Strasbourg : avec la liquidation du Printemps, ruée des clients et détresse des salariés avant la fermeture définitive

Pendant que les salariés du Printemps de Strasbourg vivent leurs derniers mois au sein de l'établissement, les clients s'amassent devant les vitrines ce mercredi 1er septembre pour profiter de la liquidation des stocks qui commence. Le magasin fermera ses portes le 30 décembre.

Rien de choquant à voir une foule assez dense s'esquiver sur la place de l'Homme-de-Fer à Strasbourg, tentant de rejoindre les quais de tram et les rues avoisinantes. Il est en revanche moins anecdotique de constater la file ininterrompue qui longe les vitrines du Printemps ce mercredi, à l'angle des rues de la Haute Montée et du Noyer. 

Sur la façade du grand magasin, s'affiche en grand une annonce prophétisée depuis novembre 2020 : "Liquidation exceptionnelle, du 1er septembre au 30 octobre", sur un fond rose chatoyant qui masque tant qu'il le peut la colère sociale des salariés de l'enseigne. Car le 30 décembre, le Printemps Strasbourg fermera ses portes définitivement, le plan de sauvegarde de l'emploi (et de licenciements) ayant été signé en avril dernier par les parties. 

Une décision venue de la direction nationale, qui va aussi fermer ses vitrines de la Place d'Italie à Paris, du Havre et de Metz, pour cause de situation économique compliquée. Le groupe met en avant le contexte sanitaire et la crise des gilets jaunes pour justifier sa fragilité. 

"Les directions successives nous ont dit qu'on ne comprenait rien"

Ces bonnes excuses, Yolande Fischbach les rejette en bloc. Secrétaire CGT du Comité social et économique du Printemps depuis 30 ans, elle affirme avoir vu arriver l'iceberg qui a coulé le paquebot :

On leur a dit qu'ils faisaient une erreur en 2012 quand ils ont vendu les murs, et en 2013 quand ils ont pris la direction "mode, luxe et beauté". La communication était très mal faite, et on a fait du luxe sans en parler. On nous a dit qu'il valait mieux vendre un sac à 3.000 plutôt que 10 sacs à 300 euros. Sauf que du coup on n'avait plus de clients, ce qui n'attirait personne non plus.

Yolande Fischbach, déléguée CGT Printemps Strasbourg

Alors forcément, "la colère est immense" pour cette employée du rayon parfumerie et pour ses collègues, que les responsables auraient envoyé bouler lorsqu'elles faisaient part de leurs doutes. "Les directions successives ont dit qu'on comprenait rien", affirme-t-elle.

Retraite inaccessible

Aujourd'hui, l'avenir reste incertain pour de nombreux employés du magasin (ils sont plus de 150), dont beaucoup sont âgés de plus de 55 ans. Les syndicats se targuent d'avoir pu arracher le doublement de la prime de départ proposée par le groupe. Pas suffisant pour réparer la blessure, économique et sentimentale, que représente ce licenciement.

Economique d'abord car, à l'aube de la retraite pour de nombreux employés, retrouver du travail sera difficile. A 62 printemps dont 47 au Printemps, Yolande Fischbach (esthéticienne de formation) envisage de faire de la vente à domicile de produits de beauté.

Sentimentale ensuite, parce que 47 ans dans une même enseigne, ça ne s'oublie pas d'un claquement de doigts (ou d'un licenciement). "Quand je suis arrivée lundi matin devant le magasin et que j'ai vu marquer en grand "Liquidation", c'était quelque chose... Les larmes me sont venues", raconte la déléguée syndicale.

"Je n'ai jamais vu autant de monde"

Ces grandes affiches ont en tout cas eu l'effet escompté, et les Strasbourgeois sont venus nombreux pour profiter de l'occasion. Longue de 100 ou 15 mètres en fonction des vagues d'entrées dans le magasin, la file d'attente était celle des grands jours, et ne s'est jamais tarie. Client régulier, Joly est venu profiter des prix cassés pour "la rentrée dans mon nouvel appartement". "C'est l'occasion de faire des économies, notamment sur le linge de maison. Je suis étudiant donc je ne peux pas trop me permettre de faire des folies", confie-t-il, affirmant avoir déjà misé par le passé sur la liquidation du Maisons du Monde.

D'autres sont des petits nouveaux, comme Agnès qui n'était "encore jamais venue" mais espère "dénicher des bonnes affaires dans les chaussures". Et elle n'est pas la seule : boîtes ouvertes, paires de bottes séparées, empilement anarchique... Le rayon s'est rapidement transformé en scène de guerre. "Je n'ai jamais vu autant de monde depuis que je travaille ici, même les week-ends, souffle une vendeuse. Ça nous fait beaucoup beaucoup beaucoup plus de travail."

Les cosmétiques rescapés

Et forcément, autant de monde attire la curiosité des passants, très nombreux sur la place de l'Homme-de-Fer, dont certains finissent à leur tour par grossir les rangs des acheteurs. "Je suis passée par là et je me suis demandée pourquoi il y avait la queue", raconte Marie. Mais elle "ne cherche rien de spécial". "J'avais du temps à tuer, alors si jamais... Je ne pars pas sur un but d'argent à dépenser", ajoute-t-elle, en attendant que l'agent de sécurité fasse entrer une nouvelle salve de visiteurs.

Et si aucun agent n'accepte de donner les chiffres de la fréquentation, le compteur manuel du garde de l'entrée affiche plus de 1.800 aux alentours de 14h. Si bien que les visiteurs s'entassent aussi à la sortie, où un autre agent de sécurité s'échine, seul, à contrôler sacs et tickets. 

De ces rayons, seul l'étage cosmétiques devrait échapper à la disparition pure et simple. Selon une employée, la direction chercherait un local dans un rayon de 500 mètres autour du magasin pour y déménager parfums et produits de beauté. Contacté, le directeur du Printemps Strasbourg se contente de répondre : "Pas de commentaire".

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