Lucky Luke dégaine de nouveau plus vite que son ombre. La bande dessinée fait son retour, sous les traits de crayon de Blutch. Le dessinateur alsacien de 55 ans, ou Christian Hincker de son vrai nom, livre son interprétation de l'œuvre de Goscinny et de Morris.
Connaissez-vous Blutch ? Si ce nom, ou celui de Christian Hincker, ne vous dit rien, sachez qu'il s'agit de l'auteur du dernier album de Lucky Luke. Le nom de ce nouvel opus : "Les Indomptés". Une œuvre du dessinateur alsacien librement inspirée du dessinateur Morris et du scénariste Goscinny.
Pour ce nouvel album, l'artiste alsacien souhaite leur "rendre hommage". Il confie aussi avoir été inspiré par "ses trois enfants, âgés de 23, 13 et 9 ans et demi". Le dessinateur né en décembre 1967 assure vouloir "coller au plus près de l'esprit de la série classique" de Lucky Luke.
Christian Hincker se passionne pour "le cow-boy qui tire plus vite que son ombre", depuis son plus jeune âge. Portrait de celui qui veut "retrouver le charme de cette lecture, au milieu des années 70".
Deux héros de bande dessinée en tant que guide
Quand on demande ce qui a fait tourner Blutch durant son enfance, la réponse est sans appel : "J'ai eu deux chocs de lecture : Tintin et Lucky Luke." Ce dernier a particulièrement marqué le dessinateur, qui a fait ses classes aux "Arts déco" de Strasbourg, entre 1985 et 1989. "Il m'a séduit tout gamin, et c'est le cas aujourd'hui encore. Au départ, son aspect, son charisme, les couleurs primaires, donc le rouge, le jaune et le bleu, m'ont attiré. Il y a quelque chose que je pourrais qualifier de sensuel", d'après l'artiste.
Fort de son seul diplôme des "Arts déco", il se laisse encore guider par le célèbre cow-boy au chapeau et par le reporter accompagné de son chien Milou. "J'interroge toujours les deux œuvres de Hergé et de Morris, aujourd'hui. Je les relis constamment. Chaque année, je relis par exemple une vingtaine d'albums de Lucky Luke", se souvient-il. D'où ce rêve, de pouvoir un jour faire une relecture de l'une de ses madeleines de Proust. Ce que le passionné du 9ᵉ art a pu accomplir à présent. "J'ai voulu faire une réinterprétation de Lucky Luke, qui tend à coller au plus près de l'esprit de la série classique", se justifie Christian Hincker.
Pour préparer sa nouvelle œuvre, il a pris le temps de décortiquer minutieusement le travail de ses idoles : "Je souhaite retrouver la cadence, le rythme de Goscinny et de Morris. L'art de Goscinny, c'est l'ellipse et la concision. Éviter le contemplatif et le complaisant, se concentrer sur l'action. Faire filer un récit haletant et ne pas lâcher le lecteur." Côté dessin, Blutch a dû s'adapter. "Morris synthétise beaucoup, de manière à mettre le dessin au service du récit. Il essaie d'en dire beaucoup avec peu d'espace, puisqu'il y a 44 pages, ce qui est un petit format", détaille-t-il.
Humilité et passion
Lorsqu'on lui demande comment Blutch caractérise son style, il botte en revanche en touche. Soucieux d'une certaine humilité, avec ses mots : "Le charme du dessin, c'est qu'il contient une partie d'informulé. Tout n'est pas définissable par des mots : les mots enferment. Il y a quand même une part d'instinct, que je dirais enfantin, qu'il faut préserver. Je serais donc bien en peine de me définir." Tout juste précise-t-il ce qu'il ne veut pas : "Contrairement à ce qui se fait en BD, je n'ai jamais eu de personnages titres, de série avec héros qu'on anime pendant plusieurs épisodes."
Au-delà de cette passion pour Lucky Luke, il faut remonter aux années 1970 pour comprendre qui est Blutch. "Cela fait déjà 50 ans que je dessine, dont 35 ans en tant que professionnel. La première BD que j'ai dessinée remonte à 1987. Elle a été publiée, un an plus tard, dans le magazine Fluide Glacial pendant mes études à Starsbourg", relate Christian Hincker.
Avant d'être exclusivement dans la bande dessinée, il confie avoir "papillonné". "Ma carrière est allée dans tous les sens : beaucoup de magazines et beaucoup de maisons d'édition. J'ai exploré des genres et des styles différents. Autant, je fais de la bande dessinée adulte, mais là, c'est peut-être la première BD destinée à tous publics", se souvient-il.
C'est aux lecteurs, désormais, de juger de cette libre adaptation des aventures de Lucky Luke. "Les Indomptés" sont disponibles à la vente, depuis le 1ᵉʳ décembre.