Ce lundi 4 novembre, le conseil municipal de Strasbourg a voté pour le projet d'achat de 5 à 7 tiny houses, visant à héberger des familles à la rue avec des enfants scolarisés. Ces hébergements devraient être installés dans le quartier de la Robertsau, où des habitants ont déjà manifesté leur opposition au projet.
Les échanges ont été vifs, ce lundi 4 novembre, au conseil municipal de Strasbourg. Et pour cause, l'une des questions à l'ordre du jour concernait le financement d'un projet qui cristallise les tensions depuis plusieurs mois. Il s'agit de l'achat de cinq à sept tiny houses, ou maisonnettes nomades, dont l'installation dans le quartier résidentiel de la Roberstau vise à mettre rapidement à l'abri des familles en grande précarité, dont les enfants sont scolarisés à Strasbourg. Mais un collectif de voisins du terrain municipal prévu pour leur accueil s'oppose farouchement à ce projet. Les élus de l'opposition municipale s'en sont fait l'écho, instillant dans l'assemblée locale une ambiance tendue.
Manque de communication ?
De part et d'autre de l'hémicycle, les voix se sont soulevées pour dénoncer le "manque de transparence" autour de la mise en place de ce projet, sur lequel des éléments semblent avoir été envoyés "à la hâte" aux élus quelques jours avant le vote. Jean-Philippe Vetter (Union de la droite et du centre) a critiqué "la méthode" de l'équipe de la maire. "Cela fait des mois que de nombreux bruits et documents circulent, sans que nous puissions avoir des informations pour se faire une idée précise du projet de la ville sur ce terrain de la Carpe-Haute", explique-t-il, invoquant un sentiment de "mépris des habitants", qui estiment avoir été "complètement exclus de la décision publique". De son côté, Pierre Jakubowicz (Horizons) déplore la nécessité d'avoir dû "saisir la commission d'accès aux documents administratifs" pour obtenir des documents et des études sur l'installation de ces hébergements temporaires.
Catherine Trautmann et Céline Geissmann (PS), qui se disent pourtant pour l'idée des tiny houses, ont signalé des "approximations" dans le budget total de près de 500 000 euros, et un "manque d'ambition" avec des maisons qui, regrettent-elles, ne disposent pas de toilettes ou de douches. "C'est un beau projet, mais encore faut-il l'assumer et l'expliquer aux riverains. Avez-vous la tiny house honteuse ?", demande Céline Geissmann. Catherine Trautmann a, quant à elle, dénoncé un projet "pensé de façon non durable" puisque ces habitations devront être déplacées dès 2026. Le terrain municipal devra, à ce moment-là, accueillir un chantier immobilier. "Des logements abordables, des logements sociaux", a précisé Syamak Agha Babaei, le 1er adjoint à la maire en charge du budget.
La maire dénonce des propos xénophobes
Certains riverains, regroupés dans un collectif, avaient semble-t-il un projet de jardin familial à proposer, rue de la Carpe-Haute. Ils ont eu l'occasion d'exprimer leur opposition à l'arrivée prochaine de cette vingtaine de personnes précaires, le 12 juin dernier, lors du Café de la maire, un débat sur les questions locales en présence de Jeanne Barseghian. Mais cette dernière, ainsi que son adjoint en charge du quartier, Marc Hoffsess, disent avoir été témoins "d'expressions désinhibées sur les migrants, les SDF et les sans-abris". Un climat "affligeant" et des propos "qui font honte", a dénoncé l'adjoint, tandis que la maire a lu au conseil municipal les propos xénophobes qu'elle a reçus par mail : "On ne veut pas de ça chez nous. Ils vont voler nos voitures, ils vont violer nos femmes". Ce genre de paroles "ne respectent ni la loi, ni la République", a-t-elle affirmé.
Alors que certains élus ont dénoncé "une opération bricolage", "un coup de communication politique" ou "une politique d'affichage" de la part de la maire, celle-ci a estimé que ces derniers préféraient "se cacher derrière des arguments relatifs à la procédure, aux équipements, alors qu'ils sont juste opposés à cette politique d'hébergement". Avant le vote, l'édile a réaffirmé sa vision. "Aucun quartier ne devrait être exclu des politiques de solidarité et d'équité territoriale" a déclaré Jeanne Barseghian. "C'est un maillon d'une stratégie globale d'accès au logement. Oui, ce n'est peut-être pas optimal, elles ne sont peut-être pas suffisamment équipées et confortables, mais l'alternative, c'est la rue. Elle vous paraît plus digne ? À ceux qui disent que les campements sont insupportables, c'est la question, au fond, qui vous est posée." Aujourd'hui à Strasbourg, entre 800 et 900 personnes à la rue sont en demande d'un logement, pour moitié des familles avec un enfant mineur.
Qui a voté pour, qui a voté contre ?
Ce projet a été chiffré à 480 000 euros, dont 280 000 euros concernent l'achat des tiny houses de minimum 22 m2. Un mécène, le groupe KS, propose de soutenir financièrement ce projet d'achat à hauteur de 70 000 euros, en échange d'une visibilité. Les 200 000 euros restants concernent l'installation des mini-maisons, d'une clôture, et d'un bloc sanitaire, le raccordement à l'eau, et la mise en place d'espaces communs. Concrètement, 47 élus ont voté pour la convention de mécénat qui pouvait permettre l'achat de ces tiny houses, 4 élus ont voté contre, comme Jean-Philippe Vetter (Union de la droite et du centre), et 8 se sont abstenus, comme Rebecca Breitman (Modem) et Pierre Jakubowicz (Horizons), ou encore Catherine Trautmann (PS) et Céline Geissmann (PS).