Dans le quartier de l'Elsau à Strasbourg, ce vendredi 27 mars, le confinement est peu à peu respecté, les trafics de stupéfiants au ralenti. Certains redoutent les effets d'un confinement prolongé dans cette cité défavorisée qui fait preuve toutefois d'un élan de solidarité envers les anciens.
A la cité de l’Elsau, comme presque dans tous les quartiers de Strasbourg, le confinement est peu à peu respecté, dix jours après les annonces du chef de l’Etat. "Il a fallu du temps mais depuis le début de la semaine, c’est très calme. Quand je suis sur mon balcon, je n’entends presque plus rien. Sauf les jeunes, qui sont dehors, comme d’habitude" témoigne une habitante qui préfère rester anonyme.
"Le quartier est à eux !"
Dans le quartier, les deux points de trafic de stupéfiants sont encore actifs. "Leurs fiefs n’ont pas bougé, ils y sont toujours, en groupe". La voisine de la rue d’à côté, leur demande de temps en temps de rentrer. Elle se fait insulter. "La police est venue au début pour les disperser mais ils leur rient au nez. Le quartier est à eux !" Les professionnels de police qui connaissent bien la cité temporisent. "Il y a toujours les deux petits points de deal connus de nos services mais ils ne sont plus que quelques-uns à traîner. Les autres sont rentrés chez eux, on n’a plus de squats à l’entrée des immeubles".Trafic en berne
Le trafic de stupéfiants, tenu à distance par les dealers, est en berne. Le covid19 confine les consommateurs et réduit l’approvisionnement dans un pays qui ferme ses frontières. L’activité, au ralenti, se mesure aussi dans les autres quartiers de la Strasbourg. A la Meinau, au Neuhof où le confinement est plutôt bien respecté.A Hautepierre et à Cronenbourg, en revanche, les forces de l’ordre ont davantage de difficultés à le faire respecter auprès des plus jeunes. "On a beaucoup de 11 à 15 ans dans la rue et dans les parc, sans autorisation. Des gamins, livrés à eux-mêmes, le profil qu’on a retrouvé la nuit de la Saint-Sylvestre", témoigne un policier.
Tension palpable
Les forces de l’ordre les ramènent chez eux, tous les jours, et verbalisent les parents. "Avec le durcissement des amendes, on espère qu’ils resteront chez eux". La gradation des sanctions en cas de non-respect des mesures passe de 135 euros à 1500 euros, en cas de récidive dans les quinze jours. Jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3750 euros d’amende en cas de troisième infraction dans les trente jours.Ce qui préoccupe davantage dans les rangs, c’est la durée du confinement. "On ressent une petite agressivité quand on les contrôle, la tension est palpable. Cela commence à être difficile pour eux", rapporte le policier. Un confinement parti pour s’étendre au moins jusqu’à la fin du mois d’avril. "Si certains ne peuvent plus se livrer à leurs trafics, alors, on peut tout imaginer, on peut craindre un soulèvement des cités".
Initiatives de solidarité
Au bout de dix jours de confinement, il y a pourtant aussi de belles découvertes. Des initiatives spontanées de solidarité qui réconfortent les anciens de la cité. Les personnes âgées qui se débrouillent seules, au quotidien, voient des jeunes se manifester pour aller faire leurs courses. "J’ai un jeune du centre socio-culturel qui m’a appelée pour me demander si j’avais besoin de quelque chose, moi qui ne peut pas sortir, c’est vraiment très sympa ! », s’exclame une habitante du quartier.L’un de ces livreurs bénévoles à domicile, c’est Azzedine Naji, un travailleur social du quartier de l’Elsau. "Quand j’ai écouté le Président qui annonçait le confinement, je me suis dit de mon canapé, qu’est-ce que je peux faire pour aider ?". Avec son association sport et loisirs Elsau (Asle) et l’association des locataires Alis, ils coordonnent leurs actions solidaires, tous les jours, pour venir en aide aux habitants.
Sourires et remerciements
Pour lui, quatre à six livraisons par jour. Il emmène souvent un jeune de la cité avec lui pour remplir les caddies et monter les packs d’eau, de lait, les sacs. "On respecte tout le protocole, les barrières sanitaires. Maques, gants, gel, on livre et on reste à bonne distance".
Le travailleur social, habitué à s’occuper des adolescents de son quartier, s’est trouvé une nouvelle mission pendant la fermeture du centre socioculturel de l’Elsau auprès des personnes âgées. "Il va falloir garder le rythme, c’est du boulot, mais ce sont aussi beaucoup de sourires en retour, les appels de remerciements de leurs enfants confinés ailleurs (...) Je sors de chez une habitante atteinte du covid19, elle n'avait vu personne depuis dix jours, elle était heureuse, c'est ce qui compte". Il rentre chaque soir chez lui sans se poser la question de ce qu’il fera le lendemain, le carnet de commandes déjà bien rempli.