Le nouveau Premier ministre a fait ses classes à l'Ecole alsacienne, un établissement privé fondé par des anciens du gymnase Jean Sturm de Strasbourg, et dont la philosophie, fondée sur l'individu, est inspirée du protestantisme.
Gabriel Attal a fréquenté une école pas comme les autres. Sa scolarité dans l'enseignement privé avait déjà fait débat à l'époque de son entrée au gouvernement. Le 9 janvier, il devenait le plus jeune Premier ministre de la Vᵉ République. L'occasion de nous intéresser à son parcours scolaire sans faute, et à l'établissement un peu spécial qu'il a fréquenté : l'Ecole alsacienne.
Malgré son nom, cet établissement est bien situé à Paris, dans le très chic 6ᵉ arrondissement de la capitale. Rue Notre-dame des Champs, à côté du jardin du Luxembourg et pas très loin du Panthéon, la prestigieuse "Alsacienne" se situe dans un des quartiers les plus chers de Paris.
Elle accueille principalement des élèves de la rive gauche de la Seine. Ils sont environ 1 800 de la maternelle au lycée. Les bancs de cet établissement ont vu s'asseoir nombre de personnalités publiques : Agnès Buzyn, André Gide, Joyce Jonathan, Léa Salamé ou encore Élisabeth Badinter... Et donc Gabriel Attal.
Fondée par des anciens du gymnase Jean Sturm
Mais le nouveau Premier ministre a-t-il reçu une éducation "alsacienne" ? La réalité est un peu plus compliquée et nécessite un petit rappel historique. L'école a été fondée en 1874. Quelques années plus tôt, en 1871, l’Alsace et la Moselle sont annexées par l’Allemagne. Ceux qui veulent rester Français peuvent partir.
C’est le cas de familles d’enseignants qui se réfugient à Paris. Parmi eux, des anciens du gymnase Jean Sturm, l’école protestante et humaniste créée au 16ᵉ siècle à Strasbourg. Ils créent une école sur le même modèle, inspirée des principes du protestantisme, mais laïque.
Très vite, elle deviendra une référence, introduisant par exemple la mixité dès 1908. Ses créateurs développent une pédagogie qui, aujourd'hui encore, attire les élites parisiennes. Évidemment, l'Ecole alsacienne n'est pas le seul établissement d'excellence à Paris, mais elle reste unique.
Une bulle de confiance en soi
Réputée plus ouverte, plus bobo, les cours de dessins ou de théâtre sont présents au même titre que les mathématiques ou le français. Le journaliste Lucas Bretonnier - auteur d'un livre intitulé L’Ecole du gotha. Enquête sur l’Alsacienne (Seuil) - parle d'une "conception progressiste, inspirée du protestantisme originel de l’établissement".
Dans un entretien accordé au Monde, il explique que "l’école ne propose pas à ses élèves de se conformer à un modèle de réussite scolaire et de mérite. Elle veut mettre en valeur ce que chacun a d’unique et de singulier".
C'est dans cet esprit, selon Lucas Bretonnier, que les élèves sont encouragés à développer leurs talents, leur confiance en eux, et leurs réseaux. "De toute façon, les compétences intellectuelles et scolaires sont déjà acquises chez eux, donc l’école peut se concentrer sur le reste. Ils apprennent ainsi à pitcher des idées, des projets, et même à se pitcher eux-mêmes, donc à se vendre et à avoir confiance en eux", explique-t-il au Monde.
"La forteresse de l’entre-soi"
Une confiance en soi qui a un prix : les frais de scolarité s'élèvent à plus de 3 500 euros par an, sans compter les voyages scolaires. Et il n'y a pas la place pour tout le monde : ses élèves sont triés sur le volet (environ 200 admissions pour 1400 candidatures).
Le prix à payer pour l’excellence - le taux de réussite au bac est de 100% - et pour pouvoir suivre des cours d’éloquence, de chinois, de musique de chambre ou même d’impression 3D. Avant-gardiste à ses débuts, l'école alsacienne est devenue "la forteresse de l’entre-soi d’une élite éclairée", conclut Lucas Bretonnier.
Clins d'œil à l'Alsace
L'histoire de la fondation de cette école est liée à l'Alsace, et surtout au protestantisme de ses fondateurs. Dans le bâtiment de l'école, on peut également apercevoir un blason alsacien, et la cour avec ses colombages rappelle celle du gymnase Jean-Sturm.
Enfin, peut-être pour garder un lien avec la région qui vu grandir ses pères, l'école emmène tous les 6ᵉ en voyage scolaire pendant cinq jours en Alsace. Ces virées font d'ailleurs partie de cette pédagogie qui engage les élèves à se développer en tant qu'individus.