Pollution à Strasbourg : des millions de particules toxiques découvertes dans les urines d'enfants

Une étude menée par une équipe de chercheurs belges et publiée le 5 octobre dévoile la présence de plus d'un million de particules fines, essentiellement issues des émissions de véhicules diesel, dans les urines d'une vingtaine d'enfants strasbourgeois.

Pour la première fois en France, le taux de particules fines (ou nanoparticules) présent dans les urines d'enfants a été calculé. Dans une étude (en anglais) publiée le 5 octobre 2020, Tim Nawrot, professeur à l'Université de Hasselt en Belgique, et son équipe montrent que plus d'un million de particules toxiques par millilitre d'urine se trouve dans les urines d'enfants strasbourgeois. 

L'étude a été menée au mois de février 2020 sur ving-sept enfants de différents quartiers (Gare, Neudorf, Cronenbourg mais aussi à Schiltigheim) avec une moyenne d'âge de sept ans. Principale cause de ce taux très élevé : les émissions rejetées par les véhicules diesel (appelées PM 0,1, soit des particules ayant un diamètre inférieur ou égal à un dixième de micron).

Une inégalité d'exposition

Ces millions de particules sont en réalité des particules de combustion, que l'on retrouve aussi bien dans le diesel que dans le bois ou le charbon. "Dans les particules de combustion, on a ce carbone pur, le 'black carbon', qui est recouvert de substances toxiques, et c'est ça le plus dangereux", explique le docteur Thomas Bourdrel, fondateur du collectif Strasbourg Respire qui est revenu sur l'étude sur son site web. L'étude montre un lien significatif entre le taux de particules dans les urines et la distance d'habitation de l'enfant par rapport à un grand axe routier, comme l'A35 à Strasbourg par exemple. "C’est dingue qu’au sein d’une même ville tout le monde ne respire pas le même air", s'alarme le docteur.

"Chez les enfants, les organes sont en plein développement"

Pour obtenir ces résultats, les enfants ont été sélectionnés parmi plusieurs critères : "Ils n'étaient pas exposés à d'autres sources de particules, comme la cheminée ou la cigarette." Mais les conséquences sur l'organisme n'en sont pas moins importantes. Les particules fines sont en effet des passe-partout dans les corps, et "font partie des particules les plus dangereuses." Et c'est encore plus vrai chez les enfants, pour qui "les organes sont en plein développement. Les particules fines passent dans le sang et ne sont pas bloquées par les poumons, ce qui favorise l'émergence de maladies cardiovasculaires ou neurodégénératives." Les pathologies, s'il y en a, seront quant à elles visibles dans les dix à quinze années suivants l'exposition aux particules. Mais pour les enfants, Thomas Bourdrel ne se veut pas fataliste : "Il y a de l'espoir, c'est réversible. On peut faire machine arrière en agissant."

 

Ils n'étaient pas exposés à d'autres sources de particules, comme la cheminée ou la cigarette.

Thomas Bourdrel, collectif Strasbourg Respire

Des solutions existent 

Alors que la municipalité de Strasbourg a repoussé sine die la date d'entrée en vigueur de la zone à faibles émissions (ZFE), le collectif Strasbourg Respire estime qu'elle est indispensable pour limiter les nanoparticules. "C'est un dispositif qu'il faut absolument mettre en place, et notamment dans les quartiers avec beaucoup de trafic routier." La ZFE devait voir le jour à Strasbourg et dans l'Eurométropole le 1er janvier 2021 avec l'interdiction de circuler pour les véhicules sans vignette Crit'Air. Le calendrier initial s'étendait jusqu'en 2025 avec l'interdiction progressive d'autres véhicules (des Crit'Air 5 aux Crit'Air 2). Autres solutions, réduire les émissions liées au chauffage collectif et individuel au bois ou encore renforcer le contrôle et les sanctions sur les émissions industrielles, comme le préconisait plusieurs collectifs strasbourgeois dans une tribune

À noter que le taux mesuré à Strasbourg est trois fois moins important que celui mesuré à Rybnik, en Pologne, qui a fait l'objet d'une étude similaire dans un pays où l'industrie du charbon demeure privilégiée. Si à Strasbourg le panel a été limité à 27 enfants, la méthode de calcul a déjà été validée en 2017 où l'étude portait sur 300 enfants dans trois villes belge.
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