Les habitants de Schirrhein peuvent désormais retrouver leurs spécialités culinaires familiales et locales dans un livre, "Ça fume en cuisine". Une plongée émouvante dans la vie de la commune, entre recettes, photos et anecdotes.
Comme souvent, tout a commencé par une discussion entre copains autour de la table. Au cœur du débat : la cuisson du "Schirraaner Eiküeche", la crêpe de Schirrhein. Selon une vieille légende, elle ne serait cuite que d'un côté dans ce village. Et chacun a son avis sur la question.
"À l’époque, il n’y avait des maisons que d’un côté de la rue principale, en face il y avait la forêt. C'est pour ça qu'on dit qu'historiquement, la crêpe n'est cuite que d'un côté à Schirrhein. Enfants, on y croyait vraiment, mais on nous racontait cela pour nous faire marcher... Bien sûr qu'en réalité, on la cuit comme tout le monde", sourit Rémy Motsch.
Avec quelques autres habitants de la commune et l'association Hàrzknübbe, il a eu l'idée de consigner ces petites histoires dans un livre de cuisine. Le groupe s'est constitué en comité de dégustation pour observer et tester les recettes des villageois. Des spécialités locales et familiales, souvent liées à l'histoire de Schirrhein.
Comme le "Schirraaner Esse", le "repas de Schirrhein", à base de pommes de terre coupées en bâtonnets et de macaronis. Un plat simple, véritable tradition dans la bourgade, plébiscité à la fois pour le plaisir gustatif qu'il offre et son faible coût. Ou encore le "Seuikääs", une sorte de pâté de viande préparé avec une tête et du foie de porc. Toute jeune, Anna Rischmann a découvert la recette grâce à une vieille dame du village, elle raconte qu'elle l'a ensuite cuisinée chaque année lorsque sa famille d'agriculteurs tuait ses cochons (voir les deux recettes plus bas).
"D'Kiche dampft", un livre qui fait vivre l'alsacien
"On espérait découvrir des recettes et cela a été le cas. Mais ou voulait aussi observer les variantes pour un même menu. L’un la prépare comme ceci, l’autre comme cela, et c’était très intéressant de le notifier dans le livre", explique Frédérique Studer, chargée de mission culture et seniors à Schirrhein.
C'est elle qui a pensé tous les détails de l'ouvrage, baptisé D'Kiche dempft (Ça fume en cuisine). Il contient au total 85 recettes, salées et sucrées, des plats, des desserts, des boissons... Il raconte également des anecdotes de la commune, en photos et en poèmes. On y apprend pourquoi les habitants sont attachés aux myrtilles. Ou encore que l'aspérule a valu à des femmes qualifiées de sorcières d'être brûlées.
Pari gagné pour Frédérique Studer : les 700 premiers exemplaires de l'ouvrage ont été écoulés rapidement. 700 autres ont ensuite été imprimés : "On est très contents, assure-t-elle. L’objectif était aussi de faire vivre notre langue et à travers la cuisine, nous y sommes parvenus. On a tenu à noter le nom de chaque recette en alsacien, pas en français, car les photos suffisent à comprendre de quoi on parle."
L'association Hàrzknübbe a bénéficié d'un soutien à hauteur de 5.000 euros de la région Grand Est. Elle a répondu à un appel à projets lancé par la collectivité et adressé à tous les créateurs en langue régionale.
Le Schirraaner Esse de Charlotte Gentner
Ingrédients (quantités à adapter en fonction du nombre de personnes) :
- pommes de terre (préférez une variété un peu farineuse)
- un paquet de macaronis longs ou courts
- crème fraîche
- vinaigre de Melfor
- sel
- pain sec
- beurre
- chapelure.
Procédé :
- Éplucher les pommes de terre et les tailler en grosses frites.
- Les déposer dans une casserole et les recouvrir d'eau. Saler. Les faire cuire environ quinze minutes.
- Ajouter à peu près la même quantité de macaronis et cuire encore le tout pendant dix minutes.
- Égoutter et remettre le mélange macaronis et pommes de terre dans la casserole. Mélanger de la crème fraîche et deux ou trois cuillères à soupe de vinaigre Melfor. Verser ce mélange sur les macaronis et pommes de terre et laisser cuire doucement pendant encore cinq à dix minutes.
- Pour agrémenter le Schirraaner Esse, on peut, dans une poêle, faire revenir des croûtons de pain sec ou des oignons dans du beurre avec de la chapelure. Les verser sur les macaronis et les pommes de terre. On peut le déguster tel quel, ou avec une omelette ou du Fleischwùrscht (saucisse de viande) grillé.
Le Seuikääs d'Anna Rischmann
Ingrédients (pour 8 à 10 personnes) :
- une tête de porc entière cuite dans un bouillon et désossée
- 1 kg de foie de porc
- 6 grands oignons
- un petit bouquet de persil
- 5 oeufs
- 3 tranches de pain rassis
- 2 cuillères à soupe de farine
- sel
- poivre.
Procédé:
- Cuire une tête de porc entière dans un bouillon ou demander au boucher de la préparer.
- Préchauffer le four à 200°C.
- Émincer cinq oignons et les faire revenir dans du saindoux ou de l'huile.
- Entailler le foie et le blanchir cinq-dix minutes dans de l'eau bouillante. Couper le foie ébouillanté en morceaux.
- Passer au hachoir à viande, le foie, ainsi que la tête de porc coupée en morceaux, les oignons, l'oignon cru, le persil et terminer par le pain.
- Verser cette préparation dans une terrine. Ajouter les oeufs un par un et mélanger. Rajouter la farine et mélanger. Saler, poivrer.
- Verser la préparation dans un plat allant et enfourner pendant une demi-heure à 200°C. Baisser le four à 175°C et poursuivre la cuisson pendant 1h30. Piquer avec la lame du couteau pour vérifier la cuisson. Couvrir avec un papier aluminium si nécessaire.
- Servir tiède ou froid. Accompagner de cornichons, de moutarde, de pain, de salade ou de crudités.