Huit jours après le début de l'occupation du collège Lezay Marnesia à Strasbourg par une partie des enseignants, la Collectivité européenne d'Alsace a réagi par communiqué ce samedi 16 novembre. Elle rejette l'idée d'héberger les familles sans-abri dans les logements de fonction vide du collège, déjà destinés à un autre public dans le besoin.
"On s'attendait à tout, sauf à une telle indifférence". Ce sont les mots répétés ces derniers jours de Céline Balasse, enseignante d'histoire-géographie et porte-parole des enseignants "squatteurs" du collège Lezay Marnesia à Strasbourg. Cette opération d'occupation de leur propre établissement, puis d'hébergement des familles sans abri tous les soirs dans les murs du collège, dure depuis le vendredi 8 novembre sans que la collectivité responsable ne réagisse officiellement.
Ce samedi 16 novembre, il n'est plus possible de parler d'indifférence : la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), propriétaire des murs, interpellée par les enseignants depuis le début de la mobilisation, a choisi de réagir par communiqué. Il n'est en revanche pas certain que la réaction soit mieux accueillie que le silence qui l'a précédée. Tout en assurant "comprendre la détresse de ces familles vivant actuellement à la rue", la CEA ne cède rien sur son argumentaire initial : les logements de fonction vides visés par les professeurs sont destinés "à des enfants qui relèvent de la protection de l'enfance dans le contexte d'un besoin d'accueil très fort". La collectivité évoque également une nécessaire mise en conformité électrique avant de pouvoir accueillir des locataires. "Nous travaillons depuis plusieurs mois sur ces projets d'accueil qui vont se mettre en place début décembre", précise le communiqué plus loin.
Après une mise au point sur la situation préoccupante des mineurs non accompagnés sur le territoire (926 ont été pris en charge, soit 200 de plus qu'en 2023), la CEA affirme avoir "besoin de ces logements pour ces enfants". Plus loin, elle ajoute de manière contradictoire que les logements seront "prioritairement destinés à des jeunes majeurs poursuivants leurs études ou leur formation".
Les enseignants "sidérés"
De leur côté, les enseignants se disent "sidérés" par la réponse de la CEA. "On a l'impression d'être face à un mur : leur argumentaire n'a pas du tout changé depuis notre dernière réunion, déplore Céline Balasse. On a l'impression qu'ils veulent juste se débarrasser des enseignants qui s'agitent et qui les embêtent." Alors que la CEA affirme travailler sur le projet de mise à l'abri des jeunes majeurs depuis "plusieurs mois", les enseignants se montrent circonspects. "On nous a dit début juillet qu'il ne fallait que la validation de l'Éducation nationale pour que les logements puissent accueillir les familles d'élèves qui dorment dehors, retrace Céline Balasse. On nous a dit ensuite début octobre que ce qui posait problème, c'était la situation administrative des familles. Et c'est seulement lors de la réunion du 16 octobre qu'on nous a parlé de ces jeunes majeurs...Nous avons l'impression que ce projet a été uniquement mis en place pour contrer notre demande, par la mise en concurrence des situations de détresse."
Interrogée sur la motivation des enseignants à poursuivre le mouvement malgré l'absence de résultats notoires, elle n'hésite pas : "Bien sûr qu'on continue. L'alternative, c'est quoi ? De leur dire de partir et d'attendre la "solution" de l'État ? Il faisait 2 degrés ce matin, au réveil. C'est inimaginable de faire ça." Au total, treize familles ayant au moins un enfant inscrit sur le réseau Lezay Marnésia dorment à la rue depuis le début de l'année scolaire. Les enseignants ont fait le choix d'ouvrir les portes de l'établissement à quatre d'entre elles tous les soirs depuis ce mardi 12 novembre, en guise de solution temporaire.