L'an dernier, 200 AESH (accompagnants pour élèves en situation de handicap) ont démissionné dans le Bas-Rhin, plongeant un peu plus la profession dans la crise. Ce manque de professionnels se ressent, en classe, où enfants comme assistants pâtissent de la situation.
Ce matin-là, c'est jour d'école pour Youssef, à Strasbourg. Un petit événement car, contrairement à ses jeunes camarades de classe, il n'assiste pas aux 24 heures hebdomadaires. La faute, à un manque d'AESH (accompagnant pour élève en situation de handicap). "Mon fils Youssef est très dépendant, explique Houzaifa Khoja, le papa. Pour développer ses capacités, il a besoin d'être accompagné par un AESH à temps complet. En ce moment, il n'a que 8h par semaine au lieu des 24 recommandées. J'ai même dû l'accompagner moi-même dans cette école, faute de personnel".
"C'est souvent à flux tendu, confirme une enseignante, qui tient à garder l'anonymat. Selon elle, il manque au moins deux AESH dans l'établissement. Alors, les parents sont mis à contribution : On demande beaucoup de participation aux parents des élèves handicapés. Il arrive qu'ils accompagnent en classe ou alors, ils gardent leur enfant à la maison".
Pour l'enseignante de Youssef, ce dernier, en difficulté, serait ingérable sans aide. Elle détaille : "C'est arrivé plusieurs fois qu'il se retrouve dans le couloir ou dans les escaliers et qu'il passe inaperçu. Ça peut être dangereux. Outre le fait qu'il puisse se mettre en danger, c'est un enfant qui va être perdu, livré à lui-même, il ne va prendre aucune initiative, il ne va pas travailler ni progresser".
200 démissions sur l'année 2023-2024
L'accompagnement d'un AESH est donc indispensable à son développement. Mais ces derniers sont devenus une denrée rare. Dans le Bas-Rhin, d'après la FSU, il en manquerait 85 individuels et 296 mutualisés. Sur la seule année scolaire 2023-2024, 200 démissions ont été notifiées dans le département.
Le métier d'AESH est très difficile et n'est pas rémunéré à la hauteur de leur investissement
Myriam Brandt, secrétaire départementale du FSU-SNUipp
Les conditions de travail et la rémunération sont autant de raisons avancées pour justifier cette fuite. Le métier d'AESH est très difficile et n'est pas rémunéré à la hauteur de leur investissement, estime Myriam Brandt, la secrétaire départementale du FSU-SNUipp. Il faut savoir qu'une AESH ne peut pas faire 35 heures, car un élève est accompagné 24 heures. Elles ne touchent pas le SMIC parce qu'elles ne font pas 35 heures".
Revalorisée en janvier dernier, la rémunération nette s'élève sur une base comprise entre 1475 euros et 1809 euros pour l'échelon le plus élevé. Un AESH sur trois est employé via un contrat à durée déterminé.
Invité du 19/20 de France 3 Alsace, ce jeudi 17 octobre, Jonathan Welschinger, représentant du syndicat FSU, évoque plutôt un salaire moyen de 850 euros par mois, compte tenu des horaires effectués. Pour mieux valoriser le travail des AESH, son syndicat pointe une revendication claire : "On réclame la création d'un statut de fonctionnaire pour ces personnels (...) Que 24 heures devant un élève soient un temps plein, rémunéré au SMIC", précisant que les conditions de travail au quotidien se détériorent.
C'est fatigant pour nous et pour les enfants
Une AEHS
L'une d'entre elles nous raconte son quotidien, affectée à temps plein pour un élève aux troubles autistiques, mais qui navigue, en réalité, entre plusieurs classes. "Ça fait quatre ans que je suis dans cet établissement et j'ai, à peu près, fait toutes les classes, révèle-t-elle. C'est embêtant et fatigant pour nous et pour les enfants. On doit prendre en charge un enfant au pied levé, qui ne nous connaît pas, dont on ne sait pas comment il fonctionne. Cela se complique de jour en jour".
Une demande croissante
De son côté, l'inspection académique assure recruter 12 AESH chaque semaine, pour faire face à l'explosion des demandes. Malgré cela, environ 500 enfants ne sont pas accompagnés.
"Il y a 15 % d'enfants non accompagnés, cela va être difficile d'arriver à 100 % d'élèves accompagnés, confesse Véronique Weibel inspectrice de l'Education nationale, en charge de l'école inclusive dans le Bas-Rhin. Il y a tout le temps des nouvelles notifications qui arrivent. Il y a également du mouvement au sein des personnels. C'est une difficulté, mais on met tout en œuvre pour limiter au maximum ces manques".
Récemment, le projet de loi finances présenté le jeudi 10 octobre a assuré une hausse de la dotation pour l'Éducation nationale. Dans ce budget de 63 milliards d'euros, pour l'année 2025, 2000 équivalents temps plein d'AESH devraient être créés, en France.