Rund Um. Depuis des dizaines d'années, Roland Engel prépare Noël à sa manière. Accompagné d'amis musiciens, il fait une tournée de l'Avent, avec des chansons de sa composition et un conte de Noël qu'il raconte au public.
Malgré le froid extérieur, l'ambiance est chaleureuse dans la petite église protestante de Hoenheim, près de Strasbourg. Sapin illuminé, bougies sur l'autel et, devant, trois comparses avec une foultitude d'instruments : guitare, accordéon, banjo, nyckelharpa, flûte à bec, mandoline, ukulélé et bien d'autres.
Roland Engel et deux de ses amis musiciens, Dany Franck et Sylvain Piron, offrent à l'assemblée une heure d'histoire et de musique. Un concert narratif et participatif, en alsacien. Très, très loin de l'habituel culte.
La colonne vertébrale du spectacle est une histoire de Noël, que Roland Engel raconte par petits bouts. Intitulée "Dernière sortie avant le péage", elle parle d'une jeune femme, Sophie, ravagée par une rupture, de son petit frère Maxime, pour qui tout semble aller de travers alors qu'il veut pourtant bien faire. Et d'une tante, Phine, profondément humaine et chaleureuse, qui sait respecter, écouter et consoler.
Histoire et chansons se font écho
"Sophie voit un panneau : Dernière sortie avant péage. Elle freine, vire à droite, recule de quatre mètres sur la bande d'arrêt d'urgence. Un concert de klaxons, elle dérape dans la sortie en virage. Son cœur bat, ses jambes tremblent, elle atteint la route, s'arrête dès qu'elle le peut. Coupe le moteur. S'effondre. Et enfin… les larmes."
Conteur-né, Roland Engel sait captiver son auditoire. Par sa voix, ses mimiques, la richesse de son vocabulaire dialectal, et son humour. Il sait aussi ménager le suspense, car régulièrement, l'histoire est entrecoupée de musique. Morceau instrumental, ou chansons, dont le texte fait écho à la narration. Des pièces tantôt méditatives, tantôt joyeuses. Et lorsque le rythme se fait entraînant, le public n'hésite pas à taper dans les mains, et à fredonner les refrains.
Même si, par-ci, par-là, Dieu et la foi sont évoqués, les textes, racontés ou chantés, parlent surtout du quotidien : chagrin d'amour, éducation des enfants, préparatifs de l'Avent, paix retrouvée avec soi-même et les autres. Et donnent à réfléchir, peut-être davantage qu'un traditionnel sermon.
Une tournée pour le plaisir
L'histoire, bien sûre, est différente chaque année. Ecrite soit par Roland Engel lui-même, soit par l'une de ses connaissances. "Une amie, ancienne institutrice, qui sait comment je fonctionne, et quelle longueur donner au récit" précise-t-il.
Les chansons aussi sont principalement de sa plume, texte et mélodie. Il lui arrive également d'écrire des paroles sur des mélodies connues, ou traditionnelles : negro spirituals, musique berbère, jazz, ou même du Jean-Sébastien Bach.
Auteur-compositeur-interprète, "Lìedermàcher" (chansonnier) comme il aime à se définir, Roland Engel n'a jamais vécu de sa musique (il avait un tout autre métier), mais a toujours vécu pour la musique.
A son actif, d'innombrables chansons, d'innombrables cassettes et CD, d'innombrables tournées et concerts, et d'innombrables amis. Des bénévoles, comme lui, qui n'hésitent pas, depuis des années, à l'accompagner dans ses tournées.
Autrement dit, des amis prêts à participer à une bonne quinzaine de concerts répartis sur les quatre week-ends de l'Avent, et souvent au-delà. Sans même parler des nombreuses journées de répétition en amont, dès la fin de l'été. Et tout cela, par pur plaisir.
"Ça nous donne une bonne excuse pour nous retrouver, et manger et boire avec Roland" explique Dany Franck, présent à ses côtés depuis 2008, un an sur deux. "Nos répétitions, très fréquentes, sont toujours suivies d'un bon repas. Il sait y faire pour que ses musiciens se sentent bien."
Son collègue Sylvain Piron, lui, participe "au moins pour la 10e fois." Et question motivation, la réponse est simple : " On prépare Noël dans la joie dès septembre avec Roland. C'est du travail-plaisir."
Une histoire à méditer
Au fil des interludes musicaux et des bouts de narration, le récit avance. Il culmine par l'épisode de la veillée de Noël, où les invités de Phine attachent des objets symboliques aux branches du sapin. "Ce soir, chacun décore le sapin avec un morceau de sa vie, peine ou joie (…) Certains invités font des commentaires, comme le vieux Fritz. Il accroche un briquet à une branche, et s'exclame : "J'ai dû attendre 87 ans pour décider d'arrêter de fumer. Mais j'y suis arrivé !" Maxime, lui, a un panier plein d'objets à suspendre. Car il a beaucoup réfléchi, ces derniers jours."
En effet, quelques jours auparavant, Phine lui avait rappelé que la période de l'Avent est un temps pour réfléchir, un temps pour faire certains bilans. Et tenter de tout aplanir, afin de se préparer à entrer sereinement dans la nouvelle année.
A l'issue du concert, le public a les yeux brillants. "C'est génial, je viens chaque année de l'autre bout de Strasbourg" s'exclame un homme. "Roland Engel ne chante pas que des mots" acquiesce une dame. "Le sens des paroles vient du cœur, pas seulement de la tête ou de la bouche." – "Et ça nous atteint au cœur" renchérit une autre dame, très émue. "Et nous fait réfléchir à ce que nous faisons, et à ce que nous ne devrions pas faire."
Depuis plus d'un quart de siècle
Si l'on demande à Roland Engel depuis quand il fait ses tournées, il se met à compter sur ses doigts, avant de reconnaître qu'il ne sait plus très bien. En décembre 1988, il a participé pour la première fois à une veillée de Noël en Allemagne. Comme il n'avait alors que cinq chansons à proposer, il a raconté une histoire pour compléter.
Le public a adoré, il a recommencé. Et peu à peu, il a structuré ses spectacles, et proposé une tournée dans les églises du Bas-Rhin. Jusqu'à aujourd'hui. Sa motivation : "Ce que je donne me revient" sourit-il. "J'en profite autant que le public. Mon plaisir, c'est de voir le plaisir des gens."
Le concert-narration "D'letscht Üssfàhrt vor'm Peage" (la dernière sortie avant le péage) sera encore donné :
- Lundi 26 décembre à 10h à l'église protestante de Gerstheim
- Dimanche 1er janvier à 11h à l'église protestante de Bouxwiller
- Dimanche 8 janvier à 10h à l'église protestante de Dalhunden
- Dimanche 8 janvier à 17h à l'église protestante de Pfulgriesheim