Après les pitbulls et les american staff, la SPA de Strasbourg voit arriver avec inquiétude de plus en plus d'american bully aux oreilles coupées. Un acte de maltraitance et de cruauté pour laquelle l'association va porter plainte.
Ils s'appellent Blanka et Teebag. L'un est beige, l'autre gris, et ont chacun été déposés à la SPA de Strasbourg au cours de la semaine du 5 février. Des abandons qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, mais qui ont fait réagir l'association. Le point commun de ces deux chiens : ces american Bully ont tous deux les oreilles coupées. Une pratique intolérable pour la SPA, qui annonce son intention de porter plainte pour "acte de cruauté".
"On en voit arriver régulièrement depuis deux ou trois ans" témoigne Catherine Bronner, la responsable du chenil. À l'origine, couper les oreilles des chiens de combat devait permettre de faciliter les combats. Mais la pratique a dévié, et s'effectue à présent dans un objectif esthétique. Mais "ce n'est même pas beau" réagit la responsable. "C'est moche. Et puis c'est mauvais pour l'animal. Ils peuvent faire des otites, des inflammations de l'oreille. Ils ne peuvent plus les dresser. Or ça sert les oreilles, ce n'est pas pour rien qu'ils en ont."
L'arrivée de Blanka et Teebag a poussé l'équipe de la SPA de Strasbourg à réagir. Un post a été publié pour dénoncer les faits, et rappeler que la coupe des oreilles est interdite en France depuis 2004. "On va très certainement porter plainte" poursuit Catherine Bronner. "En plus, c'est mal fait, trop court. Ça n'a sûrement pas été fait par un vétérinaire, mais par l'éleveur. Il va falloir qu'il s'explique".
Depuis sa mise en ligne, la publication de la SPA a beaucoup fait réagir. Pas seulement sur la pratique des oreilles coupées, mais surtout sur la catégorisation des american bully. Chien dangereux ou pas ? Catégorie 1 ou pas ? Autrement dit, soumis à réglementation ou pas ?
Pour la SPA de Strasbourg, pas d'hésitation. Il s'agit bien de chiens de catégorie 1, au même titre que les pitbulls et les american staff. "On fait miroiter aux gens qu'il n'y a pas besoin d'autorisation, on leur dit qu'il suffit qu'un vétérinaire atteste qu'il s'agit d'un chien lambda, or c'est faux !" Certains de ces chiens sont vendus avec un pedigree américain dit "ABCK" mais cette race n'est pas reconnue en France, selon Catherine Bronner.
"Ce sont des chiens très gentils. Mais ils peuvent subir une mauvaise éducation." Sur le plan morphologique, ils ont des caractéristiques communes aux staff et aux pitbulls : "Ils ont les mêmes mâchoires. Quand ils bloquent la mâchoire, ça peut faire de gros dégâts". Ces chiens viennent d'ailleurs d'être interdits en Grande-Bretagne.
Le classement d'un chien en catégorie 1 (c'est-à-dire en chiens d'attaque) impose certaines obligations à son propriétaire : l'animal doit être tenu en muselière, il doit être stérilisé et faire l'objet d'un permis de détention. Depuis la loi de janvier 1999, il est normalement interdit d’acheter, de vendre, de donner ou d’importer sur le territoire un chien de première catégorie. Mais le législateur n'a pas atteint son objectif, selon la SPA : "Si on avait stérilisé, il n'y en aurait plus" développe la responsable du chenil. Mais certains contournent les limites posées par le législateur par le jeu des croisements avec d'autres races.
Il y a beaucoup de business derrière tout ça
Catherine BronnerResponsable du chenil de Strasbourg
Les croisements compliquent tout pour les propriétaires. Ils doivent alors faire une "diagnose'" auprès d'un vétérinaire qui établira de quel type de chien il s'agit. "Le mieux c'est de se renseigner auprès de la société centrale canine pour savoir si l'éleveur auquel vous vous adressez est déclaré" conseille Catherine Bronner.
Les american bully peuvent être vendus 1000, 1500 ou même 2 500 euros. Ce qui explique pourquoi les dérives sont possibles et nombreuses. "Il y a beaucoup de business derrière tout ça. Des personnes pas sérieuses peuvent faire des portées avec des races qui se ressemblent et ensuite établir un document" résume la responsable de l'association strasbourgeoise.
Mais ce qui tient à cœur des bénévoles aujourd'hui, c'est de mettre un terme aux oreilles coupées : "Il faut qu'on arrête de nous dire "Mon chien a les oreilles coupées et il est très heureux". Pour nous, c'est de la maltraitance", conclut Catherine Bronner.