Selon que l'on compte le nombre de cuvettes et d'urinoirs ou le nombre de lieux d'aisances à Strasbourg, on n'arrive pas aux mêmes chiffres, mais au même constat : trop peu d'endroits pour faire pipi à Strasbourg. Les guides touristiques y sont confrontés à chaque visite, la municipalité prépare un plan de travaux pour fin 2025.
Quand ça presse, ça presse. Enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, tous savent ce que cela signifie, avoir besoin d'aller aux toilettes et ne pas en trouver. Une enquête récente de « Les décodeurs », un blog collaboratif animé par le service politique du journal Le Monde, dénonce le manque de toilettes publiques à Strasbourg. Pour les habitants ce n'est pas une découverte, pour les touristes qui viennent visiter la capitale européenne, cela peut représenter un vrai problème.
En première ligne pour le constater, les guides touristiques. Quand un bus arrive après un long trajet, ils ont toujours droit immédiatement à la même question : “Où sont les toilettes ?”
"Selon que la dépose se fait place de l’Étoile, quai Jacques Sturm ou à la Petite-France, on est bien ou mal équipé et le début de la visite peut être très compliqué", reconnaît Amélie Chartier, guide conférencière à Strasbourg. On les comprend ces touristes, il est difficile de se concentrer sur ce que raconte le guide quand on a un besoin urgent.
Le schéma catastrophe pour les guides
"Un bus de tourisme, c'est entre 30 et 50 personnes" rappelle Amélie Chartier "alors si on arrive à trois ou quatre bus en même temps, et qu’il y a un lieu avec quatre ou cinq cabines pour les femmes et pareil pour les hommes, c’est vite problématique. En plus ça nous fait perdre du temps sur nos visites."
L'équipe municipale de Strasbourg est consciente du problème, mais nuance. "Si l'on compte les lieux d’aisances où il y a plusieurs sanitaires regroupés, cela représente une toilette pour 19 000 habitants, par contre si on compte réellement les installations intra-muros, c’est-à-dire les cuvettes et les urinoirs, on arrive à 138 points d’aisance et au ratio d'une toilette pour 2000 habitants", détaille Jean-Paul Prève, l’adjoint chargé de la propreté à Strasbourg. "Sans oublier que Strasbourg est une Eurométropole aux côtés de laquelle on trouve 32 autres communes, dont les toilettes ne sont pas comptabilisées."
Un besoin pressant de plus de toilettes
La preuve que le problème est réel, une chargée de projet toilettes publiques vient d'être nommée à Strasbourg. Elle assure qu'un plan de travail est à l'étude, pour évaluer les besoins adaptés à la ville. Mais ce n'est pas simple, il faut tenir compte des événements festifs ponctuels et réguliers, garantir l'équité territoriale avec un meilleur maillage, évaluer les coûts et les enjeux écologiques (vaut-il mieux louer le matériel et les services ou acheter et financer les salaires des personnels), opter pour des toilettes sèches ou reliées au réseau ? Il faut aussi considérer les conditions de travail des "dames et messieurs pipi" (sécurité en sous-sol et le soir). Cela fait beaucoup d'aspects à étudier et il faut déterminer les éléments à privilégier.
Le schéma directeur, c’est-à-dire la méthode à utiliser, devrait être prêt fin 2025. En attendant, la chargée de projet assure que la ville ne reste pas les bras croisés. Il y aura probablement des solutions intermédiaires mises en place, comme des toilettes sèches dans les parcs, (quand on ne peut pas les relier au réseau d'assainissement pour des raisons de distance et donc de coût), les places de marchés pour les commerçants, les aires de parkings relais avec le tramway.
Contrainte supplémentaire : les monuments historiques
Et puis, il y a la charte des monuments historiques. Dans les quartiers classés, (Unesco entre autres) on ne peut pas installer des toilettes comme on veut. "Dans les périmètres délimités des abords, tous les travaux sur les immeubles protégés au titre des abords sont soumis à l'accord de l'ABF. (Architectes des Bâtiments de France)", indique sur son site le ministère de la culture.
"L’ABF s'assure que les travaux ne portent pas atteinte au monument historique ou aux abords du monument historique.(À moins de 500 mètres) Il s'assure également du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, de la qualité des constructions et de leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant."
"Cet aspect-là est une contrainte supplémentaire" souligne l'adjoint de la ville. Reste aussi la question des sanitaires pour tous. Un autre sujet à prendre en compte. "Il faut par exemple équiper les toilettes avec des endroits pour changer les bébés " souligne Jean-Paul Prève. "Ces lieux de change existent pour l'instant chez les femmes, mais il faut aussi penser à en proposer chez les hommes, ou dans des endroits mixtes, sinon ça peut créer des problèmes."
Sans oublier les personnes en situation de handicap, qui se retrouvent face à des escaliers, sans ascenseurs, ou des ascenseurs en panne.
Malgré les énormes efforts à déployer, Strasbourg, capitale européenne, "compte 2,8 millions de visites dans ses toilettes chaque année. Elles sont ouvertes 7 jours sur 7 de 7h à 20 heures", souligne l'adjoint à la propreté.
Alors, en attendant d'en avoir davantage, bien réparties et adaptées aux situations des citoyens et visiteurs, il va falloir continuer d'aller boire un coup dans un café ou une pâtisserie pour accéder aux leurs ou se rendre dans un grand magasin qui, si on a de la chance, propose des toilettes ouvertes et propres. Quant aux groupes de touristes, ils continueront à faire la course pour arriver les premiers aux toilettes publiques.
Avec Noël qui approche, les visiteurs vont revenir. Pourvu que le Père-Noël ait dans sa hotte des idées pour mettre en place, rapidement, des toilettes provisoires et en nombre suffisant, un peu partout en ville.