Paris 2024 : une aumônière au village olympique, "nous serons là pour rappeler aux athlètes qu'ils sont avant tout des hommes et des femmes"

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Du 26 juillet au 11 août, le cœur de Paris battra au rythme des Jeux olympiques. Et celui des athlètes ? Efforts physiques, stress, pression, pour eux cette période sera aussi belle que cruelle. Pour les accompagner dans cette épreuve, le village olympique accueillera un centre multiconfessionnel. Anne-Marie Heitz Muller sera de la partie.

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Anne-Marie Heitz Muller a la voix de l'emploi. Douce et céleste. La pasteure de 45 ans officie à Bischheim (Bas-Rhin) depuis cinq ans. Une vocation sur le tard, la vie est parfois imprévisible. Le basket par contre, qu'elle porte aussi souvent aux pieds, sous sa robe noire, est venu plus jeune. Fille d'entraîneur, elle s'y est mise dès six ans. Sans jamais vraiment le quitter.

Spirituelle et sportive : elle fait partie de la trentaine de pasteurs de France (deux en Alsace) à avoir été choisis pour accompagner les athlètes pendant les Jeux olympiques de Paris. Le 5 août, elle partira "vivre l'évènement d'une vie" avec, dans sa valise, une Bible, une tablette numérique et des exercices de respiration.

Au cœur des Jeux Olympiques

Anne-Marie a le sourire jusqu'aux oreilles. Je l'entends. Imaginez un peu, vivre les Jeux olympiques, en son cœur, dans l'intime, pendant une semaine. Au sein du village olympique. "C'est incroyable, j'ai hâte d'y être. Je m'imagine ça comme une ruche, pleine de vie, avec des gens de toutes les nationalités, pour qui aime les rencontres et le partage, c'est juste fantastique." 

C'est là que sera installé le centre multiconfessionnel dont le fonctionnement a été fixé avec le bureau central des cultes, un service du ministère de l’Intérieur. Sur 400 m², il abritera des représentants du judaïsme, de l'islam, du bouddhisme, de l'hindouisme et du christianisme. Un lieu de silence, d'écoute et de soutien spirituel pour les 15 000 sportifs (dont 4 500 pour les jeux paralympiques) et leur staff. 

On ne se rend pas toujours compte de ce que les sportifs vivent, on ne voit que l'or, ce qui brille

Anne-Marie Heitz Muller, pasteure

Anne-Marie a été sélectionnée par la Fédération protestante de France pour y être aumônière pendant une semaine. Le processus de sélection a été long, mais forcément, Anne-Marie avait la foi. "J'ai rempli le dossier d'inscription fin 2022, je n'ai eu la réponse qu'en avril dernier, j'ai ressenti une immense joie, c'est une chance de pouvoir vivre ces moments-là et d'accompagner ces sportifs. On ne se rend pas toujours compte de ce qu'ils vivent, on ne voit que l'or, ce qui brille. Ce sont des personnes qui ont fait d'énormes sacrifices, de grands renoncements et qui sont dans une période de stress énorme, ils portent la pression de leur équipe, de leur entraîneur et de leur pays tout entier. Ils sont souvent réduits à une performance, nous serons là pour leur rappeler qu'ils sont avant tout des hommes et des femmes."

Pour exercer son ministère à Paris, Anne-Marie a suivi un an de formation. "Deux sessions en présentiel à Paris et des zooms. Sur la déontologie, l'éthique, les abus, organiser des temps spirituels, la confidentialité, la Charte et l'organisation olympique, les principes de la laïcité, le règlement intérieur du village." Aujourd'hui, elle se sent prête à "écouter autant qu'à soutenir. Le silence est une vertu, il faut recevoir ce qui nous est confié."

Foi de sportive

Anne-Marie connaît depuis longtemps les vertus du sport. Son papa a fondé le premier club de basket de Furdenheim (67). Elle avait six ans et a grandi à l'ombre des paniers. 

"J'ai été emmenée dans l'aventure, j'ai joué au niveau régional où je n'étais pas trop mauvaise, j'aime beaucoup les valeurs des sports collectifs : perdre et gagner ensemble, la solidarité, le dépassement de soi, la persévérance sans doute, l'humilité et l'encouragement. Ce sont des belles valeurs que je retrouve dans ma foi."

Elle sait aussi combien la foi peut aider dans l'adversité. Anne-Marie, sérieuse, a déjà révisé ses classiques, ces histoires où de braves loosers savent compter sur dieu, aussi invisible soit-il. "Savoir qu'on est toujours accompagné, que l'amour de dieu est inconditionnel peut faire du bien quand on est confronté à des épreuves". Y comprises olympiques.

Pendant deux semaines, les athlètes feront face à d'énormes pressions de la part des fédérations sportives, de leur pays, des médias, de leur famille parfois aussi. Ils seront souvent très seuls, éloignés de leurs proches, vulnérables. "Les sportifs pourront s'y rendre en toute confidentialité. On partagera notre espace avec les catholiques et les orthodoxes. Ils pourront y rester seuls, pratiquer leur religion ou demander un entretien individuel. Moi, je serai là pour accompagner, recevoir, et apporter de l'écoute, une parole en lien avec ma foi et la Bible."

Anne-Marie transposera à Paris ce qu'elle a déjà instauré dans sa paroisse. La respiration, le souffle. Et pas seulement à destination des marathoniens. "J'ai ouvert l'église à d'autres pratiques comme des temps de respiration le samedi soir. Respirer c'est se rendre disponible à autre chose. La méditation est une autre forme de célébration qui répond à de nouveaux besoins. Je pense que ces temps-là pourront être utiles." 

L'aumônière, elle, n'aura pas trop le temps de souffler. Le centre sera ouvert de 7h à 23h tous les jours. La nuit, un numéro d'urgence sera mis en place : "les angoisses surviennent souvent la nuit, j'imagine à la veille d'une compétition. Je m'y prépare aussi."

De l'espoir

Anne-Marie n'est pas naïve. Elle connaît le revers de la médaille de ces jeux de Paris comme des précédents : la course à l'or, et à l'argent, le fric. L'ambition qui dévore. La grand-messe, cathodique. Mais cela ne lui gâchera ni la fête ni le fabuleux espoir qu'elle fait naître. Elle a foi.

Ces jeux peuvent réunir des gens de confessions différentes autour de valeurs communes, c'est un beau message, surtout en ce moment

Anne-Marie Heitz Muller, pasteure

"C'est une expérience incroyable qui nous servira pour la suite. Elle ouvrira de nouvelles perspectives et je ne parle évidemment pas de prosélytisme. On a souvent reproché à l'église d'être trop loin du monde, l'avenir est dans le monde et dans la vie, partager ces expériences, c'est mieux comprendre les situations, la réalité. Dans le domaine du sport, en ce sens, nous avons de belles choses à vivre." 

"Aux Jeux de Paris, il y a ce mot qui me semble très important : ensemble.  Ces jeux veulent être, malgré toutes les difficultés actuelles, une grande fête et je m'en réjouis. Elle peut réunir des gens de confessions différentes autour de valeurs communes, c'est un beau message, surtout en ce moment." 

Pour sa part, cette fête réunira sa petite famille. Tous mordus de basket. Anne-Marie a rencontré son mari sur le parquet et ses filles, ados, ont choisi, elles aussi, cette voie. "Nous partons avec mes filles et mon mari fin juillet à Lille voir les matchs de féminines, ce sera un grand moment." Encore un. Une communion familiale dans la sueur et le parquet qui crisse. 

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