D’ici 2023, la gare de Strasbourg connaîtra une nouvelle métamorphose. Surfaces commerciales agrandies, terrasses et café sous la verrière et surtout restaurant haut de gamme. Ce dernier trônera au 1er étage dans l'actuel salon des voyageurs. Un salon, un trésor patrimonial du 19e siècle.
Jusqu'à présent seuls les voyageurs privilégiés de la SNCF munis d'un billet du jour y avaient accès. Bientôt, avec les travaux d'aménagement de la gare, ce seront les fins palais et les portefeuilles épais qui auront ce privilège.
Le salon des voyageurs de la gare de Strasbourg deviendra d'ici 2023 un restaurant haut de gamme. Si vous n'êtes ni l'un ni l'autre, nous vous proposons de découvrir ce trésor architectural. Par procuration mais c'est mieux que rien.
Les salons de l'empereur
C'est un trésor patrimonial bien caché. Sous la verrière, au premier étage. L'actuel salon des voyageurs n'est autre que le salon de l'empereur. Ou plus exactement une enfilade de plusieurs petits salons. Loin du tumulte de la foule aux pas pressés : des pièces feutrées, tapissées, marquetées. Magnifiques. De quoi se plonger royalement dans son smartphone et surtout dans l'histoire de la gare toute entière.
C'est ici, quai n°1, que les majestés prussiennes venaient se relaxer après un long voyage en train. De 1888 à 1914, l’empereur Guillaume II et l’impératrice Augusta y ont ainsi posé leur auguste fessier, une bonne vingtaine de fois, au cours de leurs traditionnelles tournées. Strasbourg, alors capitale du Reichsland, est une étape incontournable.
Les plans des salons et leur décor ont été réalisés par l'architecte de la gare, Johann Eduard Jacobsthal, vers 1883. La gare jouit d'un confort exceptionnel pour l'époque. Chauffage central, habilement dissimulé derrière la cheminée du salon, et surtout électricité. La gare est ainsi le premier bâtiment électrifié de Strasbourg.
Tout a été dessiné et conçu à Berlin. C'est d'ailleurs en Allemagne que l'on retrouve les plans d'origine de la gare, comme en atteste la revue Centralblatt der Bauverwaltung du 25 août 1883. La disposition initiale de ces salons y est visible : trois grandes pièces. Côté quai, le salon d’accueil de l'empereur, et côté place, le salon de l’impératrice et celui de l’empereur.
Une pièce destinée aux domestiques côté quai et un cabinet d’aisance étaient accessibles par ces salons en traversant une antichambre. Le salon d’accueil des grands voyageurs occupe l’antichambre et des deux petites pièces de service. Quant au salon de l’empereur, il est aujourd’hui divisé en deux pièces.
Rénovations successives
Longtemps occupée par des bureaux, la suite impériale est rénovée par la SNCF pour mettre en valeur et moderniser ce décor exceptionnel en 2007 : pour l'arrivée du TGV-Est et la construction de la verrière. Depuis, elle accueille encore quelques grands de ce monde (des hommes politiques lors de leurs déplacements en train dans la capitale alsacienne) et surtout beaucoup de grands voyageurs.
Le mobilier est d'origine, "exclusivement conçu pour la famille impériale", raconte Elisabeth Paillard, chargée de l'inventaire patrimonial à la région Grand Est. Seules les tapisseries ont été refaites à l'identique.
Le plafond de staff, les moulures, l'ébénisterie, la cheminée et l'horloge témoignent d'un goût raffiné et d'un savoir-faire ancestral. "Cette horloge murale est exceptionnelle. Ils ont poussé le sens du détail jusqu'à son sommet. On y voit l'emblème des chemins de fer de l'Empire, une roue ailée, que l'on retrouve un peu partout dans la gare."
Plus d'horloge, ni de vitraux pour les grands voyageurs. Ces derniers seront bientôt priés d'attendre dans un espace moins grandiose, dans une zone anciennement dédiée à la vente de billets. "Dans la zone nord, oui ce sera différent mais tout aussi confortable. Juste plus moderne", explique Christelle Delplanque, chargée de communication à la SNCF.
En 2022, le salon de l'Empereur deviendra table gastronomique. "L'appel à candidatures a été lancé pour installer ici un restaurant premium tout en conservant le décor", précise Christelle Delplanque.
Si vous n'êtes pas grand voyageur, grand portefeuille ni même grand gastronome, il vous faudra attendre les Journées du patrimoine pour découvrir cet endroit classé aux monuments historiques. Attendre... ou rester sur votre faim.