"Les meilleures vacances de ma vie", ces femmes d'un quartier prioritaire sont revenues de leur voyage autofinancé en Malaisie

Huit femmes du quartier prioritaire du Neuhof, à Strasbourg, ont décidé de partir ensemble du 8 au 23 juin 2023, en Malaisie et à Singapour. Elles en reviennent avec les étoiles plein les yeux et fières d'avoir économisé pendant quatre ans, en cuisinant pour des prestataires, pour s'offrir ce voyage.

"Je ne suis pas encore descendue de mon nuage", c'est par ses mots qu'Aminata Fakiri, 63 ans, décrit son retour en France. Avec sept autres femmes du quartier du Neuhof à Strasbourg, elle a embarqué à bord d'un avion direction la Malaisie et Singapour. Du 8 au 23 juin, ces mères, grands-mères, et même arrière-grands-mères, ont vécu leur premier grand voyage de leur vie. 

Durant deux semaines, elles ont traversé quatre grandes villes de cette région de l'Asie du Sud-Est. "On avait les pieds gonflés, mais ça valait le détour. Si c'était à refaire, je le referais avec plaisir", sourit Aminata. De Kuala Lumpur, à Malacca, en passant par Kota Bharu et les Îles Perhentian, elles ont toutes vécu une expérience inédite, avec la découverte de paysages, de cultures et de cuisines uniques. "On n'a jamais autant pris l'avion et le bateau de notre vie. Mais on a découvert plein de choses surprenantes", ajoute-t-elle.

Ces femmes âgées de 62 à 82 ans se sont dépassées chaque jour, même lorsqu'il fallait communiquer. "Elles ne parlent pas anglais. Alors, elles ont appris plein de mots là-bas comme 'thank you' (merci), 'sorry' (pardon) ou encore cocktail", rit Jamila Haddoum, animatrice en charge de la jeunesse au Centre socio-culturel du Neuhof.

Des souvenirs indélébiles

Pour celles qui n'avaient jamais été plus loin qu'"au pays", ce voyage était celui d'une vie. "Lorsque je pars en vacances, c'est au Maroc, et ce ne sont pas des vacances... Nous allons voir toute la famille, nous faisons la cuisine, nous nous occupons de tout le monde", explique Aminata.

Toutes ont été ébahies par les paysages de cette région asiatiques. "Nous avons fait de la plongée, je n'avais jamais fait ça de ma vie. Les plages étaient magnifiques, tout était très vert. Je n'arrivais pas à y croire", ajoute-t-elle. Sur ce sable fin, avec leurs gilets de sauvetage, elles ont même réalisé un Tik Tok imitant le générique mythique d'Alerte à Malibu. 

"Les gens là-bas étaient très polis et gentils. C'était si agréable de voir tout le monde vous sourire et vous aider. Certaines d'entre nous sont âgées, et lorsque nous prenions le car, tout le monde laissait sa place", se rappelle l'habitante du Neuhof.

En voyant le sourire des enfants, elles se sont même posé la question de l'adoption

Jamila Haddoum, animatrice en charge de la jeunesse au CSC du Neuhof

L'étape la plus marquante pour ces huit Strasbourgeoises reste la visite d'un orphelinat de Kota Bharu où sont présents des enfants de quatre à six ans. Arrivées sur place, les femmes ont demandé ce dont ils avaient besoin, l'établissement leur a dit que des friandises étaient suffisantes. "Ils ne mangent que deux repas par jour, et ce n'est que du riz. Nous avons donc dévalisé tous les supermarchés alentour, avec des bonbons, des gâteaux, des chocolats, des jus de fruits. Nous avons aussi fait des dons financiers. L'important, c'était de les rendre heureux", indique Jamila Haddoum.

Sur place, ces mamans et grands-mamans n'ont pu retenir leurs larmes. "Tous les enfants voulaient aller sur nos genoux, c'était un moment émouvant pour tout le monde. En voyant le sourire des enfants, elles se sont même posé la question de l'adoption. Lorsque nous sommes partis, c'était déchirant", explique l'animatrice qui a gardé contact avec l'orphelinat pour leur faire don de vêtements depuis la France.

Cuisine et couture pour financer le voyage 

Ce voyage n'aura pas été de tout repos. "Il faut dire qu'elles ont travaillé dur pour pouvoir partir", affirme Jamila Haddoum. Les huit femmes ont trouvé les financements elles-mêmes. "Ce sont elles qui sont venues me demander si on pouvait organiser un voyage ensemble. Je suis habitué à organiser des projets similaires, mais seulement avec des jeunes pour le CSC", raconte-t-elle. 

Grâce à leurs talents de cuisinières et couturières, elles ont pu répondre pendant plusieurs années aux demandes de prestataires. "On a été deux semaines au Zénith, pour assurer le catering (la restauration pour les staffs et équipes techniques, NDLR). On a assuré des prestations pour des centres socioculturels, des associations du quartier", assure l'animatrice. 

Chaque jour, elles commençaient aux aurores et terminaient à 23h. "Elles ont assuré les buffets chaque soir. Elles étaient fatiguées, mais au bout d'un an de labeur, on a commencé à y croire", ajoute-t-elle. En quatre ans, les huit femmes ont réussi à réunir 35.000 euros, mais pas que. Elles ont surtout appris à se connaître et s'ouvrir les unes aux autres. "Dans ce projet, une mère et sa fille ont appris à avoir des moments pour elles. Elles n'étaient jamais seules toutes les deux avant ça. Ça les a rapprochées et elles sont inséparables désormais", se réjouit Jamila Hammoud.

Depuis qu'elle est rentrée, l'animatrice se concentre sur les projets du CSC qui incluent des jeunes et se permet de souffler un peu. Il faut dire que quatre années d'organisation, ça ne laisse personne indemne. Les huit femmes sont aujourd'hui épanouies et investies dans plusieurs projets et participent à la vie de quartier. Un jour peut-être, elles aideront d'autres mamans du Neuhof à monter un projet similaire.