Bébé secoué : lancement d’une campagne nationale pour alerter sur le syndrome, "un jour historique", se félicite une famille alsacienne

Lundi 17 janvier 2022, le gouvernement lance une campagne de sensibilisation au syndrome du bébé secoué. Une maltraitance qui concernerait plusieurs centaines d'enfants chaque année en France. Associations et familles se félicitent d’un "premier pas" pour enrayer un fléau méconnu.

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C’est une avancée majeure pour les associations et les familles de victimes. Lundi 17 janvier 2022, le secrétariat d'État en charge de l'Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé lance une campagne nationale de sensibilisation au syndrome du bébé secoué, SBS.

Au téléphone, Sophie Puviland ne cache pas son soulagement. "Enfin il se passe quelque chose de concret", souffle-t-elle. Cette Bas-Rhinoise est la maman d’Axel, 6 ans. Un enfant devenu infirme moteur et cérébral en 2015, après avoir été secoué alors qu’il était gardé par sa nounou. Jugée aux assises de Colmar, cette dernière avait été condamnée quatre ans plus tard à 5 ans de prison dont deux avec sursis."A force que l’on se mobilise, que l’on interpelle, le gouvernement a fini par faire quelque chose".

Plusieurs centaines d’enfants concernés chaque année

Comme beaucoup d’autres parents, cela fait des années que Sophie et son mari se battent pour faire connaître un phénomène loin d’être marginal dans notre société. Le SBS toucherait plus de deux cents enfants chaque année en France. Un chiffre sous-estimé selon les associations, elles aussi dans l’attente d’une mobilisation nationale sur le sujet.

"Il était grand temps que le gouvernement prenne ses responsabilités, qu’il s’engage pour soulager les petits acteurs comme nous qui bataillons au quotidien pour soulager des vies", concède Marie Lemeille, fondatrice de l'association stop bébé secoué.

Une victime sur dix décède du SBS

Egalement qualifié de traumatisme crânien non accidentel (TCNA), le syndrome du bébé secoué survient lorsqu’un bébé ou un jeune enfant est violemment secoué par un adulte. Ces secousses, extrêmement violentes, induisent un balancement rapide de la tête d’avant en arrière. Le cerveau heurte alors les parois du crâne provoquant des lésions internes irréversibles. Dans un cas sur 10, la petite victime en décède. Les 3 quarts des survivants présentent des séquelles graves.

"Les secousses sont des gestes d’une extrême violence, qui n’ont rien à voir avec un geste maladroit de la vie quotidienne ni avec le jeu comme lancer un enfant en l’air. Secouer n’est pas jouer, jouer n’est pas secouer", explique, dans le cadre de la campagne, le docteur Anne Laurent-Vannier, ancien chef du pôle de rééducation de l’enfant aux hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne) et experte près la Cour de cassation.

"Il est nécessaire de rappeler que les pleurs sont l’unique moyen de communication dont dispose l’enfant et que garder un bébé est loin d’être toujours facile. Lorsqu’on est fatigué ou peu disponible, il est tout à fait humain d’être exaspéré. Ce qu’il ne faut pas faire, c’est secouer le bébé. Si on se sent en difficulté, la priorité est de s’éloigner de lui." 

Tout le monde concerné

Pour Marie Lemeille, l’enjeu de communiquer à grande échelle est bien là. Rappeler que tout le monde peut être concerné par le SBS.  "Dans la plupart des cas, ce sont les papas qui passent à l’acte. Ils peuvent être très bien, très aimants, mais ils ne savent pas sortir de cette zone rouge dans le thermomètre de la colère, ils ne savent pas poser bébé et s’éloigner, et du coup, deviennent des criminels".

"Le but c’est aussi de mettre le mot crime sur l’acte. Certains pensent encore que c’est un accident. Non. C’est un crime. Ce n’est pas pareil. La responsabilité est portée sur celui qui le commet. Les experts sont formels. La personne qui passe à l’acte sait qu’elle s’apprête à faire du mal. Elle en est consciente. Ce n’est pas une simple tape sur la main", renchérit Sophie Puviland.

La prévention, nerf de la guerre. Car le sujet reste encore tabou, parfois passé sous silence par les familles elles-mêmes, source de polémiques, aussi. Les diagnostiques peuvent être complexes à établir et donner lieu à des batailles d'experts. "Là au moins, le gouvernement se positionne, ça vient également ré-asseoir les recommandations de la haute autorité de santé", se félicite Marie Lemeille.

Vidéo choc et message percutant

Pour alerter sur la réalité de cette maltraitance et ses conséquences, la campagne gouvernementale est centrée sur un spot vidéo glaçant qui ne montre rien mais laisse entendre, à travers un babyphone, la voix d'un père excédé. "J'en ai marre, tu me pourris la vie, tout ce que tu sais faire c'est chialer !", hurle le père, avant que les pleurs du bébé ne cessent brusquement.

Des images que certaines familles auraient voulu voir être diffusées sur les chaines nationales à des heures de grande écoute, mais qui ne seront finalement relayées qu’en replay et sur les réseaux sociaux. Au film, s’ajoute un kit de communication (affiche, dépliant, etc.), pour aider les professionnels et les institutions de santé à sensibiliser leurs patients ou les publics qu'ils reçoivent sur le syndrome du bébé secoué. Et dans ce domaine, "il y a aussi du travail", tance Sophie Puviland.

"Je suis encore tombée des nues récemment", confit-elle. "Je connais une sage-femme qui connaissait le SBS mais qui ne pensait pas que ça pouvait être aussi grave. Il y a des professionnels de santé qui sont en lien avec des nourrissons, des femmes enceintes, et qui ne sont quasiment pas au courant de ce que c’est réellement. Ce n’est pas normal".

Pour nous l’initiative du gouvernement est un démarrage. C’est la mise en marche

Marie Lemeille, fondatrice de l'association stop bébé secoué

Si le SBS est bien mentionné depuis 2018 dans les carnets de santé, selon les politiques de protection maternelle et infantile (PMI) mises en place par les départements, les jeunes parents ne seraient pas tous confrontés au même niveau d’information sur le sujet.

"Pour nous l’initiative du gouvernement est un démarrage. C’est la mise en marche. Mais ce qu’on demande depuis longtemps c’est de rendre obligatoire un rendez-vous  de prévention à quelques semaines de la naissance de l’enfant pour aborder la thématique de la gestion des pleurs et du SBS. Pour le moment, le sujet n’est pas abordé partout, les informations ne sont parfois pas les mêmes entre les maternités, les centres de formations, les régions", avance de son côté Marie Lemeille.

Même chose pour les assistantes maternelles. Si la plupart des faits de violences sont commis au sein des cellules familiales, ces dernières sont aussi susceptibles de franchir la ligne rouge en cas d’épuisement ou d’exaspération. Si certains plaident pour une refonte totale de la formation et de la distribution des agréments, d’autres, à l’exemple de Sophie Puviland voudraient voir les contrats de travail établis entre "gardiens" et parents mentionner les questions liées aux maltraitances et au SBS.

Peu importe le cas, lorsque il y a passage à l’acte et que les conséquences du secouement sur le mineur constituent un crime, le Code pénal prévoit 20 ans de réclusion criminelle pour le cas des violences aggravées entraînant une mutilation ou une infirmité permanente et 30 ans pour le cas des violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Les numéros d’urgence

Deux numéros verts existent pour entrer en contact avec des professionnels de la petite enfance : -  Un numéro d’urgence :

- la ligne « Allo Enfance en danger » du Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance en Danger (SNATED) qui a pour mission d’apporter aide et conseil aux appelants confrontés à une situation d’enfant en danger ou en risque de l’être. Joignable au119, disponible 24h/24 et 7j/7. 

- Un numéro d’aide et d’écoute : la ligne « Allo Parents Bébé » de l’association Enfance et Partage qui a pour mission d’écouter, de soutenir et d’orienter les parents inquiets dès la grossesse et jusqu’aux trois ans de l’enfant : 0 800 00 34 56, du lundi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 18h.

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