Ne dites pas salle de shoot, car ces mots suscitent rejets, peurs et polémiques. Tout est dans la formule : salle de consommation à moindre risque semble créer moins de débat. "À moindre risque" est un documentaire de Cécile Favier à voir sur France 3 Grand Est.
C'est un lieu d'accueil, à Strasbourg. La salle Argos est ouverte tous les après-midi pour accueillir et entourer les personnes toxicomanes dans leurs pratiques. Un lieu tenu par des soignants et des éducateurs, destiné à limiter les risques de transmission de maladies et permettant une surveillance médicale des personnes qui se droguent. En suivant le quotidien des personnels de l'association Ithaque, en prenant le temps d'écouter les personnes qui s'y rendent, la réalisatrice Cécile Favier nous donne à voir un aspect très humain de cette expérimentation.
Voici trois bonnes raisons de voir "À moindre risque" sur France 3 Grand Est, en replay ici.
1. Pour s'éloigner des clichés
C'est un peu un monde parallèle, le monde de la drogue. Un monde qui ne se voit pas, ou qu'on ne veut pas voir. Pourtant, selon une source gouvernementale, "la consommation problématique de drogues autres que le cannabis concernerait 350.000 usagers " en France. Afin d'imaginer des solutions pour aider les personnes entrées en addiction aux drogues, une expérimentation a été lancée il y a cinq ans. Elle a permis l'ouverture de deux salles de consommation à moindre risque en France, sous la houlette de l'Inserm : l'une à Paris, l'autre à Strasbourg.
Loin, bien loin des fantasmes que ces annonces ont suscités, le documentaire de Cécile Favier montre un quotidien feutré, où les toxicomanes et les accueillants échangent tout naturellement. Sa caméra a su se faire oublier lors des entretiens et des moments de prises de drogue.
2. Parce que l'équilibre réside dans les règles
"Je m'attendais à quelque chose de très protocolaire, alors que c'est beaucoup plus de l'ordre du feeling, du sensible, de l'humain" explique Anouck, une infirmière qui vient d'arriver dans la structure. Un juste équilibre entre surveillance sans intrusion et écoute sans prise de position. Et des règles limitées et acceptées par tous les accueillis sous peine d'exclusion : aucun deal, échange ou partage sur place, chacun vient avec sa dose à consommer, et pas de violence.
Du côté des soignants, un cahier des charges à respecter : avec le droit de superviser une injection, mais aucun contact avec la seringue ou le produit. Le tout accompagné d'une grande dose de respect entre les uns et les autres.
Quelques hommes en proie à l'addiction choisissent de témoigner à visage découvert, d'autres préfèrent garder l'anonymat, mais ils ont accepté la présence des caméras tout au long d'une année.
3. Pour accompagner encore plus les malades d'addictions
La porte de la structure Argos est ouverte tous les jours, de 13 à 19 heures. Mais la vie des gens ne s'écoule pas que dans ces créneaux. Il y a le soir de Noël, par exemple, où la porte doit se refermer comme tous les jours à 19 heures. Avec la difficulté pour les soignants, qui vont rentrer chez eux partager le réveillon en famille, de refermer la porte, laissant les "toxicos" à la nuit, à la rue et à leurs solitudes. Hélène l'exprime avec poésie. "Noël, tu ne sais pas si les gens sont tristes ou joyeux, tristement joyeux ou joyeusement tristes ; le pire, c'est la fermeture : bonne soirée, bonnes fêtes…" Et il y a aussi tous ces moments où les personnes ont besoin de se droguer en dehors des heures d'ouverture d'Argos. Et il y a encore toutes ces personnes sous l'emprise d'autres addictions, comme l'alcool.
Et puis il y a eu la crise de la covid, qui a obligé les soignants à revoir leurs habitudes. Alors pour créer encore plus de lien, l'idée de créer une structure d'hébergement a germé.