Les écologistes fêtent leurs deux ans de mandat à la tête de Strasbourg et s'apprêtent à lancer une série de consultations sur un sujet qui leur est cher : les mobilités et le partage de l'espace public au cœur de la ville. Ils avancent leurs idées, avant de lancer le débat.
C'est l'un des dossiers, voire LE dossier prioritaire que l'exécutif strasbourgeois veut faire avancer d'ici la fin du mandat : comment mieux accéder et circuler dans le centre-ville de Strasbourg ?
Un dossier qui en compte de multiples : comment pacifier les relations entre les cyclistes, toujours plus nombreux, et les piétons, qui restent majoritaires au cœur de la ville ? Comment prendre en compte les automobilistes, que les écologistes veulent voir rester le plus possible hors du centre-ville ? Comment gérer l'épineuse question du stationnement, alors que la priorité est de libérer de l'espace pour le végétaliser ?
Autant de questions que la municipalité veut aborder en globalité. "C'est comme un grand tétris où tout doit s'emboîter", avance la maire Jeanne Barseghian à l'heure d'ouvrir une large séquence de consultations qui s'étalera sur plusieurs mois. "On ne peut pas penser à créer des espaces verts ou de vie sociale sans réfléchir à la nécessité de pouvoir garer les voitures ailleurs que sur la voirie... Si on veut piétonniser ou créer des pistes cyclables, il faut faire circuler les bus ailleurs..."
Premier rendez-vous fixé aux Strasbourgeois ce mercredi 22 juin, pour présenter les grands enjeux de cette réflexion, le calendrier des projets et les principales idées déjà avancées. "Nous voulons être à l'écoute des habitants, des acteurs économiques. Le partage et l'utilisation des espaces publics est l'affaire de tous. Mais il faut un cadrage", explique la maire. "Tout ne va pas être possible."
Et c'est donc ce cadre, bâti sur plusieurs axes, qui sera présenté le 22 juin. En voici les grandes lignes.
Un ring multimodal pour contourner l'ellipse insulaire
Strasbourg, capitale du vélo, oui. Mais pas au détriment des piétons. "Les déplacements au centre-ville, c'est d'abord à pied. Puis à vélo, puis en transports en commun, et enfin en voiture", détaille Sophie Dupressoir, l'élue en charge de la ville cyclable et "marchable". "Et c'est dans ce sens que nous devons réfléchir."
Le "ring", sorte de périphérique pour déplacements doux, comptera donc un itinéraire piéton, "la magistrale piétonne", strictement séparé de la voie cyclable. Un ensemble qui empruntera les quais intérieurs de l'ellipse insulaire, pour permettre de contourner l'hypercentre et de fait le décharger.
"Cela permettra des itinéraires cyclistes bien plus roulants, les piétons seront plus en sécurité, et il y aura moins de vélos dans les zones piétonnes du centre. Il y aura des équipements sur tout le tracé pour permettre d'attacher son vélo si on veut s'y rendre à pied. Et le ring sera relié à un certain nombre de pistes cyclables déjà existantes."
Les quais devront donc être libérés de toute circulation, des bus notamment. Ces derniers devraient être repoussés sur les quais extérieurs de l'ellipse insulaire dès la fin de l'année 2023, alors que le début des travaux d'aménagement de ce ring multimodal est annoncé pour la fin de l'année 2022.
Les transports en commun renforcés
Et puisqu'il est question des transports en commun, la municipalité s'appuie sur deux projets prioritaires pour élargir son offre au centre-ville : la ligne de bus à haut niveau de service G, qui circule pour le moment entre l'espace européen de l'entreprise à Schiltigheim et la gare de Strasbourg, sera étendue vers le sud de l'Eurométropole, et desservira des lieux clés comme l'hôpital civil ou l'hôtel de police par exemple. 12 nouvelles stations devraient être proposées, desservies toutes les 7 minutes de 4h30 à minuit, promet la Ville, pour une mise en service prévue fin 2023, grâce à un investissement de 14,7 millions d'euros.
Au nord du territoire, c'est l'extension du tram vers Schiltigheim et Bischheim qui accélèrera la transformation des habitudes pour se rendre de la première couronne vers le centre, espèrent les élus. Ce tram passera par l'avenue des Vosges et la place de Haguenau, des espaces clés de Strasbourg amenés à être réaménagés, autre axe de travail sur lequel la réflexion est lancée.
La transformation de l'avenue des Vosges et des Halles
"Nous avons une avenue magnifique, avec un patrimoine classé, dont nous ne profitons pas. Et au bout, la place de Haguenau, avec un parc beaucoup trop difficile d'accès", déplore la maire. L'avenue des Vosges, puisque c'est d'elle dont il s'agit, devra être profondément repensée puisque le tram doit y passer, et que la circulation, des vélos notamment, y reste difficile malgré les bandes cyclables qui ont été installées après une longue bataille des associations.
Les Verts rêvent de pouvoir largement végétaliser ces espaces très minéraux, ainsi qu'un autre lieu très fréquenté des Strasbourgeois, la place des Halles. Un secteur lui aussi au coeur des réflexions pour "rééquilibrer la cohabitation des différents modes de transports et d'usages de l'espace public, et agrandir significativement les espaces verts", avance la mairie. Un budget de 4 millions d'euros est prévu pour ce seul secteur des Halles, avec l'objectif d'aboutir d'ici la fin du mandat, en 2026. Habitants et acteurs économiques sont invités à partager leurs idées et points de vue l'automne prochain, pour pouvoir démarrer les travaux en 2024.
L'épineuse question du stationnement
Et la voiture dans tout ça ? "Je n'ai pas été élue pour favoriser la place de la voiture au centre-ville", assène d'emblée Jeanne Barseghian. "Mais je suis bien consciente qu'elle est partie prenante du débat." Car il y a des résidents qui ont besoin de leur voiture - même si "seulement 40% des ménages strasbourgeois possèdent une voiture", selon les estimations de la mairie - et donc de pouvoir la garer. En outre, les commerces doivent pouvoir être livrés. Or pour créer de nouveaux espaces verts, des squares, des pistes cyclables, il faut dégager de la place sur la voirie. Et donc libérer des places de stationnement.
Le stationnement est un problème sur les 700 kilomètres de voiries de Strasbourg.
Pierre Ozenne, adjoint au maire en charge des espaces publics partagés et des voiries
"Quand vous voulez mettre de l'ambiance dans une réunion publique, vous évoquez le stationnement, et c'est parti ! C'est un sujet crispant", admet Pierre Ozenne, adjoint au maire en charge des espaces publics et des voiries. "Sur les 700 kilomètres de voirie de Strasbourg, c'est un problème."
Problème auquel l'élu amène un début de réponse : la construction de nouveaux parkings. Trois ouvrages sont envisagés, dans les quartiers de la Neustadt, du Neudorf et de la Montagne-Verte, "en silos (en surface, et non en sous-sol, NDLR), car c'est moins cher à construire, et surtout réversible, le jour où on n'en a plus besoin." Des lieux ont été identifiés et des discussions engagées avec des entreprises privées, "car il n'y a pas de raison que le budget de ces constructions pèse entièrement sur les collectivités, et parce que ces entreprises ont une expertise intéressante dans ce domaine."
Dans ces quartiers aussi, ces parkings dégageraient de l'espace dans les rues libérées des voitures, espaces que les habitants pourraient se réapproprier. C'est en tout cas le scénario avancé par la municipalité. Elle le partagera avec les principaux intéressés à partir du 22 juin et durant plusieurs mois, avec l'envie de donner un nouveau visage au centre-ville de Strasbourg. Le défi reste de passer du scénario aux actes.