Alsace : un conteur déclame des messages aux habitants de Muttersholtz rappelant la tradition du crieur public

Pour recréer des liens entre amis, amoureux, famille ou voisins, un conteur de Muttersholtz déclame des messages pour et de la part des villageois. Une idée qui rappelle l'ancienne tradition du crieur public, "de Bott" en alsacien, actif dans la commune jusqu'à la fin des années 70.





 

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Envie de créer du lien, des échanges originaux entre amis, familles, amoureux ou voisins…mais comment faire? A Muttersholtz, une façon de communiquer bien particulière a été imaginée par des artistes, pendant le confinement. Ils ont créé les "criées volantes", une déclamation de textes et poésies de la part de particuliers, à l'attention d'autres particuliers. Leur initiative rencontre un tel succès qu'ils continuent après le déconfinement, en changeant un peu la formule.
 


Lénaïc Eberlin est conteur. Il a une petite quarantaine d’année et vit à Mutterholtz, un village au cœur de l’Alsace et du Ried. Avec d’autres membres de sa troupe, la Compagnie Bardaf et une association du village Lacuisine, qui est en train de monter un projet de café culturel et un lieu de résidence d’artistes, ils ont initié les « criées volantes ».
 


"On a senti qu'il fallait entretenir et renouer les liens dans le village, on s'est demandé comment faire. M'est revenue à l'esprit une rencontre avec un crieur dans la rue, à Chalon-sur-Saône, puis un autre, à la Croix Rousse à Lyon, qui était d'ailleurs venu à Muttersholtz et nous avait formés un peu. A l'époque, on a senti une sorte de renouveau de cette fonction. Moi, je sentais ma vocation apparaitre, mais avec mon métier d’artiste, je suis souvent en déplacement et c'est compliqué de proposer des rendez-vous fixes. Avec le confinement, j'étais là, c'était donc possible." 
 


 Et puis, bien sûr, il y avait la tradition locale : l'appariteur de Muttersholtz. Lénaïc n'a pas connu cette époque, mais la démarche l'a toujours intéressé.

La longue tradition du "Bott", l’appariteur communal

Une nouveauté qui rappelle une tradition ancienne existant à Muttersholtz jusqu’à la fin des années 70. Celle de l’appariteur communal, « de Bott » en alsacien.
« C’était au temps où nous n’avions pas les moyens de communications actuels » explique Michel Adolf, premier adjoint au maire. «On disposait de l’affichage à la mairie et on avait le Bott. Au départ, c’était le garde-champêtre qui déclamait, à différents endroits du village, les nouvelles dont il fallait informer les citoyens. Le tambour acheté par la commune pour les publications était utilisé jusqu'à fin des années 50 et nous l'avons d'ailleurs conservé".
 

Michel Adolf a passé 36 ans dans l’équipe municipale de Muttersholtz, il se souvient très bien des derniers appariteurs communaux. « J’en ai connu trois. Les derniers étaient des ouvriers communaux, avant eux c’était le garde-champêtre avec un tambour qui faisait les annonces en alsacien : « Es wurd bekannt gemacht …» (Il est porté à la connaissance de tous que...) Son roulement de tambour attirait l’attention des habitants qui savaient qu’ils allaient avoir des nouvelles sur la vie du village. Le dernier Bott a fait des publications jusqu'à la fin des années 70, avec une cloche et un porte-voix.
 

"Une fois par semaine, le Bott annonçait le passage des ferrailleurs, qui collectaient aussi les peaux de lapins. Ils donnaient 10 ou 15 cts par peau, ça nous permettait, à nous les gamins d’acheter des bonbons chez la crémière »- Michel Adolf, adjoint au maire pendant 36 ans à Muttersholtz


L'appariteur annonçait le conseil municipal, le passage des vendeurs ambulants, le rachat de fruits et légumes par un intermédiaire pour les grossistes des marchés, il rendait compte des intempéries et de leurs conséquences: sécheresses et inondations. Bref, il faisait office d’avis communal ambulant. Ce rituel hebdomadaire s’est arrêté il y a une quarantaine d’années.


Les messages version 2020

Les criées volantes de Léanic Eberlin contiennent des missives bien différentes de celles d'antan. Pas de messages officiels, mais des mots d'amour, d'encouragements ou de remerciements. "Pendant le confinement, les messages venaient d'une écolière à sa maitresse d'école, d'une nounou aux enfants qu’elle gardait habituellement, d'une famille pour l'anniversaire de la grand-mère. Nous avons aussi transmis le message d'un piano à son ancien propriétaire et des remerciements à des couturières, pour la confection de masques. C'est une démarche que nous avons proposée gracieusement pendant le confinement, mais il va  falloir trouver une petite forme de rémunération pour continuer." Car la formule plaît beaucoup et les demandes sont nombreuses, "les criées" vont avoir leur cagnotte pour tous ceux qui voudraient voir continuer cette initiative. 
 


Comment se passe les « commandes » de messages et les « livraisons » ?

"On est trois ou quatre à s’en occuper, on reçoit les messages sur notre répondeur, notre page Facebook ou dans la boîte aux lettres des criées. Le parcours et la déclamation des textes aux destinataires me prenaient environ quatre heures, deux fois par semaine, les mardis et vendredis après-midi. En très peu de temps - nous avons tout mis en place seulement pendant la dernière quinzaine du confinement - nous avons reçu une bonne trentaine de messages. Alors, vu l'engouement, on va continuer, mais sous une autre forme, après le confinement. Ce sera probablement le jeudi, jour de marché, pour délivrer les messages aux particuliers, mais aussi pour haranguer le badaud avec une petite histoire, un message poétique. Comme nous avons beaucoup de cigognes, ce sera par exemple le message d'une cigogne aux Mutterholtzhois."

 
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