étudiants lundi soir en visioconférence. 

73% des jeunes déclarent avoir été affectés au niveau psychologique, affectif ou physique
70% des étudiants troyens n’ont pas le moral
40% des étudiants troyens ont mal vécu l’annonce du 2ème confinement
25% des étudiants ne se sont pas assez sociabilisé
( Sources : Enquête IPSOS FAGE auprès de 1000 personnes de 18 à 25 ans, fin juin lors du 1erconfinement. Enquête Fédération des étudiants Troyens sur près de 1000 étudiants troyens datant d’octobre et Observatoire de la Vie Etudiante) : 

Marion Vailler est également présidente de la fédération des étudiants de Troyes. Étudiante en 5e année d'ingénierie. Du haut de ses 23 ans, elle parvient à gérer cette situation, car elle a connu autre chose, mais elle s'inquiète beaucoup pour les étudiants de première année. " Moi je connais très bien la vie universitaire donc tout va bien, mais pour les premières années qui n'ont rien connu, cette année a été très pénible psychologiquement. Il y a beaucoup de solitude, d'isolement et de décrochage. Pour nous qui sommes en 5e année, c'est difficile alors qu'on est déjà bien imprégné de la vie étudiante et de son mode de fonctionnement. Mais pour ceux qui viennent d'arriver, tout juste après le lycée, suivre à distance et vivre la solitude pour travailler, sans échanger avec d'autres étudiants, c'est très dur. Ils ne se sentent globalement pas trop bien. Ils se sentent seuls. Je suis en contact avec eux et on essaie de créer des liens. Ils ont l'impression de vivre, une année blanche et d'être invisibles". 

Après les annonces du gouvernement début janvier, l'UTT de Troyes a fait le choix de poursuivre en distanciel ce que certains étudiants n'ont pas compris rapporte Marion. Même incompréhension pour les étudiants de l'URCA à Troyes qui ont eu leurs  examens en présence, explique-t-elle.  " Alors quand les étudiants ont vu qu'on était capable de réunir 300 élèves dans une salle en respectant les distances et les gestes barrières, ils n'ont pas compris pourquoi ce n'était pas possible de reprendre en présence au moins un jour sur deux en mettant un siège de distance par étudiants" rajoute la présidente du BDE . Cette dernière comprend ce choix qui est un choix sanitaire, mais cela a été mal vécu par de nombreux étudiants qui ont eu le sentiment d'être "surveillés " pour passer les examens, alors que le risque sanitaire n'était pas moins grave. Les étudiants de l'UTT de Troyes ont eu leurs examens à distance précise Marion.

" Du coup d'être vu comme des potentiels tricheurs, si les examens avaient été fait à distance, n'arrange pas le moral des étudiants" précise Marion qui enchaîne sur le stress que cela a rajouté. " Avoir l'autorisation de pouvoir revenir sur site, uniquement pour passer les examens ça a généré du stress en plus d'une grande incompréhension. Les étudiants n'ont toujours pas compris cette décision. Et même si les examens se sont déroulés, la pilule a du mal à passer. Pour moi, les examens se sont très bien passés, mais je connais très bien l'UTT, mais ceux qui sont en première année et qui n'ont pas eu le temps de s'acclimater, c'était très frustrant." 


Une prise en charge psychologique dès le premier confinement 


L'UTT de Troyes propose beaucoup d'accompagnement pour les étudiants en détresse via leur pôle santé. "Cela fait partie de la cotisation que les étudiants paient pour leur frais de scolarité. 92 € pour le CVCE (contribution à la vie étudiante et de campus). Une partie de cette somme est allouée à la santé des étudiants. Du coup, même si le "chèque psy" du gouvernement n'est pas franchement visible, il y a cette prise en charge propre à l'UTT " précise Marion.

Julien Molinier, psychologue clinicien à l'UTT de Troyes, la direction n'a pas forcément attendu les récentes annonces du gouvernement pour alerter sur cette situation : " Avant la crise sanitaire liée à la Covid, l’Université de technologie de Troyes (UTT) proposait à ses étudiants 4 heures de consultation hebdomadaires avec un psychologue. Suite au 1er confinement, l’UTT a alors offert 12 heures de consultation par semaine. Aujourd’hui, l’UTT a ajouté encore 8 heures de plus, soit un total de 20 heures hebdomadaires. En parallèle, l’UTT a recruté des personnels de santé pour passer d’une infirmière à trois infirmiers à plein temps et deux psychologues précise le psychologue clinicien à l’UTT de Troyes. Durant le premier confinement, dès le mois de mars, les étudiants ont pu consulter les psychologues 100 % en distanciel. Depuis septembre, les consultations se poursuivent soit  par téléphone, ou par skype, pour ceux qui sont en stage, à l’étranger ou dans leurs familles, mais malgré tout isolés, ou en présentiel pour ceux qui sont à Troyes. Le but est de venir en aide à nos étudiants, d’échanger avec eux, où qu’ils soient. Il s’agit également de s’adapter à eux, notamment avec le décalage horaire s’ils sont à l’étranger. Des groupes de parole sont également mis en place, autour de la covid, de la gestion du stress" rajoute Julien Molinier.

 

70 % des étudiants troyens n'ont pas le moral 


Marion Vallier n'a jamais failli à son rôle de présidente et n'arrête jamais vraisemblablement : "Avec le BDE, chaque jeudi soir, on organise des jeux à distance pour rompre l'isolement " explique Marion. "Ce sont des rendez-vous pour tenter de ne pas perdre de vue les étudiants et surtout ceux de première année, les premières années sont en demande d'avoir des contacts avec des étudiants en années supérieures pour justement être conseillé et guidé" insiste la jeune présidente.

Native de Fontainebleau, Marion, a fait le choix de ne pas rentrer chez elle contrairement à beaucoup d'autres étudiants. " J'ai la chance d'avoir des parents qui ne sont pas dans le besoin et qui peuvent m'aider à garder mon logement, ce qui n'est pas le cas de tous les étudiants hélas" regrette Marion." Et je trouvais que c'était important de ne pas quitter Troyes et les autres étudiants, car je suis toujours affairée à préparer un événement ou une communication ". Comme ce rendez-vous en direct ce lundi soir avec la Députée Valérie Bazin-Malgras, députée de l' Aube qui voulait échanger et rencontrer des étudiants pour faire remonter nos différentes questions à la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal ".

La visio s'est très bien déroulée, une quinzaine d'étudiants sont venus discuter avec la députée mais 150 étudiants troyens avaient répondu au formulaire que nous avions fait passé concernant les revendications que nous souhaitions porter . L' idée était de savoir si les étudiants étaient en accord avec les propositions et s'ils avaient d'autres choses à ajouter. La situation actuelle  ( Sources : Enquête IPSOS FAGE auprès de 1000 personnes de 18 à 25 ans, fin juin lors du 1erconfinement. Enquête Fédération des étudiants Troyens sur près de 1000 étudiants troyens datant d’octobre et Observatoire de la Vie Etudiante) : 
 84% des jeunes déclarent que le confinement a provoqué un décrochage scolaire
 52% les perspectives pro et d’orientation ont été impactées
 1 étudiant troyen sur 5 pense rater ses études
 13% des étudiants trouvent que leurs enseignants ne se sont pas du tout adaptés au distanciel.

 

" Pour toutes ces raisons, nous demandons l’adaptation des jauges de présentiel des étudiants au sein de l’enseignement supérieur en fonction des particularités locales, et adaptées en fonction des capacités globales d’accueil et du nombre d’étudiants présents. Par exemple, il paraît difficilement concevable d’ouvrir les établissements troyens à la même jauge que Paris Sorbonne. En revanche, les étudiants ont clairement besoin d’un retour en présentiel plus marqué car ils se sentent délaissés et seuls.
Nous demandons également une réouverture des services universitaires en fonction de cette jauge (la bibliothèque universitaire entre autres, afin de pouvoir étudier dans de bonnes conditions).
Nous verrons bien ce que nous aurons comme réponse" conclut Marion qui espère que le mode hybride avant le second confinement puisse reprendre. " Nous avions l'occasion de suivre en mi-présence et midistance les cours et aussi de nous retrouver et de partager des moments collectifs festifs qui nous manquent énormément aujourd'hui " reconnaît la jeune étudiante. Les étudiants continuent à échanger via notre site aussi précise Marion.

 

L'isolement sous différentes formes 

Pour le clinicien Julien Molinier il existe six situations qui accentuent l'isolement : 

L'isolement social, par exemple, malgré l’hyperconnexion. " Nous avons une culture latine, une génération très maternée qui a besoin de relationnel, de contacts humains. Or, aujourd’hui, avec la distanciation sociale, les codes sociétaux ne répondent pas à notre culture. Les étudiants sont arrivés à la limite ou une saturation des réseaux sociaux, des écrans. Beaucoup d’étudiants n’en peuvent plus. Avant, les écrans n’étaient que récréatifs. Aujourd’hui, c’est universitaire, médical, c'est pour tout finalement. A cela s'ajoute la sur-information. Sur les réseaux sociaux, les fake news génèrent des angoisses, les étudiants commencent à douter" Pour s’informer, les psychologues conseillent aux étudiants de consulter les sites de l’Etat ou de l’UTT.

L'isolement récréatif : "les étudiants n’ont plus accès aux bars, soirées, cinémas, associations… Lycéens, ils fantasmaient cette vie étudiante et aujourd’hui, ils en sont privés".

L'isolement familial : "ceux qui viennent d’autres régions, d’autres pays ne peuvent pas rentrer chez eux (cas contact, confinement…). Ils ressentent un sentiment de rejet parce qu’ils sont dans le Grand Est. Ils se sentent en prison. Il y a également des problèmes culturels, le confinement n’étant pas vécu de la même façon, que l’on soit français ou étranger."

L'isolement économique : les petits emplois, même précaires, n’existent plus. La crise sanitaire a accentué la précarité des étudiants. Certains étudiants dépendent de leurs parents, eux même en difficulté"… Heureusement, à Troyes, l’AGORAé aide les étudiants avec la distribution de paniers repas.

L'isolement universitaire : "beaucoup d’étudiants supportent mal les enseignements à distance ont besoin de cette rencontre avec les enseignants, les autres étudiants, et ont surtout besoin des inter cours. Il y a une perte de repères spatiotemporels. Avec les cours à distance, ils restent chez eux et ne sortent plus. Certains étudiants se confinent plus qu’on leur demande, ont peur de mal faire et donc travaillent plus, ne mangent plus, ne vont plus dehors et en oublient de ne rien faire. C’est un cercle vicieux où l’étudiant étudie. Nous leur donnons des outils : pour ceux qui le peuvent, nous les invitons à changer de pièce à chaque cours, et à se fixer des temps de cours. Nous les aidons à réapprendre à sortir."

L'isolement technologique :" beaucoup de choses ont été mises en place très tôt à l’UTT avec le prêt d’ordinateurs, des achats de clés 4G, etc. Mais la connexion internet haut débit peut encore être un frein".

Un avenir incertain

" Les étudiants ont des angoisses quant à leur projection sur le futur. Beaucoup d’étudiants se restreignent dans leurs prédictions sur les vacances, les stages, leurs années universitaires. Ils n’osent plus se projeter à court terme. Et, à long terme, ils s’interrogent sur la faisabilité d’avoir leur diplôme, sur la valeur de ce diplôme « covid », ou bien encore sur le fait d’avoir un travail "conclut Julien Molinier.

Marion Vallier partage ce point du vue, et c'est ce qu'elle a en retour des autres étudiants. Son moral, à elle? " Je ne suis pas la plus à plaindre même si j'en ai en peu marre par moment de tourner en rond dans mon appart, c'est vrai. Marion sort très rapidement, car le couvre-feu 18 h arrive très très vite. Et les week-ends pour Marion? Je vois toujours le même groupe d'amis forcément, car on ne peut pas non plus en rencontrer d'autres, étant donné la situation". Les résultats du premier trimestre sont attendus. Le second semestre débute toujours dans la même configuration et les mêmes incertitudes.

Et les tergiversations autour d'un 3ème confinement ne leur permet pas d'espérer une rapide sortie de crise. D'autant que la population des étudiants ne semblent pas être prioritaire pour les vaccins. " On sera sûrement les derniers à se voir proposer la vaccination" avance déjà Marion. 


 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information