Pourquoi il y a autant de magasins vides sur l'un des axes majeurs du centre-ville de Strasbourg

Traditionnellement considérées comme l'un des poumons commerciaux du centre-ville de Strasbourg (Bas-Rhin), les rues de la Mésange et surtout de la Haute Montée, juste avant la station Homme de Fer, présentent à ce jour pas moins de sept locaux vides. Parmi les principales causes, le départ du Printemps en 2020.

"Tous les jours ou presque j'ai des clients qui me disent : mais qu'est-ce qui se passe à Strasbourg en ce moment ?" Cette vendeuse d'un magasin de prêt-à-porter situé rue de la Haute Montée en rit jaune. Les volets métalliques fermés et les vitrines sombres et fermées se succèdent autour de sa boutique, et l'affluence s'en ressent. "On a encore eu une fermeture il y a quelques semaines, ça commence à faire beaucoup. On est dans une des plus grandes villes de France, sur des artères commerçantes, et il y a plein de cellules vides. C'est vrai que c'est la crise du prêt-à-porter mais là ça n'aide pas du tout !

Il s'agit en effet de l'un des principaux axes de Strasbourg : entre les stations de tram Broglie et Homme de Fer, la rue de la Mésange et son prolongement, la rue de la Haute Montée. Nous avons compté sept locaux vides. Selon nos informations, la dernière fermeture en date est survenue début février 2024. Il s'agit de la chaîne de prêt-à-porter suisse Tally Weijl.

Celle-ci (qui n'a pas répondu à nos sollicitations) a fermé l'ensemble de ses points de vente en France après une décision de liquidation judiciaire en novembre 2023, selon la presse spécialisée. La boutique de cosmétiques Aroma, les magasins de mode Other Stories ou Vans sont d'autres exemples de fermetures récentes sur ces axes. "Strasbourg est aujourd'hui autour de 7 à 8% de vacance commerciale alors qu'historiquement ça gravitait autour de 5%, reconnaît Joël Steffen, adjoint au maire en charge du commerce à la Ville de Strasbourg. Mais on constate que le problème concerne surtout certaines rues, en premier lieu celle de la Haute Montée". 

La fermeture du Printemps, séisme à l'échelle de la rue et du quartier

Fin 2021. Un des mastodontes du commerce local ferme ses portes, laissant des centaines de salariés sur le carreau et une clientèle - qui se faisait de plus en plus rare ces dernières années - hagarde. Le Printemps n'est plus, et il faudra vite trouver une enseigne capable de revitaliser le secteur, prévient-on chez les commerçants.

Plus de trois ans plus tard, les vitrines de feu Le Printemps restent couvertes de graffitis et les immenses espaces à l'intérieur vierges de tout produit. "C'est évidemment la première raison des difficultés qu'on rencontre actuellement à trouver des repreneurs dans la rue, constate Laurent Maennel, manager de centre-ville à la Ville et à l'Eurométropole. Il y avait une cohérence de clientèle avec les magasins à proximité : les clients du Printemps poursuivaient leur shopping dans d'autres enseignes aux gammes de produits similaires."

Les mois défilent depuis ce mini-séisme et les locaux ne sont toujours pas repris. "Le groupe Le Printemps est à notre connaissance toujours locataire, informe Joël Steffen, adjoint au maire. Nous avons essayés d'entrer en contact avec le propriétaire des locaux, sans succès. On aurait pu, par exemple, faire en sorte qu'il y ait des boutiques éphémères afin de faire revivre même temporairement les lieux, et attirer d'éventuels investisseurs. Mais ce n'est pas possible sans discussion avec le propriétaire."

Le droit de préemption voté par le conseil municipal en septembre 2023 ne s'applique pas tant que le local n'est pas en vente. Il n'y a donc aucune possibilité de faire pression pour les élus municipaux. "Les grands magasins comme Le Printemps sont de véritables locomotives pour les plus petits commerçants, confirme Gwenn Bauer, président des Vitrines de Strasbourg. Les Galeries Lafayette, par exemple, permettent de dynamiser tout le secteur de la rue du 22 novembre." Mais le patron des commerçants de Strasbourg estime aussi que l'absence du Printemps n'est pas la seule cause des cellules vides de la rue de la Haute Montée. 

Une rue pas si accessible et des loyers trop importants

Selon Gwenn Bauer, d'autres facteurs entrent en jeu. "Avec le tram, le trottoir n'est pas si large pour un passage des cyclistes et des piétons. En plus, la place de l'Homme de fer n'est pas la mieux fréquentée de la ville. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à la Ville des efforts sur l'axe entre les halles et la place Kléber, pour rendre le secteur plus attrayant."

Les commerçants, souvent locataires, doivent qui plus est faire avec les loyers parmi les plus élevés de la ville. "C'est effectivement très cher entre la place Kléber et la rue de la Mésange et de la Haute-Montée, confie Joël Steffen. Il faudrait que les propriétaires acceptent de baisser un peu leurs loyers pour redynamiser le commerce. C'est dans l'intérêt de tout le monde parce que ça leur permettrait de trouver des locataires...mais là encore, s'il n'y a pas de volonté de ce côté, nous ne pouvons pas y faire grand chose."

En attendant un hypothétique revirement des propriétaires ou un éventuel investisseur, commerçants et élus municipaux n'ont qu'une possibilité : faire en sorte d'animer la rue le plus possible. "L'idéal serait que les commerçants de la rue s'allient et créent une association des commerçants, comme dans la rue du Vieux marché aux vins, lance Joël Steffen. Nous aurons alors un interlocuteur direct, et on pourrait alors subventionner des animations, chose qu'on ne peut pas faire pour des commerçants individuels.

Selon nos interlocuteurs, c'est justement ce que sont en train d'envisager une partie des commerçants du secteur. A force d'attendre indéfiniment que le Printemps ne renaisse de ses cendres...

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