Après quatre jours et quatre nuits de mobilisation pour soutenir leurs élèves sans domicile, les personnels du collège Lezay Marnésia se sont mis en grève à Strasbourg. Leur objectif est de loger cinq familles dans des appartements de fonction de l'établissement inoccupés. Un échange avec un élu de la Collectivité européenne d'Alsace a eu lieu ce mardi 12 novembre pour essayer de débloquer la situation.
Ils se sont d'abord relayés toutes les huit heures depuis la fin de semaine dernière pour occuper les locaux de leur école. 80% des enseignants et des personnels de la vie scolaire du collège strasbourgeois Lezay Marnésia sont en grève ce mardi 12 novembre pour tenter de venir en aide à cinq familles dont huit enfants scolarisés, actuellement sans domicile.
Céline Balasse, professeure d'histoire-géographie, est satisfaite de constater "un chiffre énorme pour une mobilisation ultra-localisée", et se dit que "d'autres établissements vont nous entendre et peut-être se joindre à nous, Lezay Marnésia n'est pas le seul collège concerné", ajoute l'enseignante.
Une quarantaine de grévistes devant les grilles du collège
Ce mardi matin, alors que les cours devaient reprendre après les vacances de la Toussaint, une quarantaine de salariés de l'établissement ont pris place devant les grilles du collège. Munis de pancartes, ils continuent de réclamer la réquisition de deux logements de fonction inoccupés, situés dans l'établissement. Mais cela n'est pas si simple.
Contraintes Vigipirate
Pour la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), propriétaire des appartements, on ne peut pas occuper ce type de logement sans respecter certaines conditions de sécurité, notamment les contraintes Vigipirate. "L'entrée (doit être) séparée des collégiens et pas d'accès possible à la cour", explique Nicolas Matt, l'élu chargé de la jeunesse à la CEA. Tout en regrettant la présence "insupportable" d'enfants à la rue, ce dernier rappelle aussi que "l'hébergement d'urgence est une compétence de l'Etat".
Des logements déjà réservés
À l'occasion d'un échange à la mi-journée, les enseignants ont bien rappelé à Nicolas Matt qu'ils avaient alerté la CEA dès le mois de juillet 2024 sur la précarité de certaines familles. La CEA, consciente du problème, prévoit cependant de réserver ces logements de fonction à des jeunes migrants non accompagnés dont elle a la charge, au mieux, dès le mois prochain, leur a expliqué l'élu. Une solution d'hébergement que la collectivité prétend préparer depuis fin 2022.
Les familles en difficulté, elles, ont trouvé refuge depuis plusieurs semaines sous des tentes, dans plusieurs quartiers de Strasbourg. Certains des huit enfants scolarisés au collège Lezay Marnésia vivent dans un de ces camps improvisés face au stade de la Meinau. 300 s'y trouvent, réfugiés syriens, afghans, géorgiens ou albanais.
"On a froid toute la journée et la nuit, confie cette dame venue d'Albanie à notre équipe de reportage, c'est dur, ça fait cinq mois qu'on est sous tente, le bébé aussi a froid". "On ne peut rien faire. On attend. Nous n'avons nulle part où aller", explique cet homme aux traits tirés à nos confrères de l'Agence France Presse.
L'occupation de l'école va se poursuivre
À Lezay Marnésia, les enseignants ont décidé ce soir de stopper leur grève afin de ne pas pénaliser les élèves. En revanche, ils poursuivront l'occupation des locaux pour aider les familles de leurs élèves à trouver un toit pour l'hiver. Et annoncent mettre à l'abri plusieurs familles dès ce mardi soir au sein de l'établissement.
Contactée par téléphone, Céline Balasse nous indique que "quatre familles ont été installées dans la salle des professeurs". Parmi elles, on compte 5 adultes et 17 enfants (les frères et sœurs ont été accueillis).
"Une partie des enseignants et du personnel éducatif s’apprête à passer la nuit avec eux. (...) La principale était là, elle nous a signifié que ce que nous faisions était illégal, ce que nous comprenons, car elle est dans son rôle."
La professeure d'histoire-géographie dit ne pas comprendre le manque d'action politique de la Collectivité européenne d'Alsace : "On est un peu scandalisés par la réaction de la CeA et par leur communiqué. Ils sont dans le déni total de ce qu’on leur réclame." Céline Balasse rappelle que cela ne fera que renforcer leur ténacité. "On est face à un mur… il n’y a pas de dialogue. Ils font comme si ces familles n’existaient pas. (...) Nous sommes encore plus déterminés désormais."
Sans réponse concrète de la part de la Collectivité européenne d'Alsace, l'occupation nocturne du collège afin d'héberger les familles continuera, nous assure-t-on.