TEMOIGNAGE - Localisation de "La Minerve" : "On va pouvoir faire notre deuil" pour la soeur d’un Alsacien disparu à bord

Le ministère des Armées a annoncé lundi 22 juillet 2019 avoir localisé le sous-marin "La Minerve" disparu en 1968 au large de Toulon avec à son bord, 52 marins, dont le Strasbourgeois Jacques Priard. Sa soeur est aujourd’hui partagée entre douleur et soulagement. Témoignage.

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Lundi 22 juillet 2019. Une date désormais gravée à jamais dans la mémoire des proches des 52 marins disparus à bord du sous-marin La Minerve il y a cinquante-et-un ans.

"Ça a été une journée très difficile, très violente. Finalement, après tout ce temps, on ne s’y attendait plus vraiment", confie Marie Priard-Breitenberger. Elle est la sœur de Jacques Priard, matelot mécanicien originaire de Strasbourg, embarqué à bord du submersible le 6 janvier 1968 pour une manœuvre de trois semaines.

Mon frère n’avait que 20 ans
-Marie Priard-Breitenberger, sœur de Jacques Priard, matelot mécanicien originaire de Strasbourg, embarqué à bord du submersible le 6 janvier 1968-


La première mission importante de ce "beau jeune homme, lumineux, vivant", qui rêvait d’intégrer la marine, passionné par la mer et les vieux rafiots.  "Nous avions fêté Noël en famille, il est parti juste après pour le sud. Mon frère n’avait que 20 ans, mais il était heureux d’y aller, et nous, nous n’aurions jamais pensé qu’il puisse lui arriver quelque chose", raconte Marie.

Et pourtant. Le 27 janvier 1968, dans une mer démontée, La Minerve et ses hommes sont sur le retour. Ils doivent regagner la base navale le soir-même. Mais à 7h49, le bâtiment militaire cesse d’émettre le moindre signal. Il ne communique plus. Il sombre en 4 minutes chrono au large de Toulon.
 
"Quand je suis rentrée chez moi, j’ai vu mon père sur le balcon, en train de hurler. Les voisins m’attendaient. J’ai compris que le pire était arrivé. Nous étions assommés, écrasés de douleur. Dès lors, je n’ai cessé de survivre, d’enfouir les choses, de faire face".

à l’époque, les recherches sont menées pendant plusieurs jours avec des moyens colossaux. Des bâtiments de guerre, la soucoupe du commandant Cousteau (voir vidéo ci-dessous), des dragueurs et même le porte-avions Clemenceau avaient rallié la zone. Malgré cet arsenal, localiser le sous-marin, qui gît probablement dans de très hauts fonds est impossible.
 

"Il n’y avait pas les équipements performants d’aujourd’hui. L’armée évoquait des fosses de 3. 000 mètres dans la zone. C’était impensable d’aller le chercher si profond. Cela mettait en jeu la vie d’autres hommes".


Des cérémonies sans corps

Le 8 février 1968, une cérémonie d'hommage national, sans corps, est célébrée à Toulon, en présence du général de Gaulle. D’autres recherches épisodiques sont menées, en 1969, en 1970. Mais le mystère demeure. Que s’est-il passé? Où sont les marins?

L’affaire est classée secret défense. Les familles se heurtent au silence de l’armée, ce qui ne manque pas d’alimenter de nombreuses théories sur les causes de l’accident. "A l’époque on pouvait tout imaginer. En plein contexte de guerre froide, il y avait des remous dans les pays de l’Est, il y avait aussi de l’espionnage. Toutes les thèses, même les plus fantaisistes étaient avancées."

Il faudra attendre la commémoration du cinquantenaire de l'événement, en 2018, pour que le sujet soit remis en lumière. Plusieurs familles de victimes en profitent pour demander la reprise des recherches et la levée du secret. Ce que les autorités accepteront.

Les gros moyens sont engagés. Un drone sous-marin de recherche de l’Ifremer capable de couvrir 10 kilomètres carrés par jour sur une zone de recherches qui en compte plusieurs centaines est notamment mis à l’eau. Tout comme ceux du navire américain Seabed Constructor, déjà à l’origine de la découverte du sous-marin argentin San Juan, disparu avec 44 hommes à bord au large de l'Argentine en novembre 2018.


A 2.370 mètres de profondeur et à 45 kilomètres des côtes

C’est ce bâtiment, capable de filmer les fonds marins jusqu'à 6.000 mètres de profondeur, qui a finalement permis d'apporter la confirmation visuelle de l'emplacement de La Minerve, reposant à 2.370 mètres de profondeur et à 45 kilomètres des côtes.

"Au début je ne voulais pas que l’on réalise ces recherches. J’avais envie de mettre la tête dans l’oreiller, de ne plus rien entendre à ce sujet. Et puis, la fiancée de mon frère, Christiane, m’a convaincue de le faire, pour Jacques, pour sa mémoire," confie encore Marie Priard-Breitenberger,

A 77 ans, affaiblie, elle ne sait pas si elle pourra se rendre à la cérémonie qui devrait être organisée dans quelques semaines par le ministère des Armées dans le sud de la France. Mais elle se dit enfin soulagée. "Désormais, nous savons. Nous avons la réponse. Le travail de deuil va pouvoir commencer. jusqu’ici il était impossible. On ne peut pas passer à autre chose avec une simple mention disparu."


Le mystère levé en partie

Une partie du mystère de La Minerve est donc levé. Reste à savoir pourquoi le géant de 800 tonnes a coulé avant d'imploser. Son épave ne sera pas remontée à la surface. "Ce n’est de toute façon pas ça qui nous préoccupait. Il fallait surtout qu’on retrouve nos proches" conclut la septuagénaire.
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