Certains y pensent, d’autres le font. Pierre Fritsch vient de changer de vie. C'est même la deuxième fois. Portrait d’un aventurier qui veut désormais exercer un métier utile et en accord avec sa prise de conscience écologique.
"Là c'est moi à 30 ans, en costume cravate. Je parcourais le monde en tant que commercial. J'allais au Pakistan, cinq à six fois par an, pour vendre des produits chimiques, en Chine aussi, le même nombre de fois, j’avais un bilan carbone terrible !" confie Pierre, face à une photo collée dans son tout nouvel atelier de réparation et reconditionnement de vélos au coeur de Strasbourg.
Après une école de commerce et avoir exercé toutes sortes de métiers dans ce domaine, Pierre Fritsch a changé de vie une première fois en 2003. Il a ouvert une école de pilotage de paramoteur à Brumath. Succès immédiat et durable. 20 ans à faire découvrir le vol à des clients ravis. Tous les hivers, il partait seul pour des raids pédestres en Mauritanie. Pendant un mois, il marchait seul dans le désert et filmait ses aventures africaines.
Puis le covid et la crise énergétique l'ont fait revoir sa copie. "Les clients se sont raréfiés et ce sport motorisé ne correspondait plus à ma prise de conscience, dans le domaine de l'environnement."
Le diplôme le plus dur de tous ceux que j'ai passés
Alors, une nouvelle fois, Pierre se lance et décide de tout changer. Il se forme au métier de "Technicien, vendeur de cycles". "C'est le diplôme le plus dur que j'ai eu à passer ! J'ai dû réviser tous les soirs pendant deux heures pour apprendre le nom de tous les types de dérailleurs, les dimensions des axes de roues, une multitude de choses, on ne s'imagine pas tout ce qu'il faut savoir pour réparer un vélo!"
Et le voilà dans son atelier boutique baptisé "Vélo Saint-Thomas", à l'entrée de la Petite-France. "J'ai fait au plus simple, comme je suis à côté de la place Saint-Thomas." Les premiers clients découvrent tout doucement cette adresse, dans la petite rue du puits. Mais apparemment, le bouche à oreille fonctionne vite. Marie fait partie des premiers clients. "C'est hyperpratique, j'habite au coin de la rue. Auparavant je devais aller assez loin pour faire réparer mon vélo et maintenant c'est à côté. Là, je pars quelques jours à vélo, il a pu faire les réglages de dernières minutes, très disponible."
D'autres arrivent en poussant leur bicyclette, une chambre à air à remplacer, une roue à dévoiler, des freins à revoir, les demandes sont variées et rien ne décourage Pierre. "Là où un autre dirait probablement qu'il faut jeter la roue et en racheter une, moi j'ai mes petites astuces, pour réparer."
Et avant de rendre un vélo à son propriétaire, Pierre le teste toujours, un petit tour pour tout vérifier et l'ajuster encore si nécessaire. Retrouver un métier qui a du sens pour lui et les autres, voilà qui semble en bonne voie.
Pierre Fritsch propose aussi quelques vélos à la vente dans sa boutique, mais uniquement des vélos qu'il a reconditionnés. "Je n'ai aucune intention de vendre des vélos neufs. On n'a pas besoin de les faire venir de l'autre bout de la planète. Je suis persuadé qu'il y a assez de bicyclettes à réparer dans les caves des immeubles et les granges dans les campagnes. Il faut juste passer du temps dessus, et mon plaisir est de redonner vie à ces deux roues."
Désormais son bilan carbone, en chute libre, lui donne le sourire. À 56 ans, il change de vie, une deuxième fois. "Maintenant, tous les matins quand je descends dans ma boutique, je suis heureux. Et je vois que mes clients sont contents aussi. Certains reviennent juste pour me dire "le vélo est top" Je sais que maintenant je fais un métier utile."