A bientôt 83 ans, André Bauer, ancien déporté dans le camp de Bergen-Belsen, a décidé de témoigner pour la première fois. C’est au lycée Freppel d’Obernai, là où il a été scolarisé qu’il a raconté ce mardi 4 octobre la période la plus sombre de sa vie.
"Professeur d’histoire-géographie à la recherche de témoin de la déportation". C’est à partir de ce titre paru dans le journal régional au mois d’avril, que tout a commencé pour André Bauer. A la veille de ses 83 ans, après tant d’années de silence, cet ancien médecin a décidé de témoigner pour la première fois de sa vie.
En effet rare sont encore les derniers témoins de cette sombre période de l’histoire, alors ce mardi 4 octobre, André Bauer, habitant de Strasbourg, a décidé de prendre la voiture pour se rendre au lycée Freppel, son ancien établissement. C’est devant une classe de terminale qu’il va ainsi livrer pendant deux heures, son vécu.
Nous sommes en 1944, André Bauer n’a alors que 4 ans et demi. "Lorsque la déportation a commencé, mes grands-parents, ma mère, ma tante et moi, nous sommes réfugiés dans le village de Chatas dans les Vosges. Nous y sommes restés quelques semaines puis, un jour, alors que ma mère était partie faire les courses, les allemands nous ont trouvé et nous ont emmené à Drancy" explique André Bauer.
Statut de prisonnier de guerre, un statut de privilégié
Constatant que sa famille avait été enlevée, la mère d’André Bauer se rend aux allemands dès le lendemain pour pouvoir rejoindre son fils. "En arrivant sur place, ma mère précise que mon père avait été un prisonnier de guerre, elle et moi étions donc une femme et un enfant de prisonnier et nous bénéficiions d’un statut privilégié grâce à la convention de Genève de 1929" explique-t-il.
Si ma mère ne s’était pas constituée prisonnière, je ne serais pas là pour vous parler.
André Bauer, déporté en 1944
Ce statut, central dans sa vie, va tout changer. Puisque que contrairement au reste de sa famille, André et sa mère ne vont pas être déportés à Auschwitz mais à Bergen-Belsen. "Le reste de ma famille a été gazée dès le lendemain de leur arrivée à Auschwitz. Nous, avec notre statut, nous devions servir de monnaie d’échange contre d’autres prisonniers allemands" raconte André Bauer avant d’ajouter "si ma mère ne s’était pas constituée prisonnière, je ne serais pas là pour vous parler".
André et sa mère resteront pratiquement un an à Bergen Belsen. Ce n’est qu’en avril 1945 qu’ils vont être mis dans ce que l’on appellera plus tard le train fantôme. "Début avril, nous avons été mis dans un train mais sous la pression des forces alliés, les allemands ont abandonné notre train en rase campagne vers Tröbitz. Ce sont les troupes russes qui nous ont libérés".
Ces souvenirs ce sont avant tout ceux de sa mère ainsi que le fruit de ses lectures, car André Bauer ne se souvient pas de cette période. Les psychiatres lui ont diagnostiqué une amnésie traumatique. "Quand je vois comment souffrent les gens qui s’en souviennent, je me dis que, de ne pas avoir de souvenir, c’est une chance… "
André en a bien conscience, il fait partie des chanceux. Sur les 76 000 juifs déportés, 11 000 étaient des enfants, seuls 300 d’entre eux sont revenus des camps de la mort, dont André Bauer.