L'homme accusé d'avoir jeté son chien du 5e étage d'un appartement à Strasbourg a été condamné ce mercredi 1er février à huit mois de prison ferme suivis de quatre mois de sursis probatoire et d'obligation de soins par le tribunal correctionnel de Strasbourg.
Pas moins de sept associations de protection des animaux se sont constituées parties civiles dans le procès en comparution immédiate qui se tenait mercredi 1er février à Strasbourg pour juger l'homme suspecté d'avoir jeté son chien du 5e étage d'un immeuble du Neuhof lundi 30 janvier.
Le tribunal correctionnel de Strasbourg l'a condamné à huit mois de prison ferme suivis de quatre mois de sursis probatoire avec obligation de soins. Il a également désormais l'interdiction de détenir un animal domestique à vie.
Les associations, représentées par cinq avocats, ont tenu à rappeler le calvaire subi par Moka, petit croisé pékinois, après une chute de plus de 15 mètres du logement de son propriétaire, lundi 30 janvier 2023, dans le quartier du Neuhof à Strasbourg.
Un calvaire pour l'animal
Lundi 30 janvier, vers 8h30, le chien Moka est découvert par une voisine qui revient de son travail à vélo. Elle a été elle-même alertée par le conducteur d'un utilitaire. Il lui signale avoir vu "un alcoolique jeter un chien par la fenêtre".
Le croisé pékinois d'un an-et-demi gît par terre dans une mare de sang, l'arrière-train paralysé. La voisine appelle les pompiers puis elle voit arriver le propriétaire du chien, pieds nus et ivre. "Mon chien a ouvert la fenêtre et il a sauté dehors", explique-t-il à un passant.
Mon chien a ouvert la fenêtre et il a sauté dehors.
Premières explications du propriétaire du chien
À l'audience, le prévenu explique finalement qu'il est tombé accidentellement du cinquième étage. Il aurait voulu éloigner une boîte de pâté de foie convoitée par l'animal en la plaçant sur la fenêtre. Échappant à la vigilance de son maître très alcoolisé, le petit chien de 25 cm de haut pesant 12 kg aurait réussi à sauter pour atteindre le rebord et serait tombé.
Ensuite, il serait resté une heure, agonisant sur les dalles, devant l'immeuble, avant que la voisine ne le découvre.
Incohérences et humour douteux
Lors de l'audience, les avocats et le procureur ont essayé de comprendre les incohérences des déclarations du prévenu. Très alcoolisé au moment des faits, l'homme de 39 ans avait encore 0,89 mg d'alcool par litre d'air expiré au moment où il a été interpellé par les policiers. La boîte de pâté n'a pas été retrouvée par les enquêteurs, ni dans le studio, ni à l'extérieur.
Lors de son audition, il a déclaré aux enquêteurs : "si mon chien meurt, ce n'est pas grave. Avec le vin rouge, je pourrais en faire un bourguignon". Ce que le prévenu qualifie lors de l'audience de blague.
Il nie avoir jeté son chien accidentellement par la fenêtre, mais il reconnaît être alcoolique. Après plusieurs années passées dans la rue, il a finalement réussi à louer un petit appartement à l'association Horizon Amitié, et à prendre un chien parce qu'il se sentait seul. À la fin de l'audience, s'adressant aux représentants des associations et au public, il a tenu à dire qu'il aimait son chien, un chien qu'il insultait selon certains voisins.
"Acte de cruauté ayant entraîné la mort"
Maître Didier Reins, avocat de la Société protectrice des animaux (SPA) a raconté les 24 heures qui ont suivi la découverte du chien. La SPA a pris en charge l'animal et l'a placé sous anti-douleurs, lui faisant passer une radio pour voir l'étendue des blessures.
"La SPA a essayé de le soigner pendant 24h", a expliqué Maître Reins. "On a fait l’impossible pour sauver ce toutou. Mais il avait implosé littéralement, plus un seul organe n'était à sa place, plus rien ne fonctionnait. Il souffrait atrocement et n'aurait jamais pu guérir." Il a finalement été euthanasié mardi pour motif humanitaire.
On a fait l’impossible pour sauver ce toutou. Mais il avait implosé littéralement, plus un seul organe n'était à sa place, plus rien ne fonctionnait. Il souffrait atrocement et n'aurait jamais pu guérir.
Maître Didier Reins, avocat de la SPA
"À la SPA, quand on euthanasie un chien, on ressasse. On pensera à ce petit chien pendant des semaines", a détaillé l'avocat. "Il faut que la peine soit importante, pour que tout le monde sache enfin qu'on n'insulte pas les animaux, on ne les frappe pas et on ne les lance pas par la fenêtre".
Une loi plus sévère depuis 2021
Le prévenu encourait une peine de prison maximale de 5 ans et 75.000 euros d'amende, une peine alourdie par une nouvelle loi qui date de décembre 2021. Avant cette date, le maximum était de 2 ans de prison et 30.000 euros d'amende.
"Le cœur des hommes ne changera pas", a déclaré Maître Patrice Grillon, avocat de l'association Stéphane Lamart et de la brigade de protection animale. "Et nous verrons encore des dossiers similaires. Les magistrats français continueront d'avoir affaire à des faits de violence envers les animaux."
L'avocat explique que le nombre d'affaires portées devant les tribunaux français est en hausse. "Ce qui est positif, c'est que les citoyens sont de plus en plus sensibles au sort des animaux." Et qu'ils n'hésitent plus à dénoncer des comportements hors-la-loi.
Prochainement, des policiers et des gendarmes seront formés pour traiter les actes de cruauté envers les animaux.
Interdiction à vie de détenir un animal domestique
À l'issue de l'audience, l'homme a été reconnu coupable d'avoir jeté son chien par la fenêtre. Il écope de douze mois de prison dont quatre mois avec sursis probatoire et obligation de soins. Peine assortie de l'interdiction à vie de détenir un animal domestique.
L’homme devra en outre payer une forte amende envers les sept associations de défense des animaux : 800 euros ainsi que 800 euros de frais d’avocat pour six d’entre elles, et 1.200 euros pour la SPA au titre du préjudice moral, 800 euros de frais d’avocat et 208 euros de frais vétérinaires, soit un total de 11.808 euros.
Cette décision est un signal fort pour la cause animale. Les magistrats français sont de plus en plus sévères. Quand on est cruel envers un animal, on peut finir en prison.
Maître Patrice Grillon, avocat de l'Association Stéphane Lamart et de la Brigade de protection animale
Maître Cécile Boutin, avocate du prévenu, ne sait pas encore si son client fera appel. Il a dix jours pour le faire. Il est reparti ce soir en détention.
Maître Patrice Grillon se dit satisfait de la décision. "Malgré ses dénégations, il a été reconnu coupable des faits : il a bien jeté délibérément son animal par la fenêtre. Cette décision est un signal fort pour la cause animale. Les magistrats français sont de plus en plus sévères. Quand on est cruel envers un animal, on peut finir en prison".