A 60 ans, Olivier Andrieu est un tout jeune scénariste. Cet Alsacien, spécialiste en visibilité sur Google, vient de co-écrire son premier album dans les pantoufles, permettez du peu, de René Goscinny. "Iznogoud, moi Calife" est sorti le mois dernier et est déjà très bien référencé. Turban l'artiste !
Si Olivier Andrieu est, entre autres choses, scénariste de bande-dessinée, c'est grâce à René Goscinny. A tous les points de vue. D'abord parce que c'est le père d'Astérix qui a donné ses lettres de noblesse à ce métier qui n'existait pas vraiment avant lui. Ensuite parce qu'Olivier a repris le flambeau et le nabot du "commandeur de la BD", en écrivant le dernier album d'Iznogoud. Rencontre Oboudufil.
Google et Goscinny
Olivier Andrieu est un touche-à-tout. Exception faite des crayons de couleurs. "Alors ça non, je ne dessine pas, vaut mieux pas. On peut dire que la fée du dessin ne s'est jamais penchée sur mon berceau. Mais bon, je n'ai aucune frustration de ce côté." Disons alors qu'Olivier est un homme de mots.
Ceux référencés sur Google : "Je suis le plus vieux consultant en référencement naturel sur Google de France. Je fais ça depuis quoi 25 ans maintenant. J'ai écrit des tas de livres là-dessus et chaque fois, je tente d'y mettre une note d'humour même si ce n'est pas évident évident." Les autres, de mots, ce sont ceux qui habitent non pas des cases mais des bulles :"Je suis aussi scénariste de BD". Et dans ses mots là, l'humour est roi ou plutôt calife.
Chaque scénariste de BD devrait ériger une statue de Goscinny chez lui
Olivier Andrieu
Olivier est donc un conteur. Parfois des milles et une nuit. "Le scénariste c'est celui qui raconte, qui invente une histoire. Pour Iznogoud, cinq histoires de huit planches chacune. J'écris un synopsis, chaque planche est résumée dans un paragraphe et j'envoie tout ça au dessinateur, en l'occurrence Elric avec qui j'ajuste le texte si besoin."
Olivier a adopté le métier et la méthode Goscinny : "Pour moi c'est le commandeur de la BD, chaque scénariste devrait lui ériger une statue chez lui. Avant lui, il n'y avait pas de scénariste, il n'y avait qu'un dessinateur qui parfois faisait appel à un auteur mais qui n'était jamais reconnu et n'apparaissait jamais sur les albums. C'est lui qui a créé ce métier, qui lui a donné ses lettres de noblesse. Imaginez un peu : Lucky Luke, Astérix, le petit Nicolas. Il a tout inventé, c'est pas rien. Je crois même que c'est l'auteur le plus vendu au monde."
Pas étonnant alors que, sans vouloir être commandeur à la place du commandeur, Olivier ait repris la méthode Goscinny : "J'ai beaucoup étudié son travail pour écrire mes livres comme "Le Dictionnaire Goscinny" (2003) ou "Goscinny" (2005), j'ai eu accès grâce à sa fille Anne à toutes ses archives : j'ai vu ses planches, ses esquisses, ses scénarios tapés à la machine et j'ai vu comment il travaillait. Avec méthode, rigueur, un scénario très découpé, un synopsis par planche, beaucoup de dialogues et d'humour caméléon adapté à chaque personnage. Un vrai plaisir de lecture. Ces textes sont presque plus drôles que les BD."
Scénariste, pas calife
A force de se plonger dans la tête de Goscinny, Olivier a eu les doigts qui le démangent. "J'ai écrit quelques petites histoires comme ça, pour le plaisir et je les ai envoyées à sa fille, Anne qui est éditrice. C'est là que le conte à commencer." Les éditions IMAV lui proposent de travailler sur le dernier album d'Iznogoud.
"J'ai bien fait marcher mon jus de tête là. Sans trop me mettre la pression non plus. J'évitais de me dire que je prenais la suite de Goscinny. Je me suis suffisamment immergé dans son univers pour le comprendre. Quand j'ai vu que je me marrais et que je faisais marrer aussi Anne, je me suis dit bon c'est bien." Car Iznogoud est un personnage qui se prête à la poilade bête et méchante, indispensable en ces temps chagrins "Depuis sa naissance en 1962, Iznogoud c'est un calembour toutes les secondes, son nom déjà en est un. Goscinny se lâchait, ben moi aussi."
Voilà donc Iznogoud ," l’un des rares héros de la bande dessinée qui soit entièrement méchant, si parfait dans son ignominie qu'on souhaite qu'il réussisse dans ses entreprises les plus basses" selon son génial créateur, reparti à la conquête du pouvoir pour être "Calife à la place du Calife".
Huit histoires, huit stratagèmes tordus pour renverser le bon gros Haroun El-Poussah. En vain, on le sait, et c'est ça qui est jubilatoire. "Ce que j'adore chez lui, c'est qu'on aime le détester. On a tous un peu d'Iznogoud en nous. Soit qu'on veuille être calife, soit qu'on en connaisse. En plus, avec la campagne électorale de la présidentielle, Iznogoud est partout ! Après c'est clair que trouver des rebondissements à ce qui est finalement toujours la même histoire, c'est un vrai challenge en termes de scénario. Ça foire, ça foire tout le temps. Il est tenace, il abandonne jamais, respect le mec. C'est un vrai modèle Izno, c'est un peu Mandela qui disait qu'on se construit sur ses échecs. Un philosophe quoi."
Olivier Andrieu et Elric devraient publier un album d'Iznogoud par an. De quoi faire espérer longtemps encore le petit Vizir aux grandes visées.
Le héros tragique, l'éternel looser renversera t-il un jour le calife en même temps que sa destinée? "Oui, ça me trotte dans la tête depuis un moment, qu'il devienne Calife. Oui un jour il le sera, il faut je trouve le bon angle. Mais bon ça finira mal pour lui, je peux vous le dire." On ne peut pas tout avoir non plus.