"On ne va pas rester les bras croisés" : une journée "collège mort" pour les élèves sans-abri, en soutien des enseignants squatteurs

La mobilisation ne faiblit pas autour des familles à la rue du collège Lezay Marnésia à Strasbourg. Alors que les professeurs poursuivent leur occupation des lieux, certains parents ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants au collège ce vendredi 15 novembre.

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"Bonjour Sabina, quand viendront-ils nous abriter car nous avons très froid et il pleut, la pluie est entrée, s'il te plaît dis-moi quand ils viendront nous abriter". Les enfants ont leurs propres mots, et ils sont parfois d'une telle force qu'ils ne permettent aucune contestation, aucun avis divergent. Personne, d'ailleurs, n'ose se dire contre l'hébergement des enfants de Lezay Marnésia dans les logements de fonction vides du collège. Pourtant, ce vendredi 15 novembre, les enseignants entameront leur septième jour de mobilisation sans qu'une solution ne soit trouvée.

Ce texte est affiché sur le grillage de l'établissement depuis mardi 12 novembre. Il s'agit d'un texto envoyé par une élève de 5ᵉ à une bénévole d'association la veille. Il a définitivement fait basculer la mobilisation des enseignants, qui occupent leur collège depuis le vendredi 8 novembre, dans une autre dimension : dès le lendemain, ils décident d'entrer dans la désobéissance civile et d'héberger une vingtaine de personnes dans les murs du collège. "C'est ce message qui nous a décidés, on s'est dit que ce n'était pas possible de continuer comme ça", confie Céline Balasse, professeure d'histoire-géographie. 

Ce sont ces mots d'enfant, aussi, qui ont provoqué une prise de conscience chez certains enfants et parents du collège. Ils ont décidé dans la foulée de ne "pas rester les bras croisés" face à cette situation, et de soutenir, à leur façon, les professeurs squatteurs. Une journée "collège mort" est organisée ce vendredi : tous les parents volontaires n'enverront pas leurs enfants en cours. "Au début, on était dix, explique Ilknur Usdi Aydin, mère de deux enfants en 3ᵉ et en 5ᵉ. Mais plus on en parle aux autres, plus on a de volontaires. On sent un énorme soutien qui s'organise."

Prise de conscience et questionnements chez les enfants

Même si toutes et tous ne viendront pas au rassemblement prévu à 8 heures devant l'école ce vendredi, chacun apporte sa pierre, par exemple en contribuant à une collecte de dons organisée depuis quelques jours pour les associations d'aides aux réfugiés, ou en se rendant sur le marché de la Meinau pour rencontrer d'autres parents qui ne seraient pas au courant de la mobilisation.

Surtout, les parents ont senti un frémissement chez leurs enfants. "Le camp de Krimmeri (celui où vivent la plupart des familles à la rue dont il est question) se trouve à proximité du quartier, nos enfants le voient, explique Ilknur. Ils comprennent qu'il y a des gens qui ne sont abrités que par des morceaux de tissus, et ils sentent le froid qui se renforce jour après jour." Yusuf, son fils de 14 ans, a déjà dit à sa mère qu'il l'accompagnerait au rassemblement de ce vendredi. "Ça m'a rendu triste d'apprendre que des enfants de mon âge vivent dehors comme ça. C'est important ce que les professeurs font en ce moment, je trouve.

Ils posent des questions et ça nous donne l'occasion de leur expliquer qu'on a de la chance d'avoir un toit, que certains de leurs camarades dorment dans une tente dans le froid

Anabelle Ernwein, parent d'élève

La plupart d'entre eux ne se doutaient d'ailleurs pas que certains de leurs propres camarades de classe se trouvaient dans cette situation. "Nous restons très discrets sur l'identité des élèves en difficulté sociale, pour qu'ils ne soient pas stigmatisés, explique Céline Labasse. Mais depuis le début du mouvement, on remarque que les autres élèves s'intéressent et s'interrogent, ils se passent des liens vers les articles entre eux.

Annabelle Ernwein a deux filles au collège et un fils en maternelle, toujours à Lezay Marnésia, où quinze élèves vivent à la rue également. "Ils posent des questions et ça nous donne l'occasion de leur expliquer qu'on a de la chance d'avoir un toit, que certains de leurs camarades dorment dans une tente dans le froid." Une fois les questions posées et les réponses des parents assimilées, les enfants se sont précipités dans leur chambre. Direction la boîte à jouets. "Je leur ai bien expliqué que ce n'était pas ce dont ils avaient besoin à l'heure actuelle", sourit Anabelle. Mais qu'importe : les enfants ont leurs propres mots... 

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